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J’ai toujours préféré les personnages aux événements.

On ne sait jamais très bien si l’Histoire avance parce qu’il existe des structures qui la déterminent en profondeur, ou si les individus ont droit à la parole à un moment ou un autre, mais une chose est sûre, il reste toujours des noms a posteriori. Qu’on leur attribue une importance qu’ils n’ont peut-être pas ne change rien à l’affaire, a posteriori, ils ont acquis une place dans le regard que le présent porte sur le passé.

Lorsqu’on se fabrique une histoire très personnelle, comme celle que j’ai construite sur ce blog et qui n’a pas vocation à servir de référence (même si j’essaie de ne pas raconter n’importe quoi) on le fait toujours à partir de personnes et de personnages qui apparaissent sur le chemin, et qui finissent par peupler un pays imaginaire.

La ville d’Oran qu’on peut lire ici est une ville imaginaire.

Une ville fabriquée de toute pièce par une sensibilité en quête de ses origines, qui voulait surtout se reposer sur quelque chose de plus intime que la « Guerre d’Algérie », et donc de plus solide à long terme, de fondateur.

Parce que cette sensibilité d’enfant de pieds-noirs vivait sans fondations.

Les personnages qui suivent sont les principaux héros d’une mythologie personnelle, parfaitement artificielle, et uniquement destinée à servir de socle à une existence autrement flottante. Ils sont groupés par association d’idées, comme dans les rêves.

Bien d’autres individus auraient pu y figurer. De nouveaux viendront probablement les rejoindre.

Bon voyage.

 

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Personnages classiques – Personnages anecdotiques – Quelques intellectuels

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Quelques personnages connus de l’Histoire classique d’Oran

Cardinal Ximenes – Bey Mouchlaghem – Bey Mohamed el-Kebir – Capitaine Dutertre – Oscar de Gereaux – Emir abd-el-Kader – Général Lamoricière – Général Pélissier – Caïda Halima – Angèle Maraval – Pierre Sénéclauze – Le Dr Jules Abadie – Aurélie Picard – Imam Benkabou Belkacem – Henri Fouques-Duparc – Edouard Herriot – Albert Ballu – Jules Dalou – Frères Perret – Le Gouverneur Jonnart – Emile Cayla – Auguste Aucour

 

Mes incontournables des débuts

→ Celui qui me marque assez vite (et c’est probablement parce qu’il en reste une iconographie) c’est le Cardinal Ximenes. Il arrive en 1509 et c’est le début de la première période espagnole. Pour moi, cette période est associée à son nom. Il ne reste pas de traces de la période arabo-berbère qui a précédé. Il faudrait fouiller sous certains bâtiments anciens comme la Casbah, Rosalcazar, ou l’église St-Louis. C’est à peu près tout pour ce moment espagnol, même si depuis peu, j’associe Ximenes à Juan d’Autriche ou Cervantès, qui ont fait un séjour dans la Casbah à la fin du XVI° siècle.

→ Ensuite, j’ai en tête le Bey Mouchlaghem (le Moustachu) qui domine la première période Ottomane (1708-1732) et qui a par exemple donné l’église St-Louis aux juifs pour qu’ils en fassent une synagogue. Il construit une mosquée juste en face mais il n’en reste rien. Elle ne doit pas être confondue avec la mosquée de Sidi el-Houari construite plus tard, sous la seconde période ottomane. Au même endroit, ne restent de l’époque que les Bains Turcs, actuellement restaurés par l’association Santé Sidi el-Houari.

→ Et quand je pense au Bey Mouchlaghem, arrive instantanément l’autre Bey, Mohamed el-Kebir (celui de la seconde période Ottomane) surtout lié, pour moi, à la mosquée de Kargentah qui lui sert de tombeau et au Palais du Bey dans Rosalcazar.

→ Le début de la période française n’est pas vraiment inscrite dans ma mémoire. Peu de personnages se détachent. Les batailles n’arrivent pas à m’émouvoir. Sidi Brahim et le Capitaine Dutertre résonnent de manière un peu particulière parce que le combat était inscrit dans les mémoires au cœur de la place d’Armes d’Oran, et que la statue qui se trouvait au pied de l’obélisque a été rapatriée en Gironde, à un quart d’heure de chez moi, à la sortie du petit Village de Périssac parce qu’un certain Capitaine Oscar de Gereaux y est né le 8 juillet 1812, et qu’il a trouvé la mort à Sidi Brahim le 26 septembre 1845 face aux troupes de l’Emir Abd el-Kader, dont un bas-relief a remplacé « La France » au pied du monument actuel de la place du 1er novembre 1954, ex. place Foch.

