Il vaut mieux bien regarder le générique.

C’est filmé « avec l’agrément du Gouvernement Général de l’Algérie », la musique s’amuse à faire dans l’Orientalisme, et on survole les lieux les plus connus de la ville.

Il s’agit de montrer Oran aux métropolitains.

Commentaire dès la 2e minute :

« En sortant de l’hôtel, le voyageur doit tout d’abord sacrifier à un rite bien oranais: qu’il pleuve, ou que le Sirocco dessèche les poussières des rues, il faut ici porter des chaussures étincelantes. Le guide nous dit : une journée sera largement suffisante pour visiter Oran. Voilà une ville qui n’est pas exigeante. »

Une journée suffit ?

Mince… Il va falloir que j’aille consulter, j’y suis déjà depuis un an.

Plus sérieusement, les commentaires sont de « M. de Fréminville », probablement Claude de Fréminville, qui en 1946 écrit Buñoz, sorte de vie romancée et imaginaire d’un certain Juan Bastos.

Fréminville a passé une partie de sa jeunesse à Oran, dans les années 20, donc il connaît bien la ville et sa mythologie.

Il va pouvoir la transmettre aux Français de France qui mangent des esquimaux dans les salles de cinéma en attendant de découvrir « Le crime était presque parfait«  d’Alfred Hitchcock (mon film préféré quand j’étais petit).

On doit se situer dans les années 52-53-54, si j’en juge par les images que je vois passer dans « Escale à Oran ».

Je vais me dispenser de trop taper sur les commentaires parce que ce serait facile, je vais plutôt m’en servir pour pointer du doigt certaines petites choses qui me paraissent intéressantes… bien que je finisse parfois par me poser quelques questions métaphysiques.

« Les articles sont devenus trop longs et trop détaillés. »

C’est mon père au téléphone, qui ne lit plus ce blog qu’en passant. C’est assez drôle, et en même temps, ça me questionne. Comment ai-je pu en arriver à de telles extrémités ?

Parce qu’il a raison.

Le blog a changé de direction sans que je fasse vraiment attention. Je n’aborde plus Oran de la même manière.

Quand je regarde le film « Escale à Oran »,  par exemple, je ne le fais plus du tout de façon naturelle, comme vont le faire les Français de France en 1953, ou comme je le faisais moi-même il y a un an – je connais ce film depuis des mois –  je le fais en connaissant déjà tout (et en oubliant donc les commentaires) pour me fixer seulement sur des petits points de détails.

Cas typique dès la minute 1’34 :

Je bondis sur ma chaise et je m’écris tout seul :

« Génial, il n’y a pas encore le Boulevard Front de mer, on voit vraiment bien le ravin de la Cressonnière et l’immeuble Gay, avec la coupole dans laquelle habitait Sénéclauze. Il doit y avoir la Mosquée du Bey juste en face. C’est bête, on ne la voit pas. »

Et ça pose un problème plus sérieux qu’il n’y parait.

Je connaîtrais mieux Oran que mon père ? La bonne blague… Mieux que ceux qui y vivent aujourd’hui ? Allons bon.

Non. Cette connaissance-là est totalement artificielle. Et pourtant…

Et pourtant, elle est authentique malgré tout, dans le sens où ce n’est pas du tout une connaissance touristique, mais bien une connaissance intime, puisqu’elle est capable de me faire bondir sur ma chaise et de provoquer des émotions.

Ce n’est ni l’émotion pieds-noirs, ni l’émotion algérienne, c’est une émotion différente, mais qui a le mérite de m’extraire du regard « métropolitain ».

Il y a un an, je regardais ce film comme un touriste, et il me mettait mal à l’aise : j’avais le sentiment de me satisfaire d’un exotisme racoleur. Et cet exotisme-là me gênait. Je devais absolument le dépasser.

J’avais déjà le sentiment très net, à l’époque, que ces images s’adressaient surtout à des spectateurs métropolitains de 1953.

Et comme chacun sait, en 1953, la France de France n’est pas encore sortie du traumatisme de la Seconde Guerre Mondiale ; elle ne sait plus comment se regarder dans la glace.

