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Comme tout le reste, je n’en suis qu’à mes débuts, donc je découvre.

Il ne faut pas s’attendre ici (ni ailleurs, en fin de compte) à de l’exhaustivité – ni même à un large recensement – je papillonne au gré de mon chemin, et je présente ceux que je rencontre. Les catégories ne sont guère que des commodités. Je ne leur accorde aucune importance.

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La musique – Le cinéma – La photographie – La peinture – L’architecture – La sculpture – La littérature

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LA MUSIQUE

Reinette l’Oranaise – Maurice el-Medioni – Blaoui el-Houari – Cheb Khaled – Kouider Berkane

→ Les musiciens judéo-arabes sont les premiers à me venir à l’esprit, probablement parce qu’il existait à Oran une atmosphère tout à fait unique qui a permis « au miel de couler », comme le dit avec une certaine forme de nostalgie Maurice el-Medioni dans un reportage sur la musique arabo-andalouse. Je n’ai pas évoqué tout le monde (loin de là) parce que je ne connaissais strictement personne quand j’ai commencé, ma culture musicale étant proche du néant.

J’ai donc découvert Reinette l’Oranaise en premier, puis Maurice el-Medioni, sur lesquels j’ai fait un article.

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On trouvera dans l’article de Reinette l’Oranaise une évocation du maître du Chaâbi, Hadj el Anka, qu’elle accompagna à ses débuts, mais surtout des images de Mustapha Skandrani, avec qui elle se trouva le plus souvent sur scène. La vidéo qui illustre l’article les montre tous deux en discussion, souvent vive.

L’article sur Maurice el-Medioni est écrit quelques mois plus tard. Il est un peu plus riche parce que le blog était mieux suivi, et que j’ai ainsi pu obtenir davantage de renseignements en provenance des uns et des autres. On y retrouve bien sûr Reinette l’Oranaise, mais aussi Messaoud el-Medioni, plus connu sous le nom de Saoud l’oranais, qu’Angèle Maraval invitait déjà dans les années 30, sur son domaine, pour animer les soirées mondaines.

Saoud l’Oranais possédait un bar rue de la Révolution (quartier juif quasi défunt) dans lequel toutes les stars de la musique judéo-arabe se retrouvaient, à commencer par Blaoui el-Houari, Lili Boniche l’Algérois, Cheikh Hamada (proche de Hadj el Anka), Lili Labassi, ou Blond Blond l’albinos.

À noter aussi un article passionnant de Ouioui Bensetti sur les Meddahates, ces « orchestres de femmes composés de trois à quatre musiciennes et une Meddaha, chef-d’orchestre, qui chante et joue de la tbîla. » Beaucoup d’informations extrêmement intéressantes qui ont le mérite de la précision. On y découvre une autre Oran.

Quelques vidéos permettent d’en apprendre un tout petit peu plus (mais si peu), et je n’ai pas du tout pour objectif de devenir un spécialiste en la matière, mais seulement de guider ceux qui, comme moi, découvrent tout :

– 10 minutes formidables sur Reinette l’Oranaise dans l’article correspondant.
– Un café-concert de Maurice el-Medioni à Tel Aviv enregistré par Rachel Samoul début septembre 2009.
– Un morceau du film « Raï » réalisé en 2001 par Claude Santiago au bas de l’article sur les patios.
– Un extrait émouvant de la rencontre entre Maurice el-Medioni et Blaoui el-Houari, organisée par Cheb Khaled, natif lui-même du quartier d’Eckmühl à Oran. (à noter l’article sur Kouider Berkane et le Raï de Khaled).

Safinez Bousbia recréera vers 2010 un groupe réunissant les anciens maîtres du Chaâbi séparés par l’Indépendance algérienne : El Gusto, et en fera un film documentaire sorti en France début janvier 2012.

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Enrico Macias – Etienne Daho – François Valéry – Louis Bertignac

→ Certains chanteurs ont aussi compté, et la plupart du temps pour d’autres raisons que la qualité de leurs chants. La liste s’agrandira probablement. Il ne s’agit pas pour moi de faire un catalogue mais de relever certains noms associés à des sentiments. Il vaut mieux se rappeler que je ne suis pas mélomane.

– J’ai redécouvert Enrico Macias (beaucoup écouté dans un petit appartement des Ardennes à la fin des années 90), personnalité très controversée -je ne porterai aucun jugement- mais je rappellerai juste qu’il a très jeune composé une chanson qui a su toucher les pieds-noirs : « Adieu mon pays« . Chanson que je me suis repassée en boucle de nombreuses fois, quand je suis retombé dessus, au mois de septembre dernier. Je reste toujours fasciné par le solo de guitare qui débute le morceau, les traits du visage, la douceur de l’interprétation.