→ Le général Lamoricière a une place très particulière là au milieu parce qu’il n’est pas du tout lié (dans mon cas personnel) aux faits de guerre, mais plutôt aux traces laissées un peu partout dans la ville, à commencer par le grand lycée classique (devenu Pasteur après 62) ou encore l’école primaire dans laquelle enseignèrent mes grands-parents, rue Marquis de Morès, derrière la gare.

→ Dans ces eaux-là, je place aussi l’Aimable Général Pélissier qui ordonna dans un élan à la fois militaire et pieux d’aller « foutre une Vierge là-haut » (sur la Montagne de Santa Cruz) pour débarrasser la ville du choléra. C’était en 1849 et ça a marché.

→ Et puis Henri Fouques-Duparc et… Edouard Herriot : Le premier cité est le dernier maire d’Oran. C’est lui qui modernisa la ville en y permettant la construction du Front de mer, l’arrivée de l’eau douce, ou la construction du plus grand stade d’Afrique à l’époque. On le voit assez peu sur les photos, mais il est omniprésent. Edouard Herriot a très longtemps été  maire de Lyon, ville jumelle d’Oran (à mes yeux, bien sûr). Ses parents étaient enterrés à Oran, et furent rapatriés en 1967, la même année que le retour du monument aux morts à la Duchère, « quartier pieds-noirs » de Lyon à l’époque.

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Mes aristocrates plus ou moins caritatifs

Les stratégies changent peu selon les époques, lorsqu’on est célèbre et qu’on a de l’argent, il vaut mieux essayer de faire passer l’idée qu’on est généreux. Certains le sont probablement (ça doit bien exister) d’autres un peu moins. Je n’ai pas les moyens de démasquer les usurpateurs, donc tout le monde sera considéré comme bienveillant, voire angélique.

→ Deux grandes dames des années 20-30 sont restées dans les mémoires pour cette bienveillance : Caïda Halima et Angèle Maraval.

  • Caïda Halima reste encore très ancrée dans la mémoire des habitants actuels d’Oran comme une femme d’exception, au point d’être passée dans le langage courant : « kil caida h’lima , mjemaâ ala btana ou takoul fel lham » ce qui veut dire : « comme Caïda Halima, assise sur une peau de mouton et mangeant de la viande… ». Ceci pour signifier que la femme comparée a de la classe, de l’allure, à l’abri du dénuement (même si brièvement). C’est un commentaire précieux au bas de l’article qui concerne la dame.
  • Angèle Maraval est une sommité d’Oran qui possédait un domaine (ferme Ste-Eugénie) au sud de la ville, au niveau du Jardin Othmania actuel. Elle est liée à la Croix-Rouge et à la Goutte de Lait.

→ Autour de ces personnes sont venues s’agréger dans ma mémoire, et par des liens plus ou moins logiques, d’autres individus.

  • Le moins logique (ou  peut-être le plus…) rattache entre eux Angèle Maraval et Pierre Sénéclauze parce que mon père m’écrit dans un mail que ce sont les deux plus gros colons d’Oran. C’est de cette manière que ces deux noms se sont liés dans sa mémoire, donc ils ont aussi fini par être liés de la sorte dans la mienne.
  • Mais par ailleurs, Angèle Maraval s’est liée en moi avec des personnes comme le docteur Jules Abadie (et sa femme russe) parce qu’il connaissait Caïda Halima, et que Caïda Halima était une sorte de pendant musulman d’Angèle Maraval, au moins dans la notoriété (elles devaient se connaître et se côtoyer).
  • Et puis j’ai découvert Aurélie Picard par hasard, cette bordelaise qui se fait « enlever » par un prince d’Algérie, et comme elle est plus ou moins de la même époque que Caïda Halima (fin XIX° et début XX°) elles sont aussi liées dans mon esprit. Je pense rarement à l’une sans l’autre. Non loin d’elles, l’Imam Benkabou Belkacem et la mosquée de Ville Nouvelle.

