Aéroport de Lyon

J’ai déjà parlé de Lyon à plusieurs reprises sur ce blog.

C’est qu’il semble y avoir un réel lien entre Oran et Lyon.

Ne serait-ce que par les lions.

Ça pourrait ressembler à une blague, mais j’en doute, les mots ont un pouvoir secret.

Admettons toutefois que ces mots-là n’aient aucune importance et que les deux villes soient liées par des éléments plus tangibles.

Rien que sur le plan familial, j’ai déjà vu surgir la ville plusieurs fois : à l’occasion de la mort d’Andrée L., sœur aînée de ma mère, à l’hôpital Édouard Herriot ; comme piste d’atterrissage de ma famille maternelle en juin 62 après le départ de La Sénia ; ou comme maison mère des Soieries Lyonnaises, rue d’Arzew, où travaillait une autre partie de la famille.

Mais l’horizon familial n’a aucun intérêt s’il n’entre pas en résonance avec d’autres destins. Donc élargissons.

J’ai découvert avec une certaine surprise qu’il existait des « rues d’Oran » un peu partout en France. Lyon semble là aussi se distinguer ; je ne crois pas qu’il y ait à chaque fois, dans chaque centre-ville, trois rues liées à l’Algérie comme à Lyon : rue d’Algérie, rue Constantine et rue d’Oran.


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Elles datent chacune du XIX° siècle et ont célébré les conquêtes du colonialisme.

La rue d’Oran en train de se construire est baptisée de ce nom en l’honneur de la prise de la ville, le 4 janvier 1831. C’est la rue des guitares, des pianos et des violoncelles.

Et puis il y a le monument aux morts d’Oran à la Duchère.

J’en ai déjà parlé dans un article qui évoquait son transfert en décembre 1967.

J’en profite pour remercier Luc Demarchi qui m’a renseigné sur la localisation du monument aux morts d’Oran à Lyon, qui a fait connaître ce blog en avril 2012, et qui m’a offert en prime de remarquables photos sur l’opération de transfert.


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Ce qu’on sait moins, je crois, et que je n’ai appris que récemment, c’est que les parents d’Édouard Herriot ont aussi été rapatriés à Lyon en 1967.

« En ce qui concerne les parents du président Edouard Herriot, qui étaient inhumés au cimetière d’Oran, ceux-ci ont été ré-inhumés au cimetière de la Croix-Rousse ancien, le 24 juin 1967, dans une concession perpétuelle acquise par le Président Herriot en 1914 ; l’initiative et la responsabilité de ce transfert en reviennent au Comité Edouard Herriot. » (voir la source)

Les parents d’Édouard Herriot étaient François-Nicolas Herriot et Jeanne Eugénie Collon. Les deux sont morts à Oran ; le père le 05 mars 1889, et la mère le 02 décembre 1896.

La mère était originaire de Mostaganem :

« Sa mère, Jeanne-Eugénie Collon, est née à Mostaganem, fille d’un officier de carrière en poste dans cette Algérie récemment conquise. Son père mourut [le 15 juin 1855] alors qu’elle avait trois ans ; ne voulant probablement pas rester seule avec sa fille, sa veuve vint s’installer à Troyes, ville proche de la petite commune de Saint-Pouange où son beau-frère, l’abbé Victor-Eugène Collon était curé. » (il y avait une biographie assez détaillée sur cette page… qui n’existe plus.)

Elle se marie le 14 octobre 1871 à Troyes avec François-Nicolas Herriot, Lieutenant au 93è Régiment d’Infanterie de Ligne, en garnison à St Etienne.

Je ne sais pas comment se fait la transition, mais ce lieutenant se retrouve quelques années plus tard commandant du 2ème régiment de zouaves, à Oran, et meurt donc le 5 mars 1889, en activité de service, des suites de ses blessures.