– J’ai redécouvert Étienne Daho et son Paris ailleurs, beaucoup écouté dans le temps. Je ne savais pas qu’il était d’Oran, et j’ai donc à nouveau glissé son album dans mon casque, avec une certaine émotion. Paris ailleurs résonne d’étrange façon lorsqu’on l’entend depuis Oran.

– Et puis il y a eu François Valéry, dont je me suis un peu moqué, bêtement : Oran, juin 62. C’est une erreur. Il y a une simplicité que j’apprécie en fin de compte. Je ne peux pas le comparer à Daho, mais je peux l’écouter avec un certain frisson, comme je regarde désormais « Le coup de sirocco » les larmes aux yeux (c’est assez incroyable).

– J’ai aussi une pensée pour Louis Bertignac, que j’ai adulé étant jeune, en fan inconditionnel du groupe Téléphone (comme tout le monde au début des années 80). Je n’ai rien écrit sur lui parce que je n’avais pas envie d’égrener les personnalités les unes après les autres, mais je me demande parfois si ma passion de jeunesse pour le célèbre groupe de rock n’est pas liée à cette âme oranaise, qui vibrait déjà dans l’air. Hypothèse plaisante.

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LE CINÉMA

Nicole Garcia – Alexandre Arcady – Coup de sirocco – Cinémas des années 50 à Oran

Si je ferme les yeux et que je joue à donner deux noms sans réfléchir, il sort instantanément Nicole Garcia et Alexandre Arcady. Du bon (excellent même) et du moins bon (critiquable en tout cas).

– J’ai fait deux articles sur Nicole Garcia : Le premier dans lequel j’ai laissé mes souvenirs érotiques de jeunesse remonter à la surface, et le second dans lequel j’ai pris plaisir à retrouver sa voix dans mes archives radiophoniques. Elle décrit avec une sobriété et une pudeur tout à fait remarquable ce que fut son exode.

– Je n’en ai fait qu’un sur Alexandre Arcady parce qu’en septembre 2012, il sortait un film tourné à Oran. Je l’avoue sans plaisir, je n’ai pas pu aller le voir. Il me faut un minimum de crédibilité dans l’histoire et les personnages. Ce minimum n’y était pas. J’ai trouvé le film sur Youtube quelques mois plus tard, je l’ai regardé. Je n’ai pas regretté de m’en être dispensé en septembre, mais je m’attendais à pire, je suis allé jusqu’au bout. Je préfère toutefois Le coup de sirocco. Plus juste. Et plus drôle. (Voir les retrouvailles avec Jacob par exemple)

– Mais c’est aussi le cinéma à Oran, les cinémas devrais-je dire, les nombreuses salles, et un article que j’ai pris beaucoup de plaisir à écrire. Il n’est bien sûr qu’une petite lorgnette par laquelle regarder le septième art à Oran, mais le point de vue est amusant. Les grands noms de l’époque se sont plaints du manque de culture sérieuse à Oran – Jean-Michel Guirao, notamment, qui crée la revue Simoun dans les années 50 pour palier ce manque – mais les habitants jamais. La ville bouillonnait de culture populaire, en grande partie d’inspiration espagnole.

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LA PHOTOGRAPHIE

Cartes postales anciennes – Traces écrites – Ram Zy – Serge Durrieux – Yann Arthus-Bertrand – Photos-cartes – Maurice Furic

Le monde de la photographie est à la base de ce blog.

Les photos d’archives : sans les photographies d’époque accumulées sur tous les sites pieds-noirs (et reprises sur Facebook par les Algériens à la recherche de l’Histoire de leur ville) un blog comme celui-ci n’aurait jamais pu exister. Le site Oran des années 50 en est le socle. Il est d’une grande simplicité : il s’est fixé pour objectif d’accumuler les photos d’Oran (anciennes le plus souvent, mais pas exclusivement) dans des « coins », et s’il l’on est prêt à y passer quelques nuits blanches, il est possible de reconstituer une ville en trois dimensions qui cadre plus ou moins avec la ville que les pieds-noirs eux-mêmes ont reconstitué d’après leurs souvenirs et ces photos. (J’ai un petit faible pour les vieilles cartes postales derrière lesquelles se trouvent des traces écrites…)

Les photos d’artistes : trois artistes de la photographie me viennent en tête, très différents les uns des autres. Honneur au plus jeune, Ram Zy, découvert au mois de décembre 2012, et qui capte le quotidien d’Oran en noir et blanc. Remarquable. Un plus ancien qui a connu Oran avant 62 et qui était journaliste à l’Echo d’Oran, Serge Durrieux, aussi auteur de plusieurs livres sur la ville. Et Yann Arthus-Bertrand, qui, vu du ciel, a su faire deux photos d’Oran chargées de sens.