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Des ingénieurs – artistes – urbanistes

Ce sont les personnages qui, pour moi, ont été les plus importants. Ils le seront probablement de moins en moins avec le temps, mais comme je découvrais la ville, je les ai forcément rencontrés sur mon chemin. Ils ont tous marqué Oran de leur empreinte. Je ne parlerai que de ceux évoqués dans les articles. Il faut se rappeler que je ne construis pas une histoire de la ville (j’en suis bien incapable) je me remémore seulement un trajet personnel.

→ Albert Ballu et Jules Dallou sont liés entre eux (dans ma mémoire seulement) à cause d’une sonorité voisine de leur nom, et parce qu’ils se trouvent dans mes tous premiers articles. Jules Dalou dans la Koubba du Marabout d’Oran à propos de la bataille de Sidi Brahim et du monument commémoratif qui se trouve place d’Armes. Il est le sculpteur des deux bronzes. Albert Ballu à cause de la cathédrale du Sacré-Cœur dont il est l’architecte. Sur Albert Ballu viennent se greffer ensuite les frères Perret qui bétonnent l’ouvrage, et qui construiront quelques décennies plus tard, la grande cité qui porte leur nom du côté du pont St-Charles.

→ C’est le défaut de mettre en place des catégories artificielles, certaines personnes ne s’y insèrent pas facilement ; je ne sais pas quoi faire du Gouverneur Jonnart, homme politique du début du XXème siècle qui a donné son nom à un style architectural facilement repérable à travers des bâtiments comme la gare ou le belvédère. Donc je l’évoque rapidement.

Emile Cayla est associé à tout un tas de bizarreries en moi, en grande partie à cause d’une méprise qui m’a fait le confondre avec le square du souvenir, au niveau du monument aux morts. Ce square portait le nom de l’urbaniste avant 1927, puis Emile Cayla est allé donné son nom à un autre square après 1927, en face du jardin de la Roseraie. Mais c’est avant tout un urbaniste visionnaire de la fin du XIXème siècle. Il est associé dans ma tête avec l’ingénieur Auguste Aucour qui s’est occupé du port (entre autres) et qui a sa petite fontaine place de la République.

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Quelques personnages plus ou moins anecdotiques

Eugène Cruck – Marcotte de Quivières et Desprez – Jeanne Dortzal – Guillaume Apollinaire et Madeleine Pagès – Général de Létang – Général Desmichels – Chanoine Matthieu – Jeanne la Folle

Ce ne sont pas des personnages incontournables mais certains d’entre eux sont connus. D’autres le sont moins. Autant dire qu’on est dans le subjectif.

 

Les vieillots

C’est une catégorie dans laquelle peuvent aussi bien se trouver des plus récents (relativement) que des moins récents, voire des très vieux.

→ Le récent, c’est Eugène Cruck, qui écrit un livre (Oran et les témoins de son passé) dont la première édition date de 1956 (je crois) mais dont la forme est extrêmement vieillotte, aussi bien dans le format du livre que dans son style. Cet homme semble avoir 50 ans de retard. Peu importe, il a fait œuvre de mémoire, et m’a permis de découvrir des monuments, donc je l’aime. Mais tout de même, je n’arrive pas à le glisser dans la catégorie des historiens…

→ Les moins récents sont des personnages comme M. Marcotte de Quivières ou M. Desprez, voyageurs de passage, justement croqués par Eugène Cruck dans son livre, de manière vieillotte bien sûr, mais suffisamment vivante pour qu’ils retiennent mon attention. Ils permettent de découvrir la ville à la fin du XIXème siècle.

→ Dans un embranchement de la promenade de Létang se trouve un socle qui devait soutenir (il y a très longtemps parce que je n’en vois jamais la trace sur les photos anciennes) un buste de Jeanne Dortzal, célèbre poétesse académique du début du XXème siècle, comédienne à ses heures, et dramaturge. Quand je dis célèbre, c’est par antiphrase, il n’est pas simple de trouver des informations sur la dame. Il est plus facile d’en trouver sur Apollinaire, même à Oran, et même s’il n’y est resté que 15 jours, le temps de s’apercevoir qu’il avait beaucoup fantasmé à distance sur Madeleine Pagès, à tort.

→ Il va sans dire que tout ce petit monde se retrouve associée au Général de Létang qui eut l’idée très tôt, dans la première moitié du XIXème siècle, d’un jardin sous les trois tours de Rosalcazar (dont Ernest Capendu décrit la ménagerie par ailleurs…)

→ Et puis il y a le cas du chanoine Matthieu qui est de la fin du XIXème siècle mais qui raconte par le menu le choléra de 1849. Donc le voilà repoussé de 50 ans plus loin que son époque. Même effet que pour Eugène Cruck, mais pour une raison plus intéressante.