Alors elle s’offre un quart d’heure d’exotisme, face à cette France venue d’ailleurs, et devant laquelle elle peut enfin trouver du réconfort :

– Nous, on n’en est pas là, on a de l’eau potable, on n’a pas ces « personnages » (terme employé dans le film) qui se promènent pour distribuer de l’eau douce à toute la ville ;

– Nous, on n’en est pas là, on est civilisé, on n’est pas comme ces gens qui grimpent pieds nus en haut d’une montagne pour poser des cierges et faire brûler de la cire ;

– Nous, on n’en est pas là, on respecte les prix, on ne marchande pas comme le font les juifs dans leur quartier pittoresque ;

– Nous, on n’en est pas là, on aime la culture, on ne passe pas notre temps à réfléchir au meilleur moyen de faire des affaires ;

= Nous, on a la technique, la civilisation, un certain respect des choses, et surtout de l’esprit.

Je crois que c’est la raison pour laquelle je n’ai pas regardé ce film une seconde fois quand je l’ai découvert, au printemps dernier. Il y avait une gêne quelque part, une gêne impossible à identifier comme je le fais aujourd’hui, mais très nette.

Un regard condescendant de la métropole pour cette excroissance africaine, et pour tout ce qui pouvait se tenir sur deux pieds. Un dédain pour les Français d’Algérie eux-mêmes, qui découvriront d’ailleurs en 1962 qu’ils ne sont pas Français, mais pieds-noirs. Nuance.

Et qui apprendront du coup à perdre leur accent.

Aujourd’hui, je me dispense des commentaires du film en coupant le son, et je regarde les images :

Génial, il n’y a pas encore le Boulevard Front de mer, etc.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)

*

Escale à Oran

*

Ci-dessous, la retranscription du commentaire. En bleu, quelques rajouts personnels, histoire de se déprendre d’un regard exotique.

————

0’00

Il est des îles qui accueillent le voyageur, d’autres qui se dérobent à lui. Mais Oran, Oran est là, à peine visible au-delà de falaises qui surplombent le port. Oran est un homme d’affaires qui ne se soucie guère des touristes. Oran est un commerçant dont voici l’immense, le prodigieux magasin : le port. Avec sa route audacieuse accrochée aux rochers, ses docks, ses hangars, sa longue jetée. 

Génial, il n’y a pas encore le Boulevard Front de mer, on voit vraiment bien le ravin de la Cressonnière et l’immeuble Gay, avec la coupole dans laquelle habitait Sénéclauze. Il doit y avoir la Mosquée du Bey juste en face. C’est bête, on ne la voit pas.

2’ 12

Le voyageur arrive. Il lui faudra monter en ville, comme disent les Oranais, et là, plus rien ne lui rappellera le port qui fait la fortune de cette ville, à la fois exubérante et sévère.

On se rend compte en regardant la « Montagne de Santa-Cruz » que la Basilique n’est pas encore construite. Par contre, on peut se demander si le grand espace déboisé autour de la Vierge ne correspond pas à un début de travaux. On est en 1952-53, c’est peut-être un peu tôt, sachant que la Basilique a été consacrée en 1959. A voir avec les érudits.

En sortant de l’hôtel, le voyageur doit tout d’abord sacrifier à un rite bien oranais : qu’il pleuve, ou que le Sirocco dessèche les poussières des rues, il faut ici porter des chaussures étincelantes.

Question : de quel hôtel sort ce voyageur et sur quelle place se fait-il cirer ses chaussures ? (Je ne connais pas les réponses)

Le guide nous dit : une journée sera largement suffisante pour visiter Oran. Voilà une ville qui n’est pas exigeante.

2’44

Les Oranais y conduisent leurs enfants et les murs puissants du Rosalcazar plongent dans les massifs de fleurs.

Il n’y a pas de porte du caravansérail sur cette promenade de Létang, donc on se situe avant 1955, puisque c’est à cette date qu’elle a été démontée et remontée de la rue de Loeb (ex. du cirque). Voir l’article et les photos de Abdelbaki Fellouah.

2’59

De belles avenues bordées d’immeubles neufs. Les automobilistes oranais peuvent être myopes sans danger.

