Oran – Les Dames Africaines (Maraval ou Saint-Pierre ?)

Je ne pense pas que ce soit spécifique à Oran.

Mais tout de même, il ne faisait pas bon aller chez les Sœurs.

J’ai au moins deux témoignages très durs à l’égard des institutions religieuses.

Mon grand-père était instituteur à l’école Lamoricière ; je pense qu’il était sévère mais je ne le vois pas sadique.

J’évoquerai peut-être un jour Monsieur D. de l’école Jules Renard, lui-même évoqué par Jean-Claude Martinez, dont j’ai reçu le tome 1 de « Histoires d’Algérie ». Il me semble emblématique de ce qui peut se passer, à la rigueur, au sein de l’école publique.

A la page 104 de son livre, l’auteur fait la remarque suivante :

« En effet, l’école Jules Renard ne faisait pas partie de ma circonscription, et pour justifier mon inscription, je devais démontrer que j’en étais digne. Les élèves venant d’une école privée et surtout religieuse étaient considérés comme des éléments faibles et hors niveau. L’école de la République était la seule à être en mesure de former le vrai citoyen. »

Je pense que Jean-Claude Martinez ne fait pas que refléter sa propre pensée mais aussi celle de toute une époque. L’école publique était bien plus sacrée que l’école religieuse.

Quand je lis ce qu’il écrit de son passage à l’école maternelle des Dames Africaines de la rue Béranger, je prends peur. Et je comprends pourquoi je n’ai pas beaucoup entendu parler de cette institution. Peu de nostalgie sur ce plan-là. J’ai eu du mal à trouver des photos.

Les origines expliquées par Guy Montaner :

« Ce pensionnat religieux, situé rue Béranger à Oran et fondé par l’Abbé Cata, avait pour vocation première d’accueillir les orphelines abandonnées. Il devint plus tard une école réputée qui accueillait, de mères en filles, des élèves du primaire et du secondaire de familles plutôt aisées. Les religieuses les plus connues qui assurèrent l’enseignement étaient Rose Vidal et Rémédios Arlandis. »

Je ne suis pas sûr pour ce qui concerne le côté aisé. Au début, peut-être, mais ça ne marche plus pour J.C. Martinez.

En revanche, depuis le balcon de l’infirmerie, il y avait une belle vue sur Santa-Cruz. On se croirait sur le balcon de l’école Lamoricière. Maigre consolation, j’imagine.

École des Dames Africaines – Rue Béranger à Oran
École des Dames Africaines – Rue Béranger à Oran

Témoignage de Jean-Claude Martinez, donc :

« La grande robe noire surmontée de la luisante cornette planait de rangée en rangée. Elle vérifiait au passage, la bonne tenue des élèves, et essayait de prendre à défaut un timide qui aurait eu des relâchements humides, voire plus consistants ?

– Soeur Sulpice ! Soeur Sulpice ! Venez vite, le petit Christian est tout mouillé !
– Mais qu’est-ce que c’est que ce petit cochon ! Grondait la terrible voix de soeur Sulpice qui devait probablement attendre devant la porte de la classe qu’on l’appelât pour accomplir son rôle de vengeresse.
– Il a tout tâché par terre, et le banc en est imprégné !
– Viens ici, malpropre, tu ne pouvais pas demander !

 Elle le prenait sans ménagement par l’encolure de son sarrau, et emportait le malheureux vers une destination qui faisait naître en nous une indicible terreur, puisqu’on ne revoyait plus l’infortuné ! La peur nous submergeait et le silence n’en devenait que plus épais.

Nous retenions notre respiration et attendions pétrifiés l’heure de la délivrance : onze heures trente ! »

Je ne raconte que le racontable. La fin de la scène est très dure, très humiliante, et suite à la colère de sa mère, le petit Jean-Claude est retiré de l’école des Dames Africaines de la rue Béranger.

Il restera chez lui en attendant sagement de faire son CP à Jules Renard.

Mais je m’aperçois qu’il y a finalement quelques bons échos du côté de Maraval où les Dames Africaines font partie du patronage Don Bosco.

Guy Montaner précise : « Pour l’enseignement du premier cycle, elles ouvrirent ensuite l’école de « Notre Dame de Lourdes » à Maraval. » Antoinette Vaté en était la directrice. Elle meurt à Lourdes en mars 2008, retirée dans sa congrégation.

Jocelyne Esteve/Fernandez en dit beaucoup de bien :

« Cette église où j’ai été baptisée, fait mes communions, confirmation et études primaires, qui faisait partie de Don Bosco. L’école des Dames Africaines de Maraval : directrice : Madame Vaté (on les appelait Madame) (une amie de classe de Maman, donc chouchoutée)  Les  messes dites  par le Père Galas  (avec sa coupe en brosse) ou le Père Edouard avec sa grande barbe blanche (aussi doux que le Père Noël). D’où j’ai gardé un merveilleux souvenir. » (source)

On a du mal à savoir dans quelle mesure la nostalgie a effacé les humiliations.

Je ne suis qu’à moitié convaincu par les « merveilleux souvenirs ».

Il suffit de relire la fin du texte de Tarambana sur la place Hoche pour comprendre que son passage à Notre-Dame de France, autre institution religieuse, 6 rue d’Inkerman, lui a laissé un souvenir mitigé.

Je ne trouve pas l’équivalent de ces témoignages en terme d’humiliation dans l’école publique. Mais je n’ai peut-être pas assez cherché.

« La place Hoche c’était aussi mon école Notre Dame : Combien de parties de pignols ou de cartlettes ai-je pu faire devant cette façade en attendant que s’ouvrent les portes. Le souvenir le plus marquant que j’en conserve c’est cette fouettée que m’infligea un jour le directeur, l’abbé Garcia, sous prétexte que je n’avais pas été attentif durant une dictée

S’étant péniblement procuré un coupon, ma couturière de mère m’avait façonné un merveilleux pantalon golf que j’étrennais ce jour là. Le pantalon amortit un peu le fouet mais y laissa sa trame de mauvais tissu. N’empêche, je ne pardonnerai jamais à l’abbé. »

Je ne crois pas qu’Oran était pire qu’ailleurs en la matière. C’était l’époque.

Mais Oran n’était pas mieux.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

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