L’arrivée du Bouyouyou à Hammam-Bou-Hadjar

Toute ma famille paternelle travaillait dans les gares.

Ils étaient cheminots.

Le père de mon père travaillait à la gare de la ville et le grand-père maternel était chef de gare au Bouyouyou.

Pour tous ceux qui ont l’âge d’avoir la mémoire d’avril 1949, le Bouyouyou reste inoubliable. Surtout qu’à l’époque, ceux d’aujourd’hui étaient enfants. Et quand on est enfant, ce genre de train s’imprime dans la mémoire pour l’éternité.

Alors que je retranscrivais le premier entretien réalisé avec mon père en août 2010, je suis tombé sur un passage qui manquait de clarté et je me suis décidé à  envoyer un mail pour demander des précisions.

La fin du Bouyouyou (source : blog « La Sénia de mon enfance »)

La réponse fut tellement riche de souvenirs et de poésie que je dus la relire au moins dix fois. Je vais en reproduire ici une partie, celle qui donnera aux anciens l’occasion de retourner en pays de cocagne le temps d’une lecture.

« …Son père aussi à Mamie était chef de gare. Tout le monde était chef de gare dans la famille. Mais lui, c’était le petit train Oran-Hammam-Bou-Hadjar.

Un petit tramway que la société belge avait installé entre Oran et Hammam-Bou-Hadjar distant de 80 kms. Cette ligne de tramway, c’était un bon petit train des années 1910 installé par une Société belge avec une locomotive comme on en  voit dans les films du Far West,  avec un tender et deux à trois wagons.

Cette ligne  de 100 kms reliait Oran à Hammam-Bou-Hadjar, petite ville quelque peu thermale (d’où le nom de Hammam) où est née Mamie en 1920. Cette ligne partait du centre d’Oran, au carrefour du Bd Joffre et Bd Mascara au niveau de la caserne ; c’est d’ailleurs là que Papi  a connu Mamie qui y travaillait depuis 1 an (son père était Chef de gare)  quand il a été embauché  en 1941.

Elle continuait sur Boulanger-Médioni, La Sénia, Valmy, Arbal… Je peux te dire que papi était vite devenu  un pilier de ce Bouyouyou dont la ligne fut fermée en avril 1949. Avec son collègue Besson qui était mécanicien, ils s’arrangeaient pour utiliser le train pour chasser le gibier.

Dans ma mémoire d’enfant de 5-6 ans, je le revois dans la plaine de Valmy sortir du train que Besson avait fait rouler au pas pour aller tirer avec son fusil un geai (oiseau multicolore qui m’avait frappé par sa beauté) qui se trouvait perché dans les parages, et il revenait en courant dans le train.

La Société du Bouyouyou avait un dépôt de matériel à Boulanger-Médioni  et également deux véhicules de service : deux belles Citroën Rosalie, l’une pour le Directeur et l’autre pour les 2 ou 3 sous-chefs ; évidemment papi qui était chef comptable  l’avait quelquefois et je me souviens être dans cette voiture (car papi m’amenait toujours avec lui) à circuler  dans les rangs de vigne à Valmy pour chasser la perdrix, la chasse était une passion pour lui.

Je me souviens voir de la fumée sortir de dessous le capot car le radiateur fuyait et le moteur chauffait, je me souviens du pot d’échappement arraché qu’on réparait avec des fils de fer… Tout ça devait se passer 1 ou 2 ans avant la fermeture de la ligne.

Cette époque est restée marquée dans ma tête  parce que tous les employés allaient être licenciés et ça alimentait beaucoup les conversations à la maison.

Papi était avec  trois ou quatre autres le représentant des salariés  qui allaient discuter à Alger de leur devenir. Je me revois gamin allant avec ma mère l’accompagner le soir en bas de l’immeuble prendre le bus pour rejoindre la gare d’Oran CFA (=SNCF), avec une petite valise, direction Alger.

Mon grand-père et quelques autres syndicalistes partent à Alger pour sauver le Bouyouyou

Là encore, il s’en est bien tiré car il  s’est fait  muter à la gare CFA d’Oran alors que son frère Roger a été recasé aux CFA d’Alger et a du faire la navette Oran-Alger chaque week-end pendant 10 ans. Papi est resté à la gare d’Oran jusqu’en 1962.

Mon père rajoute cette très belle phrase pour finir.

Enfin, petit gamin sur le quai de la « gare » de Valmy, je revois ce train arriver éructant de partout, cette  locomotive qui m’impressionnait beaucoup avec sa haute cheminée envoyant en l’air un gros nuage de fumée. 

Mon père ne le sait pas mais c’est un grand écrivain.

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?).

*

NB : Voir l’article sur le Style Jonnart pour avoir une idée de la gare d’Oran où mon grand-père travailla après la fermeture du Bouyouyou en avril 1949.



 

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