Quelqu’un peut-il me dire quels sont ces deux grands boulevards sur lesquels les automobilistes oranais peuvent être myopes sans danger ?

3’10

L’avenue Loubet que les anciens combattants descendent jusqu’au square du souvenir.

Tout au fond, on devine le monument aux morts de la guerre 14-18, érigé en 1927 et démonté en 1967 pour être installé à Lyon, quartier de la Duchère, où débarquèrent de nombreux pieds-noirs en 1962, et où grandirent certains enfants de pieds-noirs dont j’ai parlé par ailleurs.

3’15

L’avenue Gallieni qu’empruntent les élèves du lycée.

Il s’agit du Lycée Pasteur (ex. Lamoricière), lycée classique de garçons, par lequel passèrent d’illustres enseignants. Le plus illustre étant peut-être Pierre Nora, grand manitou de l’Histoire en France, et plutôt méprisant à l’égard des Français d’Algérie. Voir l’article, ainsi que son livre de 1960, réédité en novembre 2012, pour le cinquantenaire de l’Indépendance de l’Algérie. 

3’20

Le boulevard Clémenceau, où autrefois, jeunes gens et jeunes filles, chaque soir, faisaient les cent pas.

3’29

Et la rue d’Arzew, aujourd’hui rue du Gal Leclerc, plus étroite, mais plus longue et plus moderne.

Alors c’est merveilleux, parce qu’on voit bien les jeunes filles descendre la rue d’Arzew (comme le faisait ma mère) pour séduire les garçons par des œillades furtives. Très espagnol, ces aller-retour le long des ramblas.

3’45

La gare. Son activité ne nous parait pas en rapport avec la ville. C’est que derrière ces blancs bâtiments de style mauresque se cache la gare de marchandises.

Là, c’est aussi l’avantage d’avoir bien bossé pendant un an : mon grand-père paternel travaillait à la gare, et mon grand-père maternel à l’école Lamoricière, tout près, de l’autre côté de la rue Marquis de Morès. Petite remarque : mieux que le style mauresque, c’est le style Jonnart. Orientalisme du début du XX° siècle. A méditer.

4’03

Oran, nous l’avons dit, est un homme d’affaires. Ce sont les marchandises qui comptent. Et les banques prennent des grands airs, élégantes ou majestueuses.

Il y a plusieurs banques dans cette ville et je n’ai encore rien écrit dessus. Donc je suis démuni. A part la Barclay’s place Villebois-Mareuil. Et je ne sais pas pourquoi je retiens ce nom.

4’12

La place de la Bastille, dont les arbres, des ficus, regorgent de moineaux, fait face à la Poste.

Rien fait sur cette place non plus alors qu’elle est connue. C’est que pour l’instant, je n’arrive pas à lui trouver un angle. Les moineaux, en effet, ça pourrait être sympathique.

4’26

Les casernes, de style oriental. Style Jonnart.

4’31

L’hôtel de ville est gardé par les lions de Cain (Auguste)

Toufik m’a appris qu’il y a les mêmes lions à la mairie de Paris, mais que ces derniers ont la queue qui revient sur les pattes, contrairement à ceux d’Oran.

4’36

Les Oranais sont très fiers de leur élégant Opéra.

Certes, et pourtant, c’est quand même un drôle de style là au milieu. Bizarrement, je le préfère en construction, il est plus intrigant.

4’40

La blanche synagogue.

Dans laquelle a été trouvé Chouchani en pleurs devant les rouleaux de la Torah en 1927. (A moins que ce ne soit une autre synagogue à Oran, ou carrément à Alger. Les témoignages sont flous.)

4’45

La place Kargentah où aboutissent tramways et trolleybus

Le marché Kargentah a disparu dans les années 80, remplacé par un grand immeuble. Mais comme il fut un des premiers bâtiments à se graver dans ma mémoire, je lui voue une certaine affection. Et j’aime encore plus le nom qui signifie étymologiquement « Kheneg en netah » = « endroit où se battent les taureaux » (Eugène Cruck – Oran et les témoins de son passé – p270)  

4’50

La maison du colon. Une cigogne s’est posée sur le monument

Je n’ai jamais écrit sur ce bâtiment. Je ne sais pas quoi faire de cette pyramide. Dommage qu’il n’y ait pas de cigognes à demeure, ça m’aurait peut-être inspiré.