→ Où parler de Jeanne la Folle ?

 

Des inconnus

Si des inconnus se retrouvent sur cette page, c’est qu’ils ont eu de l’importance pour moi, et je les remercie de leur présence. Je voudrais en évoquer deux, la dame de la rue Landini et Jean Bonnemaison. Leur point commun : 1963

→ La dame de Landini est le nom que j’ai donné à une très belle photo de la rue du matelot Landini prise après l’Indépendance. On y voit encore la beauté des rues de la Marine, la lumière du soleil, et les couleurs de la ville. Trace éphémère d’une époque aux apparences joyeuses. J’ai longtemps cru qu’elle datait d’avant l’Indépendance même si le style vestimentaire de la dame aurait dû m’éclairer. Mais il y a tout Oran dans cette photo. Jusqu’au masque de la tragédie.

→ L’aviateur Jean Bonnemaison se fait lui aussi photographier en 1963 dans une ville qui ne porte quasiment aucune trace de guerre. Il faut se reporter à la collection toute entière pour dénicher difficilement une photo des fameux réservoirs en feu du 25 juin 1962, dans le port. Pour le reste, on peut deviner ce qu’était Oran à cette époque (la collection de Jean-Claude Pillon est la seule à pouvoir rivaliser sur ce plan). Mais les photos de l’aviateur Jean Bonnemaison valent surtout par les prises aériennes qui m’ont permis de prendre conscience de la terre rouge : el hamri.

 

Des solitaires

Ceux que j’appelle les solitaires sont ceux qui se détachent très nettement de la toile de fond de l’Histoire de la ville. Et les raisons sont diverses.

→ Il y a par exemple le cas très particulier du soldat Ramon qui part d’Oran en 1790 et qui fonde en 1794 la « Nueva Oran » en Argentine. Il a dû partir avant le tremblement de terre d’octobre 1790, apprendre que la ville était passée aux mains des Turcs en 1792, et créer la « Nueva Oran » d’Argentine en 1794, pour le souvenir.

→ Il y a aussi le cas (que je n’ai pas encore exploré) du vice-consul d’Angleterre Nathaniel Welsford qui se trouve à Oran à l’arrivée des Français, et dont il restera des traces dans le cimetière des cholériques et non loin de la Calère, sous la forme d’une propriété et de grands jardins.

→ Le cas Nessler m’amuse parce qu’on a là un drôle de mégalomane qui s’est construit une demeure pompéienne en plein centre-ville, pour en faire à la fois un musée d’oeuvres classiques romaines et grecques, et une école des beaux-arts. Succès mitigé pour l’entreprise, mais il y a eu une concurrence difficile avec la création du musée Demaëght, lors du centenaire de la conquête du pays.

→ Je glisse rapidement un mot de Albéric Emerat qui tenait la Posada Espagnola dans le quartier de la Marine. C’est un solitaire qui ne le restera probablement pas, mais pour l’instant il l’est, et c’est bien dommage parce qu’il a donné son nom à la place Emerat. Donc j’envoie un message : si quelqu’un sait qui est ce monsieur, qu’il n’hésite pas à m’en faire part dans les commentaires. Merci.

→ Je vais finir avec deux cas très particuliers, Monsieur Chouchani et Hajj Massoud, difficiles à présenter. Le premier est un génie dont on repère la trace à Oran en 1927, et le second… le « dernier juif d’Oran ». Mais je préfère laisser les lecteurs eux-mêmes découvrir ces deux hommes.

 

Des familiaux

C’est juste une manière de dire que ces quelques personnes ont un lien avec le petit garçon qu’était mon père à cette époque.

→ Mon arrière-grand-mère maternelle s’est mariée en seconde noce avec un homme qui travaillait à la mairie d’Oran. J’ai connu ce monsieur lorsque j’étais enfant (je l’appelais l’oncle S.) et j’ai appris récemment qu’il avait une grande admiration pour L’abbé Lambert. On verra si ça me donne envie d’écrire sur le personnage. Jusqu’ici, je n’ai fait qu’un texte inspiré de la célèbre Bande Dessinée de Joann Sfar « Le chat du rabbin ».

