Danièle Morel est professeur de Lettres. Elle a écrit un abécédaire pieds-noirs qui n’est pas inintéressant mais dans lequel on ne peut pas tout à fait se reconnaitre puisque le « pieds-noirs »  générique n’existe pas.

La communauté est beaucoup trop diverse dans ses origines.

C’est une connaissance lointaine qui me l’a conseillé, tout en me disant que l’auteur avait eu quelques soucis avec sa famille depuis la publication du livre.

Je peux comprendre.

 

La famille pieds-noirs et l’école française

La quatrième de couverture est très éclairante de ce point de vue. Elle se compose de trois parties : La dernière est une présentation biographique. Les deux premières s’opposent et fournissent l’angle du livre.

Toute petite, l’auteur explique d’abord qu’elle a grandi en entendant « Algérie, Ah, chérie ! […] Les Pieds-noirs parlent de leur pays au féminin, comme d’une amante ingrate et infidèle.

Ils en déclinent les bonheurs, les merveilles, les douceurs, vaguement peinés pour les malheureux qui ne l’ont pas connue, l’œil allumé d’avoir eu le privilège de rouler dans sa couche chaude… ».

Puis, à 11 ans, elle apprend l’Histoire de l’Algérie par l’école. « La prof parlait du peuple algérien, et je ne connaissais que « les arabes ». De sa lutte contre la colonisation : j’apprenais ce mot…

Elle remontait loin en arrière. Elle racontait Sétif en 1945. Et le cours d’Histoire devenait voyage dans l’Histoire, celle de mes origines… Elle m’apprit les milliers de morts dans le stade, à Philippeville, ma ville, et je me sentais trahie, comme si on m’avait caché la suite, comme si les livres renfermait des secrets qu’on n’avait pas jugé bon de me révéler…

à onze ans, j’avais compris que la guerre d’Algérie serait une source incessante de déchirement entre mes parents et moi… »

L’angle est donc : Je découvre l’Algérie par le regard idyllique de la communauté pieds-noirs qui oublie le peuple algérien puis je découvre la réalité en arrivant à l’école : ma famille a participé à la colonisation.

Cette expérience-là, tous les enfants de pieds-noirs l’ont faite.

C’est le socle de base de toute la génération III, comme dirait Hubert Ripoll, de tous ceux qui ont d’abord entendu parler de l’Algérie par leur famille avant d’en prendre ensuite connaissance par le discours officiel.

Et le moins qu’on puisse dire est qu’on est pris entre deux feux contradictoires.

Comme disait Luc, le véritable problème commence maintenant, avec la quadrature du cercle : comment condamner la colonisation sans condamner sa famille ?

Tout livre devrait trouver sa source dans cette quadrature.

Le socle de base est connu. On peut toujours le décliner à l’infini des expériences individuelles, on ne fera que renforcer le discours officiel, bien pensant, et facile à comprendre : les pieds-noirs fantasment une Algérie heureuse. La réalité, c’est qu’ils ont colonisé l’Algérie.

Je propose deux pistes pour aller un peu plus loin, deux pistes qui seront deux commentaires de la quatrième de couverture exposée plus haut :

 

1 – Lorsque Danièle Morel écrit « les Pieds-noirs parlent de leur pays [l’Algérie] au féminin, comme d’une amante ingrate et infidèle. » je ne suis pas sûr de la suivre. Les pieds-noirs avaient deux pays : la France et l’Algérie. L’ingrate et l’infidèle, pour eux, c’est très clairement la France.

Je n’ai pas rencontré beaucoup de pieds-noirs qui en voulaient aux Algériens de s’être battus pour obtenir leur indépendance. C’est un combat qu’ils respectent. Ce qu’ils respectent moins, c’est l’attitude de la France à leur égard.

La décolonisation est surtout un problème franco-français, un problème entre la colonie et la métropole, entre la fille trahie par une mère patrie qui se détourne d’elle.

 

2 –  Lorsque Danièle Morel écrit « à onze ans, j’avais compris que la guerre d’Algérie serait une source incessante de déchirement entre mes parents et moi… » là non plus, je ne suis pas sûr de la suivre. Une source incessante de déchirement entre ses parents et la société, ça oui. Et pour longtemps. Mais entre ses parents et elle, pas forcément.

 

On peut aussi décider de s’attaquer à la quadrature du cercle :

Comment condamner la colonisation sans condamner sa famille ?

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

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