4’55

La Cathédrale du Sacré-Cœur. Les Oranais ont essayé tous les styles, du romano byzantin au mauresque.

C’est l’un de mes tout premiers articles. Et l’un de mes tout premiers souvenirs puisque mon grand-père possédait cette cathédrale encadrée dans son salon. Pourtant je lui préfère l’église Saint-Louis de la Marine, plus modeste et de style plus classique.

5’05

Et Jeanne d’Arc dans son armure dorée ne parait pas dépaysée […] comme à Orléans.

Rapatriée à Caen dans les années 60, comme quelques autres monuments.

5’13

Les Oranais sont fidèles aux Grands Hommes. Stèle à Eugène Étienne, Sidi Brahim où une poignée de héros résista jusqu’à l’extermination.

Je suis allé à la rencontre de « La France » à Périssac en décembre 2012. Moment étrange. Plus fort que celui de la rencontre avec la petite Vierge de Murillo à Nîmes lors de l’ascension 2013. Peut-être parce que j’y étais seul et que le face à face était forcément impressionnant. La possibilité aussi de la regarder les yeux dans les yeux et de près.

5’23

Le vieux fort espagnol de Rosalcazar qui protégeait la bourgade du XVIII° siècle sépare la ville de la mer. C’est pourquoi les Oranais ne voient jamais leur port. Le pavillon de la Favorite où coucha Lyautey.

J’ai mis un temps fou avant de me pencher sur Rosalcazar, probablement parce qu’il traverse l’histoire d’Oran et que je n’avais pas le bagage pour m’y attaquer. J’ai réussi à isoler les trois tours d’origine, le palais du Bey, les casernes françaises, et l’Hôtel Chateau-Neuf

5’41

La villa Nessler, un musée dans un beau jardin. Un centre culturel qui se trouve —oh, ces Oranais— boulevard de l’Industrie.

Le musée Nessler est une folie individuelle mégalomaniaque (donc attachante) et le boulevard de l’Industrie tient son nom de la manufacture de tabac de Juan March Ordinas dont il n’y a pas beaucoup de traces sur le Net. Pourtant, c’est un sacré bonhomme…

6’02

Aux vitrines des libraires : Albert Camus, Algérois adopté par Oran, Emmanuel Roblès, oranais, d’autres encore

A noter que le commentateur n’évoque pas le 4e livre : Bunoz. Et pour cause, il en est l’auteur, Claude de Fréminville. J’aime aussi me rappeler ma découverte de Camus à Oran. Surpris. Et Emmanuel Roblès est maintenant associé à l’immeuble Roblès, rue de Mostaganem, où habitait ma mère. Mais j’ai quand même lu « Saison violente ».

6’12

Les illustrateurs s’inspirent de la belle porte d’Espagne. Elle est une pierre chaude à laquelle le soleil et l’âge ont donné de l’or et du miel.

Plus que les arènes, c’est la porte d’Espagne qui m’a permis de prendre conscience qu’Oran était espagnole. Mais il n’y a que très peu de temps que j’ai compris qu’elle se situait à l’entrée de la Casbah et permettait d’y entrer.

6’24

Une fontaine, décorée des lions de Castille.

Fontaine disparue de la place Emerat, quartier de la Marine basse. En bas de l’école primaire où mon grand-père a peut-être bien été instituteur (1949) avant de s’installer pour plus longtemps à l’école Lamoricière, sur le plateau Saint-Michel, près de la gare.  

6’31

Une posada, et une  plus récente, mais si typiquement ibérique : deux maisons dont les balcons encadrent la cour intérieure, le patio, que l’Espagne emprunta à l’Islam.

Là, c’est pour moi, la grande découverte des nombreux patios de la Marine basse avec les anciens habitants des lieux. Merci à eux.

6’55

Vestige de l’Islam, la porte du Caravansérail, aux arcatures légères.

