Quartier juif – Rue d’Austerlitz (source : collection LVD)

Dieu merci, je crois qu’il y a quelque chose qui me soutient dans l’Invisible, même si je ne prie pas.

J’ai à peine été baptisé, je n’ai pas fait de communion, j’ai suivi une année de catéchisme à mourir d’ennui, et ma mère comme mon père se fichaient de tout ça comme d’une guigne.

Pour ceux qui savent lire, il est écrit dans la colonne de droite « j’ai choisi d’être Paul Souleyre en souvenir du nom de jeune fille de ma grand-mère. » et pour ceux qui lisent très attentivement ces articles depuis longtemps, ou qui me connaissent personnellement, c’est-à-dire peu de monde en fin de compte, sur les 90 lecteurs quotidiens péniblement amassé durant 5 mois (même pas un tous les deux jours), Paul Souleyre est un nom d’emprunt.

J’avais dans cet article, parlé de l’importance pour moi de prendre un nom lié à mes racines. « Paul Souleyre, mon frère » était-il écrit en intertitre.

Mon père m’avait dit en souriant « tu as eu bien raison de prendre Souleyre » tant il est vrai qu’en parlant de l’Algérie, on se retrouve sous les feux de commentaires parfois très durs.

Mon père a suffisamment souffert de toutes sortes de vicissitudes communes aux existences ici-bas pour avoir aujourd’hui le droit de profiter tranquillement du restant de ses jours sans devoir en plus subir les effets collatéraux des pérégrinations mémorielles de son fils.

Je m’étais donc porté sur le patronyme de Souleyre.

Mais comme une évidence parce que j’avais déjà fait pour moi ces dernières années deux petits films, comme ça, presque pour m’amuser (mais sérieux malgré tout) auxquels j’avais accolé dans un pseudo-générique : « réalisé par Paul Souleyre. » (2005 et 2009)

Donc Paul Souleyre existe en moi depuis 2005.

Et puis je me suis rendu compte l’hiver dernier que les choses étaient plus compliquées encore.

Avant de tomber malade et de commencer à être vraiment handicapée par sa sclérose en plaques, ma mère écrivait des nouvelles. Je crois qu’elle avait essayé d’en publier quelques-unes, sans succès.

Je suis tombé sur l’un de ses recueils l’hiver dernier, et c’est à ce moment-là, en regardant la dernière page, que j’ai vu écrit « Pauline Souleyre » . Ma mère avait choisi un pseudonyme dérivé du nom de jeune-fille de sa mère.

J’en ai aussi parlé dans un article sur l’Orangina et l’inconscient.

C’était un recueil que je n’avais plus feuilleté depuis mon adolescence, donc depuis 25 ou 30 ans. Mais c’est un nom qui avait cheminé en moi… à moins que le hasard ne soit vraiment l’ombre de Dieu (ce que je crois, à la vérité.)

C’est même étonnant de constater à quel point cette branche de la famille vivait dans l’ombre de Dieu sans s’en préoccuper plus que ça.

Ma mère était drôle, pimpante et plutôt séduisante, mais elle avait surtout un don qui nous faisait parfois sourire bien qu’il fût plutôt inquiétant, elle devinait de temps en temps le décès de certaines célébrités annoncé à la télévision quelques jours plus tard.

Ça n’arrivait pas tous les quatre matins, mais ça arrivait. Et ça nous amusait.

Personne n’en faisait un flan, c’était la vie à la maison.

En ce qui concerne ma grand-mère Souleyre, l’ombre de Dieu était là aussi, mais vraiment cachée.

Il y a une anecdote qui a beaucoup circulé dans la famille mais c’était mon grand-père catalan et profondément athée qui la faisait circuler parce que ma grand-mère ne s’en rappelait pas.

C’est dire à quel point Dieu était logé à une drôle d’enseigne parmi mes ascendants. Lui-même a du se demander en son temps ce qu’il était venu faire dans cette galère…

Une nuit, ma grand-mère se réveilla en sursaut et secoua mon grand-père.

– Il faut absolument aller au cimetière ! ma grand-mère est gênée par un petit garçon dans sa chambre qui l’empêche de dormir.
– On ira demain matin, là c’est fermé

Le lendemain matin, mon grand-père accompagna ma grand-mère au cimetière. Un angelot s’était renversé sur la tombe, probablement poussé par le vent. Elle le redressa, glissa quelques fleurs dans un vase, et repartit vivre sa vie dans la belle ville d’Oran.

J’aime ce mystère au quotidien. Sans emphase, sans rituel et parfaitement intégré à la vie courante.

 *

Ce matin, je me promenais pour respirer l’air frais. J’étais tourmenté.

Je pensais à la tragédie. Au 5 juillet. Au tableau de La Senia.

J’ai jeté un œil sur mon portable et j’ai remarqué un mail sur la messagerie de Paul Souleyre.

C’était un cousin Souleyre qui prenait contact avec moi pour m’apprendre qui étaient mes ascendants oranais par cette branche.

Qu’il en soit remercié. J’avais besoin de cet oxygène.

Le hasard est l’ombre de Dieu.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

Articles recommandés

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *