Le parc municipal Sananès à Oran – Collection JC Pillon

Il n’est pas toujours simple de comprendre.

Ni pour soi, ni pour les autres.

S’il y a bien quelque chose qu’on a du mal à saisir, c’est la recherche de ses ancêtres, même si on croit y comprendre quelque chose.

On se dit qu’on a besoin de racines, qu’on voudrait savoir où ont vécu nos parents, nos grands-parents, nos arrière-grands-parents, qu’on cherche simplement ce que sont devenus les uns et les autres. Mais c’est faux.

C’est pour la galerie. Pour qu’on nous fiche la paix.

Parce qu’en vérité on n’en sait rien.

Mais avec le temps, on finit par mentir, c’est plus simple :

« Je cherche mes racines. »

« Super ! Tu dois t’éclater dans tes recherches !« 

C’est une vraie réponse, vraiment obtenue, et qui de toute façon n’est pas fausse. C’est vrai que c’est exaltant. Mais ce n’est pas un hobby.

Je me rappellerai toujours cet après-midi d’automne où le hasard m’a pris par surprise, glissant l’image de ma mère sur l’écran, toute petite toute mignonne et toute sérieuse, au premier rang d’une photo de classe.

Je ne sais plus ce que je cherchais.

Mais j’ai donné pas mal de coups de poings dans le mur.

On ne cherche pas ses racines pour s’occuper. On cherche ses racines parce qu’on est pris par les morts. Moi, c’est ma mère ; les autres, ce sont d’autres morts.

Je serais bien en peine d’expliquer ce qu’on cherche, mais on cherche.

Sans relâche.

« Je ne cherche pas, je trouve » disait Picasso, avec son humour de génie. Pour les racines, c’est l’inverse : on ne trouve pas souvent, mais on cherche beaucoup.

Je suis tombé par hasard sur le blog d’une jeune fille partie à la recherche de ses racines pieds-noirs. Un blog qui date déjà d’octobre 2006, et qui semble se terminer en octobre 2010.

4 ans donc. C’est beaucoup.

Je crois que les générations qui ont connu l’Algérie française n’ont pas conscience du manque dans lequel vivent certains de leurs enfants. Je crois qu’ils sont pris par leurs propres démons, qu’ils ne voient pas les démons des autres, et qu’ils ne les verront jamais.

Parce que c’est invisible.

Le blog de cette jeune-fille en donne un bref aperçu. Il faut le parcourir au hasard.

Je vais seulement coller ici les deux premiers textes d’octobre et novembre 2006.

Ils disent déjà beaucoup.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?).

*

29 octobre 2006 : Oran, ville de mon enfance.

Je suis fille de pieds noirs et à mon tour, je voudrais m’exprimer sur les sentiments de chacun face à cette Algérie qui fait partie intégrante de leur vie, de leurs souvenirs. Je sens la douleur, la nostalgie, la tristesse de cette Algérie blessée à travers les récits de chacun d’entre vous, et pourtant je me sens moi-même pied-noir alors que je suis née à Lyon.

Quoi de plus beau que les souvenirs d’enfance. Autrefois, la ville était vivante, vivante des commerçants ambulants qui ont été remplacés par toutes ces devantures, vivantes par le sourire des gens croisés dans la rue, vivante car l’indifférence n’existait pas.

Chaque jour, je découvre des articles intéressants sur cette vie passée, et j’aimerais tant que mes parents, eux aussi, redécouvrent cette Algérie, retrouvée par d’autres pieds-noirs dont la nostalgie leur fait retrouver une trace de leur passé. Mais voilà, le passé est trop proche, les souvenirs de l’indépendance trop douloureux, la guerre a été rude des deux côtés, trop de morts et d’injustice. Pourquoi ? Pour qui ?

Mes parents pensent souvent à leurs amis, et je voudrais aujourd’hui leur dédier ce blog, j’espère le compléter et le rendre vivant autant que possible.

 

18 novembre 2006 : Les disputes familiales et la mort

Aujourd’hui, je me dis que la vie est ainsi faite : de joies, de peines, de découvertes plus ou moins enrichissantes, plus ou moins mauvaises, et l’on a tous chacun au fond de nous, notre propre caractère, ce caractère qui fait que les familles se brouillent.

Pourquoi ? Est-ce si important de rester en froid quand on sait que nos ancêtres ont traversé une guerre qui les a marqués à jamais !

Quand on sait en lisant les écrits des histoires sur cette guerre 14-18, sur les différents sites qu’Internet nous permet de découvrir, que tous ces hommes, lorsqu’ils écrivaient et répétaient à leurs proches qu’ils n’avaient aucun souci à se faire, et pourtant combien d’entre eux sont tombés pour la France ?