→ J’ai connu Mme Vaté avant même d’apprendre son nom, 2 ans plus tard. En 2010, mon père (qui habitait Choupot) me raconte comment, à chaque fois que sa mère croise la directrice du patronage Don Bosco, celle-ci ne cesse de lui demander d’inscrire enfin son fils au catéchisme. On est en pleine imagerie d’Épinal mais c’est la vérité. L’époque s’y prête.

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Quelques personnages de l’histoire intellectuelle

Kouider Metaïr – Saddek Benkada – René Lespes – Robert Thintoin – René Emsalem – Emile Cayla – Insaniyat – Emmanuel Roblès – Albert Camus – Pierre Nora – Jean-Michel Guirao – Roger Dadoun

 

Des historiens de la ville

Celui qui s’intéresse à une ville tombe toujours sur des personnes qui s’y intéressent aussi.

Kouider Metaïr a écrit plusieurs livres sur Oran et préside aux destinées de l’association Bel Horizon qui tente de forcer les responsables de la ville à prendre en considération son histoire séculaire. Pas simple mais fondamental. Il a publié plusieurs livres sur Oran, dont un guide des Monuments historiques de la ville, ainsi qu’un autre sur les fortifications. Et il a permis la reparution aux Éditions Bel Horizon du vieil ouvrage sur Oran de René Lespès (1938) préfacé par l’historien sociologue Saddek Benkada, ancien maire d’Oran dans les années 2000.

→ A côté de René Lespes qui fait référence, on trouve aussi Robert Thintoin, René Emsalem, ou même Émile Cayla, qui m’ont beaucoup servi pour essayer de comprendre la façon dont la ville s’est construite au fil du temps. Je ne maîtrise pas cette évolution, loin de là, mais ils sont là lorsque j’ai besoin de repères. Et c’est l’essentiel.

→ Et puis il y a la Revue algérienne d’anthropologie et de sciences sociales « Insaniyat » qui publie souvent des articles sur la ville. Il y a par exemple tout un numéro sur Oran en 2004, consultable en ligne. C’est un regard algérien. Différent.

 

Des écrivains

→ Le premier qui me vient à l’esprit est Emmanuel Roblès parce qu’il est le seul à m’avoir réellement permis d’entrer dans Oran. Son livre « Saison violente » par exemple, est à la fois simple et très évocateur de ce qu’étaient la vie et l’état d’esprit des uns et des autres (en tout cas parmi les Français d’Algérie très divers dans leurs origines) dans les années 30. On est à l’intérieur de la ville européenne, aux premières loges d’une hispanité de l’Oranie, selon ses propres mots.

Camus est sûrement incontournable pour évoquer l’Algérie, mais il ne m’a pas beaucoup aidé à entrer dans Oran, si ce n’est par l’ennui. Sur le plan intellectuel, Oran semble très ennuyeuse, très attachée à une culture populaire espagnole, en décalage total avec l’Existentialisme ou le Structuralisme en plein essor à la même époque, dans la métropole. Je soupçonne fortement que si Pierre Nora écrit « Les Français d’Algérie » (très méprisant) après deux années passées au lycée Lamoricière, c’est que tout se joue à Paris, et qu’il boue intérieurement de se retrouver perdu dans une ville espagnole à mille lieues des préoccupations intellectuelles françaises de l’époque. Jean-Michel Guirao crée la revue Simoun au début des années 50, pour la même raison, mais sans mépris pour Oran ou l’Algérie Française. Il tentera lui aussi, comme Camus, la troisième voie de l’Algérianité.

→ La revue Simoun a été assez importante pour moi parce que je cherchais un lien entre Oran et la France intellectuelle de l’époque en pleine révolution structuraliste (il ne faut pas trop me demander d’expliquer le fond de l’affaire, mais il est bon de savoir que ça existe). Lorsque j’ai vu surgir un nom comme celui de Roger Dadoun en coordinateur d’un numéro spécial sur Desnos, avec illustrations de Picasso et Dora Maar à la clé, j’ai compris qu’Oran était ouvert à tout, et qu’il était aussi possible d’y faire grandir son esprit. Plus tard, lorsque j’ai vu Brouty, Feraoun, Roblès ou Camus participer à la revue, je n’ai plus eu le moindre doute.

Une vie intellectuelle était aussi possible à Oran, dans les années 50.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?).

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