Le cas des photos-cartes : ce sont de vieilles cartes de visites comme on en faisait au XIX° siècle, avant qu’apparaissent les cartes postales, puis… les photomatons (ces horribles photos de pénitencier). J’en avais quelques-unes qui appartenaient à mon grand-père et que je regardais toujours avec une certaine curiosité, jusqu’à ce que je décide de me pencher dessus un peu plus sérieusement, grâce au livre de Michel Mégnin sur la photo-carte en Algérie.

Les étranges photographies de Maurice Furic : Maurice Furic arrive tout droit du plateau Saint-Michel et passe beaucoup de temps à coloriser des photos. Voilà un travail qui m’a vraiment intrigué. 

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LA PEINTURE

Yves Saint Laurent – Charles Brouty – Antoine Martinez – Catherine Quesada

J’ai hésité à mettre Yves Saint Laurent dans la peinture, mais pourquoi pas, tout le monde semble d’accord pour le considérer comme un artiste des couleurs. Pour le reste, les amateurs seront sûrement déçus, ce ne sont que petites choses toutes personnelles.

→ J’ai découvert assez vite que l’homme était né à Oran mais comment parler de Yves Saint Laurent dans ce blog ? Il fallait que je connaisse un peu mieux Oran. Au final, presque un an pour comprendre que les couleurs étaient un attribut essentiel de la ville des années 50, et qu’elles faisaient le lien avec le créateur.

→ Très vite aussi, en cherchant un remplaçant à Cagayous qui ne me plaisait pas, je suis tombé sur un dessinateur formidable qui s’est avéré être assez connu : Charles Brouty. Une très grande sensibilité dans le trait et de très belles nuances lorsqu’il s’agit de peinture. Mais je préfère le dessin.

→ Un article sur le peintre Antoine Martinez qui me tient à cœur parce que la photo (qu’il faut voir) avec sa femme est magnifique. Respiration du tragique. Mais pas grand chose sur sa peinture parce que ce n’était pas le but. Une sorte de hors sujet.

→ Et les petits personnages peints de Catherine Quesada, pour lesquels j’ai un faible, parce que je trouve le tableau touchant.

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L’ARCHITECTURE

Cathédrale du Sacré-Coeur – Église St-Louis – Style Jonnart – Orientalisme – Gare – Belvédère – Théâtre – Rosalcazar – Bains Turcs – Mausolées – Cité La Fontaine

Ce n’est pas simple de mettre de l’ordre dans l’architecture parce qu’en parlant des monuments (ou simples bâtiments) de la ville, on parle forcément d’architecture, sans toutefois se fixer dessus. Donc il faut toujours considérer que cette classification est parfaitement artificielle. Je vais y mettre des petites choses qui me traversent l’esprit.

→ Et peut-être commencer par les églises et cathédrales. Il y en a deux qui me sont chères. La cathédrale du Sacré-Cœur parce qu’elle était encadrée chez mon grand-père, et l’église Saint-Louis parce qu’elle a traversé les époques, se trouve presque abandonnée aujourd’hui, et conserve encore une certaine dignité dans le quartier historique de la Marine.

→ Des bâtiments que j’aime beaucoup, mais sur lesquels j’ai fini par avoir un œil nuancé, ceux du début du XXème siècle qui empruntent au style Jonnart. Certains me contrediront, mais j’ai du mal à me défaire de l’idée que cette architecture était déjà la marque de quelques lézardes dans le système français, et que l’orientalisme qui lui est associé n’arrange rien. En attendant, ça donne quand même des constructions comme la gare ou le belvédère, que j’aime beaucoup.

→ Ensuite, il faudrait parler du Théâtre, de Rosalcazar, des Bains Turcs, des petits mausolées de saints, ou même de la cité La Fontaine. Toutes choses évoquées dans des articles à part, et rarement sous l’angle de l’architecture, parce que l’architecture n’est jamais que la trace d’une civilisation, et que j’ai préféré me poser des questions sur ce qu’elle évoquait.

