Schelomo ben Beroum et Zohra bent Mouchi ben Samoun avec leur fille encore bébé, Meriem, future épouse de Paul Souleyre.

C’est le 18 mars 1864 à Tlemcen, il est 9h du matin.

Quelques années avant le décret Crémieux.

Schelomo ben Beroum et Zohra bent Mouchi ben Samoun décident de se marier devant un officier d’état-civil français de la ville de Tlemcen. Ils ne parlent pas français.

La photo est prise une vingtaine d’années plus tard, à la naissance de la mère de ma grand-mère maternelle, Meriem, en 1885.

Schelomo est alors cordonnier, et malgré les habits traditionnels, on remarque qu’il a adopté le port de chaussures européennes.

Les cordonniers sont-ils toujours les plus mal chaussés ? Visiblement, l’assimilation est en marche.

Une chose est sûre en revanche, en 1885, les époux sont français.

Par contre ils ne le sont pas en 1864 puisque « L’État accorde en 1865 par décret impérial du 14 juillet la citoyenneté aux indigènes juifs et musulmans qui la désirent. »

Dès 1830, leurs parents ont été libérés du statut de dhimmis, ont reçu l’égalité des droits avec les indigènes » musulmans, et ont renoncé à leurs tribunaux religieux pour se soumettre aux tribunaux français de droit commun appliquant le droit mosaïque. (Wikipedia – A Tlemcen, c’est un peu plus compliqué… )

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Certains ont même commencé à envoyer leurs enfants dans des écoles françaises, mais ce n’est pas le cas des parents de Schelomo et Zohra puisque ceux-ci ont besoin d’un traducteur assermenté pour comprendre ce que l’officier d’état-civil énonce devant eux.

Leur langue maternelle est l’arabe.

Un siècle plus tard, ma mère est professeur de français, en France. Et ma grand-mère elle-même, fille de Meriem, est une ancienne institutrice de l’École Lamoricière à Oran, excellente en latin, et parfaitement européanisée.

On les voit toutes deux sur la photo ci-dessus, ma mère en train de fumer une cigarette devant une bouteille de vin et sous un parasol Heineken, ma grand-mère la regardant avec un léger sourire.

On est dans le sud de la France au début des années 90 ; l’assimilation s’est faite à une allure vertigineuse.

Et la clé de voûte tient en 6 lettres : Meriem.

Je pense que ma mère sait encore d’où elle arrive. Ma sœur et moi n’en avons plus aucune idée. Schelomo et Zohra sont devenus de parfaits inconnus.

Il y aurait beaucoup à dire sur l’assimilation juive de cette branche de la famille dans la société française, je me limiterai pour aujourd’hui au contrat de mariage qui lie Schelomo et Zohra, tous deux parents de Meriem Souleyre, femme de Paul Souleyre, née Beroum à Tlemcen, en 1885.

Retour à l’origine.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?).

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Le contrat de mariage entre Schelomo et Zohra

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Du dix-huitième jour du mois de mars, l’an mille huit cent soixante quatre, à neuf heures du matin, acte de mariage

1° de Schelomo ben Beroum cordonnier demeurant à Tlemcen où il est né dans le courant de l’année mille huit cent quarante, fils majeur de Maklouf, marchand, et de Beïda bent Schelomo Soto, ménagère, demeurant ensembles à Tlemcen, ici présente expressément consentante

2° et de Zohra bent Mouchi ben Samoun, sans profession, demeurant à Tlemcen où elle est née dans le courant de l’année mille huit cent quarante huit, fille mineure de Mouchi, marchand, disparu depuis le 14 avril mille huit cent soixante et un sans donner de nouvelles et sans que personne sache ce qu’il est devenu, et de Rachel bent Jacob Sarfati, ménagère demeurant à Tlemcen, ici présente expressément consentante.

Les publications de mariage ont été faites, la première le six et la seconde le treize mars, présent mois, jours du dimanche à midi devant la principale porte d’entrée de notre maison commune et affichées aux termes des articles 69 et 64 du code Napoléon sans qu’il soit intervenu aucune opposition.

Les futurs conjoints ont produit et déposé deux actes de notoriété pour suppléer à leur article de naissance dressés par le juge de paix de Tlemcen le vingt huit janvier dernier, et un acte de notoriété constatant l’absence de Mouchi ben Samoun, père de la future, dressé par le même juge le premier mars présent mois, le tout en bonne forme.

Après lecture faite par nous aux termes de la loi de toutes les pièces mentionnées ci-dessus, ainsi que du chapitre VI du titre V du code Napoléon intitulé Du mariage, article 212 et suivantes, et après avoir interpellé les futurs époux conformément à la loi du 10 juillet 1850, d’avoir à déclarer s’il a été fait un contrat de mariage et, dans le cas de l’affirmative, la date de ce contrat ainsi que les noms et lieu de résidence du notaire qui l’a reçu, à quoi il nous a été déclaré qu’il n’y avait pas de contrat, lesdits comparants ont déclaré prendre en mariage, l’une Zohra bent Mouchi ben Samoun et l’autre Schelomo ben Beroum ; en présence de

1° Haïm Mattout, âgé de trente ans, chaudronnier
2° Maklouf Medioni, âgé de trente six ans, marchand
3° Chemonil Abecassis, âgé de ving huit ans, marchand
4° Braham Sultan, âgé de trente quatre ans, chapelier

Tous quatre amis des époux demeurant à Tlemcen.

5° Moïse Gogman, interprète de la municipalité assermenté demeurant à Tlemcen, lequel a oralement traduit du français en arabe le présent acte que le livre 1er titre V du code Napoléon aux parties contractantes et aux témoins qui ont déclaré le comprendre et l’approuver.

Ensuite de nous, Louis Alexandre Barat, adjoint au maire de la commune de Tlemcen, département d’Oran, délégué pour remplir la fonction d’officier public de l’état civil, avons prononcé qu’au nom de la loi lesdits époux sont unis en mariage.

Et après lecture faite en présence de tous, l’interprète et les témoins ont signé avec nous le présent acte fait en double dans le local ordinaire de la mairie où le public a été admis.

Quant aux parties, elles ont déclaré ne savoir signer et par nous requis approuvé trois mots rayés comme nuls.

(suivent les signatures)

 

 

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