Une drôle d’histoire pour cette porte, chaotique, mais attachante, même en mille morceaux aujourd’hui, dans la promenade de Létang…

7’01

La mosquée du pacha. Dont le porche laisse apercevoir l’arc d’un jet d’eau et la courbe ( ?) fraîche et silencieuse qui surplombe le minaret.

C’est plutôt vu d’en haut que j’aime cette mosquée, parce qu’avec ses nombreux petits dômes, elle est la trace du passage Ottoman. Ce sont les Ottomans qui, à l’image de Sainte-Sophie à Istanbul, construisent ce genre de mosquées.

7’30

Dominant les bas quartiers, la cathédrale St-Louis, construite en 1669, ruinée par un tremblement de terre qui mit fin à la présence espagnole.

Mon monument préféré à Oran. Un classicisme parfait. Grande classe et grande sobriété. Passée par tous les cultes. En passe d’être réhabilitée ? Je l’espère.

7’43

Au pied de la Cathédrale, la place de la Perle, semblable à un grand patio. Ici aboutissent les rues où les pauvres Oranais peuvent jouer sans craindre les autos qui n’osent affronter leurs pentes.

Le cœur battant de la vieille ville. Un beau nom mystérieux. Quelqu’un sait-il à quelle perle il est fait référence ?

8’06

Dans le quartier israélite, les boutiques envahissent les chaussées de la rue d’Austerlitz. Ici les marchandages sont dignes de la Commedia dell’arte.

Le quartier juif pour moi, c’est la photo de la rue des Juifs. Incroyables tous ces gens qui s’arrêtent pour regarder l’objectif. Et peut-être aussi Hajj Massoud, le « dernier juif d’Oran » même s’il en reste sûrement quelques-uns par-ci par-là.

8’36

Le vieil Oran était à l’étroit. Les raidillons deviennent des rues que coupèrent des marches, la rue de Gênes aussi abrupte que la rue de la Calère.

Pour moi, les escaliers dans la vieille ville, ce sont les escaliers de la rue de Wagram (quartier juif) dont il ne reste pas grand-chose aujourd’hui. Je n’arrive pas bien à me mettre les autres en tête. Parfois je les reconnais, d’autres fois non.

8’44

Ce personnage étrange qui porte une outre sur ses reins et agite une clochette insistante, c’est le marchand d’eau douce, car Oran manque d’eau potable. Il faut aller la chercher jusque dans les villages. La ville a poussé trop vite : 5000 habitants à l’arrivée des Français, 30 000 en 1860, 100 000 vers 1914. Aujourd’hui 300 000.

J’avais écrit un article sur ces porteurs d’eau justement. « Le supplice du petit porteur d’eau ». Mais ce n’est pourtant pas l’image que j’ai quand on me parle d’eau douce. Il y a deux images qui surgissent : l’Abbé Lambert (pourtant, j’en ai peu parlé) et la fête de l’eau douce (grande anisette place d’Armes en 1952 je crois).  

9’33

Pour alimenter cette population grandissante, l’administration prévoyante a fait construire le barrage de Beni-Bahdel, sur la Tafna, une canalisation de 165 km apportera chaque jour 100 millions de litres d’eau aux fontaines oranaises.

Je ne me suis jamais penché là-dessus.

9’49

Sur les chemins qui grimpent le long du ravin de Raz-el-Aïn, berceau de la ville, les musulmanes voilées montent vers le cimetière, le belvédère.

Le belvédère fut un grand amour. J’y fais moins attention aujourd’hui. Il est quand même perdu au milieu de nulle part. Et aujourd’hui, je l’associe à deux mails reçus de personnes qui se sont opposées en procès autour de l’héritage du bâtiment. Lâchement, je n’ai pas répondu.  Il y avait de la tension dans l’air.

10’09

Au fond du ravin, le lavoir, dont l’eau n’est pas salée, aussi le linge en sort-il éclatant de blancheur.

C’est en discutant avec les habitants de la Marine il y a peu que j’ai appris l’existence de ces lavoirs. Je n’y avais jamais fait attention. Les images sont magnifiques.