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LA SCULPTURE

Obélisque place d’Armes – Jeanne d’Arc de la Cathédrale – Monument aux morts – Grande Vierge de Santa-Cruz – Petites Vierges – Vierge de Nîmes – Rapatriements de monuments oranais en France – Fontaine Aucour – Statue de la Loi – Le petit astronaute de Salamanque (petit clin d’œil personnel)

Je n’ai pas vraiment porté d’avis sur les statues en tant qu’œuvre d’art parce que je ne m’en sens pas capable. Il faut dire aussi que la plupart d’entre elles (en tout cas sur lesquelles j’ai écrit) sont des œuvres « officielles » qui ne m’inspirent pas grand chose parce qu’elles ne sont pas là pour perturber l’homme dans sa vision du monde, mais pour le rassurer sur la société dans laquelle il vit, et commémorer les morts ou les batailles. Mais elles font partie du « décor » et à ce titre, il vaut mieux les connaître, parce qu’elles ont marqué tout le monde.

→ Je pense que la 1ère que j’ai retenue est celle qui se trouve au sommet de l’obélisque de la place d’Armes (place du 1er novembre 54). Et avec elle les deux autres, c’est-à-dire le bas-relief d’Abd el-Kader en place actuellement, ou « La France » qui se trouvait là jusqu’en 62, et qui a été rapatriée à Périssac, en Gironde, tout près de chez moi. Je suis allé la visiter un lundi après-midi.

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→ Et puis il y a la statue de Jeanne d’Arc qui se trouvait devant la cathédrale, entièrement dorée, et rapatriée elle aussi en France en 62, mais installée sur son socle un peu plus tard. Celle du monument aux morts, rapatriée à Lyon en 1967, dans le quartier de la Duchère où de nombreux pieds-noirs se replièrent en 1962. Et celle qui se trouve tout en haut de la Basilique de Santa Cruz (réplique de la Vierge de Fourvière à Lyon), sans oublier les petites qui se sont succédé, jusqu’à la procession annuelle de Nîmes avec la Petite Murillo.

Pour finir sur ces sculptures officielles, une vidéo personnelle (j’étais un peu enrhumé…) réalisée à partir de Google Earth, et qui montre le rapatriement des différents monuments d’Oran en France.

→ Enfin, il y a les statues diverses et variées comme celle de l’ingénieur Aucour, la statue de la Loi derrière la Cathédrale, ou… le petit astronaute de Salamanque (qui n’a rien à voir avec Oran, comme son nom l’indique, mais que j’aime beaucoup).

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LA LITTÉRATURE

Cagayous – Gilbert Espinal – Emmanuel Roblès – Albert Camus – Jeanne Cheula – Simoun – Roger Dadoun

Voilà quelque chose de compliqué à éclairer. Je vais faire simple et très subjectif : il faudra toujours se rappeler que ce ne sont que mes goûts.

→ Je n’aime pas vraiment Cagayous et je me suis fait gronder pour ça. Je peux comprendre, je n’ai pas écrit un article très intelligent. Je m’en explique en commentaire, au bas de l’article, justement. Je lui préfère Gilbert Espinal même si j’ai mis du temps à apprécier la langue, à entrer dans l’esprit des habitants de la Marine ou de la Calère par sa manière, à y croire surtout. Il m’aura fallu l’article sur les patios. Et pourtant…

→ Et pourtant, à choisir, je préfère Emmanuel Roblès, qui écrit Saison Violente, et qui débute son roman à la Marine lui aussi, au cœur des habitants européens les plus modestes de la ville. C’est la même chose. Mais en plus fin, selon moi. Je tiens Saison Violente pour le seul roman qui permette de pénétrer avec subtilité dans la ville des années 30. Avis personnel et non définitif bien sûr.  Mais cette interview m’avait déjà mis la puce à l’oreille sur la qualité de l’homme Roblès.

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→ Je laisse Camus de côté parce que c’est très spécial et je conseille seulement pour finir un livre devenu introuvable mais dont j’aime beaucoup l’écriture classique, celui de Jeanne Cheula, qui a passé 10 ans à Oran jusqu’en 1962, parce que son mari y était commissaire de police. Le livre s’appelle Hier est proche d’aujourd’hui. Très beau dans ses descriptions, à la fois de la ville et de l’Oranie.

→ Et il y a le cas très particulier de la revue Simoun, créée par un instituteur : Jean-Michel Guirao. Une revue internationale de très haut niveau comme on peut en juger par le hors-série préparé par Roger Dadoun sur Robert Desnos. Particulièrement étonnant. Mon grand-père avait le numéro 20 dans un carton. Heureusement, sinon, je crois que je serai passé à côté. Il n’est pas souvent évoqué sur les sites pieds-noirs. Je ne l’ai trouvé que dans le livre Oran la Joyeuse de Alfred Salinas, et dans un article de la « Revue des revues » repris sur Nananews et présenté par Mahia Alonso.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)

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