Oran – Place Hoche et rue de l’Alma – Faire rouler son carrico

Est-ce de la transmission ?

Edgard Attias est comme moi (mais en mieux) il aime beaucoup les petites choses. Et moi, j’aime beaucoup le lire en train de relater les petites choses qu’il a trouvées dans les journaux d’Oran.

A la page 133 de son livre Oran de tous les jours, il y a une énumération de petits faits divers qui n’apporte rien (et n’apportera jamais rien) à la Grande Histoire d’Oran mais qui fait l’âme et le sel de ce livre que je bénis.

Un livre rare, unique, apaisant.

J’y reviens sans cesse comme à une source originelle. Je bois les paroles simples des choses simples rapportées simplement par un homme simple.

*

Tout à l’heure, sur Facebook, je suis tombé sur une mise au point de Christophe Certain qui tient un site de cuisine pieds-noirs archi connu :

« Bonjour à tous, je reviens de vacances et j’apprends que des gens jaloux et malintentionnés font courir un bruit selon lequel ma page de cuisine facebook serait un dangereux repère d’anciens activistes du FLN et conseillent donc à tous les pieds-noirs de s’en désabonner ! 

Pour découvrir son site de cuisine pied-noir suivi par des dizaines de milliers de fanatiques

La méchanceté et la stupidité de ces gens qui ont déjà réussi à faire fermer mon ancienne page Facebook n’a donc pas de limite… Je rappelle donc à toutes fins utiles qu’on parle ici de cuisine et pas de politique, et que l’objectif de mon site est de fédérer les gens de bonne volonté et pas de nourrir une rancune éternelle qui n’a d’autre résultat que le malheur et l’auto-destruction de ceux qui l’entretiennent. »

J’ai lu et relu des dizaines de « j’aime » et de « commentaires ».

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Petites choses, donc.

Et maintenant, je retourne vers Edgard Attias avant d’aller me coucher.

« Le 24 avril [1951], la pluie arrive, comblant les vœux des agriculteurs. On a gagné un spectacle d’Oranaises en manteaux de pluie, chapeaux, parfois bottes, qui ne le cédaient en rien, pour l’élégance, au charme léger de leurs robes estivales de demain.

Mais tout n’est malheureusement pas aussi léger. Au hasard des lectures du journal on relève en moins d’un mois un certain nombre de faits divers aussi tragiques que futiles. Quelques-uns d’entre eux ont été sélectionnés :

→ Un moissonneur poignarde son camarade de travail qui lui avait reproché de porter moins de sacs de grains que lui.
→ Il faisait pacager ses moutons dans le chaume de son voisin. Il reçoit un coup de boussaadi en plein coeur.
→ La femme du chiffonnier poignarde 3 fois sa jeune voisine qu’elle soupçonnait de plaire de « façon trop évidente » à son mari.
→ Mécontente de son propriétaire, elle lui brise une matraque et une bouteille sur le crâne.
→ Discussion sur le partage du produit d’une vente : il tranche la gorge de son frère.
→ Il veut boire le premier à la gargoulette : il tue son voisin d’un coup de matraque.
→ Elle ne veut pas lui indiquer la provenance d’un foulard. Il tue sa femme de neuf coups de couteau.
→ Les poules de son voisin picorent dans son champ. Il le tue d’un coup de matraque.
→ Son troupeau traversait l’oued alors que son voisin venait remplir des barriques d’eau. Celui-ci lui reproche de troubler l’eau. Il tire sur lui avec son fusil.

L’horloge parlante annoncée en janvier 1950 est enfin en fonction le 9 juin. Elle mettra tout Oran au doigt et… à l’heure. Adieu la ronde fantaisiste des horloges de la ville. »

Je ne sais pas ce qui pousse Edgard Attias à publier ce genre de faits dans son livre mais peut-être ressent-il lui aussi le besoin de sauver les petites choses inutiles.

Il s’arrête en 62.

J’espère arriver un jour à sauver quelques petites choses inutiles de l’après 62.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)

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La birlocha ou La bilocha – Bien raconté sur Arzewville



 

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