10’47

Par le village et le bois des Planteurs dans la merveilleuse odeur de résine des pins maritimes, la route grimpe jusqu’au plateau qui couronne le Murdjajo.

Les Planteurs, un lieu devenu ambigu pour moi. C’est un lieu à la fois associé à la Mouna (que j’ai réussi à faire !) et… un lieu aujourd’hui insécure, dans lequel certaines personnes que je connais se sont fait agresser. Il n’est pas simple de s’y promener, semble-t-il. Bientôt, je l’espère, un article sur les « habitations indigènes » des Planteurs d’après un texte original de René Emsalem.

10’58

Une vue incomparable s’étend sur Mers el-Kebir d’un côté, sur le port d’Oran de l’autre.

Pour moi, Mers el-Kebir évoque l’attaque des Anglais du 3 juillet 1940 et le site que Nicolas a fait sur son grand-père.

11’09

À l’Ascension, la coutume… anime les pèlerins, pieds nus, le vœu en a été fait, montent par les sentiers pénibles, rocailleux, brûlés par le soleil.

L’Ascension n’était guère qu’un jour férié, c’est devenu à la fois un lieu (les pèlerinages de Santa Cruz) et une manifestation : Nîmes et le diocèse de la dispersion. Je ne sais pas si je le ferai tous les ans, mais c’est un lieu à connaître.

11’34

Autour de la chapelle, construite en 1849, à la suite d’une épidémie de choléra qui ravagea la ville, les cierges s’allument…

La naissance mythique d’une ville qui devient française pour un peu plus d’un siècle. La surprise de découvrir le document historique du Chanoine Mathieu qui décrit par le menu les jours de choléra.

12’03

Et la cire recouvre les rochers d’une lave transparente qui durcit en blanchissant.

Très belle phrase qui m’évoque des souvenirs intimes.

12’13

Au bas de la colline, le quartier de la Marine conduit au port.

J’ai découvert il y a trois jours que mon grand-père instituteur y avait peut-être passé l’année 1949 à enseigner à l’école Emerat. La Marine est devenue synonyme de chaleur humaine. Elle a disparu pour une part aujourd’hui, rasée dans les années 80, pour des raisons obscures.

12’25

Ce port est né à l’abri du Vieux Fort Lamoune. Il est protégé par une jetée de 3000m sur laquelle, lorsque souffle le vent du Nord, s’écrasent les vagues d’une méditerranée qui perd alors son bleu extraordinaire, son bleu d’encre, son bleu de lessive. Les quais, sans cesse agrandis, sont toujours trop petits.

Fort Lamoune comme La Mona, la guenon. Une origine (très controversée) parmi tant d’autres de la Mouna oranaise.

12’48

Sur les docks flottants, des cargos sont radoubés.

13’06

Les richesses de l’Afrique tout entière et du Maroc oriental affluent à la gare maritime qui groupe les services de voyageurs, de marchandises et de colis postaux. À ce gigantesque silo, un des plus modernes du monde, un camouflage de temps de guerre a malheureusement retiré sa blancheur et, dirait-on, sa grandeur.

13’35

Incroyable : je n’ai jamais rien fait sur le port…

Les tonneaux remplis du vin de l’Oranie s’étendent à perte de vue sur les quais. Hop, un simple coup de pied, et le fût se range docilement (mouvement qui me rappelle le tout début d’un extrait du film Raï posté en bas de l’article sur les patios)La production vinicole est si abondante qu’il a fallu équiper des cargos cités. Cette production est d’environ 8 millions d’hectolitres par an. L’alfa dont on fera le papier qui manque tant à la France pousse sur 4 millions d’hectares de hauts plateaux et 250 000 tonnes sont exportées annuellement. Les cageots d’agrumes s’entassent dans les soutes des bateaux en partance. Un chalutier rentre. La mer n’est pas seulement la porte ouverte sur le monde, c’est aussi — c’est encore — une source de richesses que savent exploiter les pêcheurs oranais. L’escale a pris fin. Oran, ville prodigieuse, qui rêve d’être la capitale économique de notre Afrique du Nord, va disparaître à nos yeux.

16’24

Adieu Oran… Salam alikoum… et que la chance te soit propice… Inch’Allah

*



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