Neige à Oran le 29 janvier 1935

J’ai failli parler de la neige à Oran.

C’est qu’en ce moment je relis un peu Edgard Attias.

Et comme je cherche des petites choses et que je n’en trouve pas toujours, je me tourne parfois vers Edgard Attias qui en fait collection.

Oran de tous les jours, 1830-1962, p165 :

« Pour la première fois depuis le 29 janvier 1935, la neige est tombée à plusieurs reprises dans la journée du 1er février, en flocons parfois assez épais. Le ciel bas et gris était couvert de voiles de nimbo-stratus doublés de gracto-status. »

Mais je sentais bien qu’il y avait de la facilité là derrière et j’attendais qu’il se passe quelque chose en marge de mes recherches sur la neige à Oran.

C’est drôle parce que les gens adorent les petites choses mais ne leur accordent pas l’importance qu’ils devraient.

La neige à Oran, c’est intéressant, mais certaines choses témoignent davantage d’un temps révolu et sont plus aptes à réveiller la mémoire que les neiges éternelles.

Un petit morceau de Mouna dans la bouche, par exemple. Ou le détail de la photo ci-dessous.

Le coin du Popodoran« pieds-noirs et fier de l’être » (en haut à gauche), raconte la neige en 35 et en 54, mais surtout, s’arrête sur une très belle photo pour en noter un détail.

Je mets la photo, vous cherchez, et je vous dis ensuite où regarder.

On va voir si vous aimez les détails qui portent toujours plus que le monde photographié autour d’eux.

Neige à Oran, toujours le 29 janvier 1935

Alors, la solution :

« A noter le panneau sens interdit pas commun financé à l’époque certainement par Citroën. A l’époque, constructeurs, garagistes et municipalités « sponsorisent » les premiers signaux, en n’oubliant pas d’y mentionner leur nom.

Celui que devait produire les rares automobiles de la fin du 19e siècle n’avait que six panneaux à connaître.

Cette pratique est inaugurée en 1910 par Michelin (avec ses fameuses plaques émaillées), suivi par Renault, Citroën, Peugeot… 

Depuis 1946, l’Etat se charge lui-même du financement et de la réalisation des panneaux. »

Voilà.

Dans cette photo sous la neige, ce qui change tout, ce n’est pas la neige – que tout le monde retrouvera un jour ou l’autre – mais le panneau de signalisation Citroën qui disparait en 46.

Il y a peu de chance que la neige fasse resurgir un monde, parce qu’elle dépend très peu du lieu ou de l’époque. Même à Oran.

Le panneau de signalisation Citroën, en revanche, est associé à l’entre-deux-guerres. Il fera resurgir l’entre-deux-guerres.

Ce sont ces petits détails-là qu’il faut mettre sous les yeux des personnes dont on cherche à faire parler la mémoire.

Des petits détails qui portent en eux un monde parfaitement délimité dans le temps, et qui, par leur simple évocation, ramène dans leur sillage des rues, des places, des jeux, des kiosques, des églises, des femmes, des enfants, du soleil, des vieilles voitures et des palmiers ; un monde figé n’attendant plus que le détail incantatoire pour prendre forme tel un génie surgi de sa bouteille.

C’est le pouvoir de Citroën contre la neige.

Le goût de la Mouna.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)

*

Neige à Oran le 1er février 1954 – Rue Philippe



 

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