Les Oranais sont comme moi, l’été venu, ils se plaignent du bruit. A l’époque, ce n’est pas le bruit médiatique, c’est juste le bruit de la ville.

Je m’accroche au mat et glisse la cire dans mes oreilles. J’écoute la voix de l’intérieur en attendant que le cinquantenaire s’éloigne.

Edgard Attias, Oran de tous les jours, 1830-1962, p133. Extrait :

« Pratiquement rien n’est fait contre le bruit. Il y a quelques mois, la réunion de la commission spéciale laissait augurer une offensive d’envergure. Des décisions étaient prises contre l’usage abusif du Klaxon, l’échappement libre des motocyclettes, les vrombissements exagérés des moteurs d’auto itou…

On lisait aussi : tout colporteur d’eau criant sur la voie publique ou dans les cages d’escaliers des immeubles sera emmené au commissariat. On allait voir ! En fait, on n’a rien vu du tout.

Les colporteurs d’eau continuent de plus belle à colporter, en toute liberté, et l’eau et le bruit et les nerfs en prennent un sacré coup, en cette saison où l’on vit toutes portes et fenêtres ouvertes !

Cependant, un lecteur n’est pas tout à fait d’accord et il proteste contre cette rigueur anti-bruit qu’il estime excessive :

Ce serait pousser trop loin avant l’amour du silence. Dans toutes les villes de France et de Navarre, il y a des marchands qui signalent leur présence en criant assez haut leur spécialité pour se faire entendre des clients qui attendent leur passage.

Vendeurs d’eau douce à Oran

Qu’il s’agisse de marchands d’habits, de vitriers, ou de spécialistes des quatre saisons, à Paris comme partout ailleurs, leurs appels légendaires sont tolérés.

Ce serait acceptable si nos colporteurs étaient ordinaires. Mais ils ne sont pas ordinaires du tout. Il y a des colporteurs qui passent en criant devant nos fenêtres une seule fois par jour. Ceux-là sont ordinaires, encore que certains commencent à vendre leur vaisselle à 6h du matin.

Les marchands d’eau, eux, ont partagé la ville en secteurs. [À noter aussi la présence d’un sourcier devenu maire d’Oran, le célèbre abbé Lambert… Je vous conseille d’aller voir la vidéo, ça vaut le coup d’œil 😉 ]. Chaque « entreprise » s’est attribué un secteur dont elle a le monopole. Chaque jour, à l’heure H (7h du matin) et souvent un quart d’heure plus tôt, les petits « forts-en-gueule » se déploient en tirailleurs en poussant des cris d’orfraie. Et passent et repassent, pendant des heures, sous les fenêtres. On a droit ainsi quotidiennement à leur petit concert vocal qui dure huit heures par jour. C’est le supplice de l’eau. »

Il y a bien d’autres supplices aujourd’hui.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?).

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