« …il repose là-bas, avec votre mère, dans cette terre d’Afrique, où l’un de vos frères est mort, lui-aussi, dans un poste perdu du Congo. » dixit Jérôme Tharaud, le 26 juin 1947, lors du discours de réception de Édouard Herriot à l’Académie Française.

Édouard Herriot a été maire de Lyon pendant très longtemps, de 1905 à 1940, puis de 1945 à 1957.

S’il est difficile de trouver un lien avec la ville d’Oran au travers de ses actes politiques, on finit par découvrir qu’il avait un réel attachement à la ville de ses parents, puisqu’il préparait le jumelage de Lyon et d’Oran lorsqu’il est mort :

« Le 11 novembre 1956, trois mois avant sa mort [NB : Édouard Herriot est mort le 26 mars 1957], le président Edouard Herriot, maire de Lyon, préparait le jumelage de sa commune avec celle d’Oran. Si Fouques-Duparc, maire d’Oran, se vantait de ses origines lyonnaises, le président Herriot, lui, aimait à préciser que ses parents reposaient au cimetière d’Oran. » (Alain Amato, « Monuments en exil », aux éditions de l’Atlanthrope, 1979)

Je ne sais pas si ce jumelage a trouvé son accomplissement. Il y a un Boulevard Édouard Herriot à Oran, qui correspond à l’ancien Bvd de Mascara, et que tout le monde a du continuer à appeler Mascara jusqu’en 1962.

 Le bd Houaha Med ou bd de Mascara (ex. Édouard Herriot)
Boulevard Édouard Herriot vu depuis le n°33
La seule plaque qui existe encore et qui porte le nom d’Édouard Herriot sur le Boulevard de Mascara. En perpendiculaire, le Bd du Général Cerez
Le boulevard Édouard Herriot du nord au sud, et à gauche, les nouvelles casernes.
Une semoulerie au centre du Boulevard.

Édouard Herriot est mort en mars 1957. Le boulevard a-t-il été rebaptisé suite au décès du maire de Lyon, en l’honneur du jumelage ? Ou s’appelait-il Édouard Herriot depuis plus longtemps ? Je n’ai pas la réponse.

Toujours est-il que Lyon et Oran ont continué à avoir des liens, aussi bien à travers le transfert du monument aux morts d’Oran, qu’à travers la ré-inhumation des parents de Édouard Herriot en 1967.

Ces dernières années, il était question de jumelage. En tout cas, les relations étaient proches puisqu’en mars 2005, l’ambassadeur de France en Algérie était à Oran, notamment pour des accords avec la ville de Lyon :

« Concernant le jumelage entre Oran et Lyon, il y a eu deux missions d’exploration de techniciens lyonnais, l’une au mois de janvier 2004 et l’autre au mois de janvier 2005, et ce, pour établir les premiers accords de coopération qui seront prochainement signés, l’un pour la réhabilitation du patrimoine ancien et l’autre pour l’assistance technique et urbanistique dans la conception et la réalisation des espaces publics et les espaces verts. » (voir l’article d’Algeria-Watch)

Et les 16 et 17 février 2012, la cour d’appel de Lyon organisait une importante rencontre franco-algérienne des cours d’appel jumelées.

Oran et Lyon semblent donc avoir encore quelque avenir commun. Les racines ont l’air profondes.

Il va sans dire que j’habite rue Édouard Herriot.

On n’est plus à une coïncidence près.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?).

*

NB1 : photo credit hellolapomme via photopin cc pour l’aéroport de Lyon – Le coin d’André Sanchez sur le site Oran des années 50 pour la vue ancienne du Boulevard de Mascara depuis le n°33 – Abdelbaki Fellouah pour les photos récentes.

NB2 : Sur le site d’Edgard Attias, l’allocution de Édouard Herriot, le 2 décembre 1956 à la mairie de Lyon, devant le maire d’Oran Henri Fouques-Duparc accompagné d’une délégation.



 

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