Combien d’entre eux pensaient rentrer au pays ?

Nous, nous avons perdu un grand-oncle à cette guerre 14-18, Joseph Martinez, né le 17 mars 1886, décédé le 9 août 1916 d’une maladie, et dans ces courriers, lui aussi disait à ses parents de ne pas s’inquiéter, qu’il reviendrait, et pourtant sa vie s’est arrêtée, loin des siens. N’est-il pas triste de mourir loin des siens ? de ceux que l’on aime ? N’est-il pas triste, alors que le deuil nous frappe en pleine figure, de se dire ce qu’il a pu ressentir ? Etre seul ? Abandonné en quelque sorte. Non, il n’était pas abandonné.

Aujourd’hui, je l’ai retrouvé, certes il est mort, mais il est retrouvé et mon objectif est le suivant : savoir où il est enterré ? savoir ce qu’il a fait ? savoir ce qu’il a enduré ? Je sais que ce sera encore un travail de titan, mais j’avance chaque jour un peu plus dans mes recherches le concernant, et j’avoue que son existence, si courte soit-elle, reste pour moi une énigme.

Pourquoi, alors reparaître quand les êtres qui vous sont chers ont disparu ?

 

* * *

 

J’ai envoyé un message à Valérie Martinez pour lui demander l’autorisation de publier ces deux articles. Elle a accepté.

En rajoutant quelques mots.

Je la remercie.

 

* * *

 

Je ne sais pas exactement si j’ai bien retranscrit mon ressenti, mais il y a tellement de découvertes trouvées, tellement de lectures lues, qu’il est difficile de résumer l’ensemble.

Ce dont je suis certaine, c’est que mon passé de fille de pieds-noirs ne restera jamais dans l’oubli.

Dans certaines familles, on transmet un camée, un livre, un vêtement. Personnellement, je transmettrais l’histoire de mes ancêtres, mes notes, mes écrits, mes photos.

Une personne m’a laissé un message via mon blog, il se trouve que mon père a travaillé dans l’entreprise de sa famille et qu’un de mes oncles était un ami d’un de ses oncles ; je vais donc mener ma petite enquête pour en savoir un peu plus sur ce passé.

Voilà l’importance des différents sites et blogs créés par les enfants de pieds-noirs ou les pieds-noirs eux-mêmes.

J’ai commencé mes recherches généalogiques en 2006, ces dernières m’ont conduit à ouvrir ce blog afin de partager mes recherches, d’une part avec ma famille, d’autre part avec d’autres pieds-noirs. Nos histoires se ressemblent et pourtant nous sommes de parfaits inconnus les uns pour les autres.

A chaque démarche effectuée, j’attendais impatiemment le retour de mes courriers, je scrutais chaque site, je  lisais les articles et visualisais les photos des écoles, des amis du passé, des colonies de vacances dont j’avais souvent entendu ma mère me parler, je découvrais des horreurs, et je voulais laisser une trace à mon tour.

J’ai écrit avec mon cœur, mon ressenti, mes sentiments au fil de ces découvertes.

Je suis fille de pieds-noirs et fière de l’être.

Je ne pensais pas pouvoir trouver de tels trésors lors de mes recherches ; cette idée était présente en moi depuis mes 16 ans et un jour, j’ai effectué une première tentative d’arbre généalogique sur internet, puis là tout s’est enchaîné. La découverte des livrets de famille, des livrets militaires, les courriers envoyés aux ministères, les sites sur la guerre 14/18, c’était une telle richesse que je n’en revenais pas moi-même.

Je suis toujours à la recherche de nouvelles photos, de nouveaux sites, afin d’enrichir les connaissances de mon passé familial.

Ces mêmes recherches m’ont permis de retrouver la descendance d’un oncle paternel né en 1897. Ce jour là, ce fût une joie immense d’annoncer à mon  père que j’avais retrouvé toute cette partie de la famille et la joie fût encore plus intense lors de notre première rencontre, les souvenirs remontaient à la surface et les traditions familiales prenaient le dessus entre des personnes totalement inconnues l’une pour l’autre alors que nous étions de la même famille.

Aujourd’hui, mon passé est toujours d’actualité, j’aime en parler à mes enfants, leur transmettre ce savoir, mon blog n’est pas éteint, il est juste au repos, en attente de nouvelles quêtes et d’un article important à mes yeux :

« Les souvenirs de ma mère. »

 

Valérie Martinez – Le blog



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