Les ballons pieds-noirs du colloque de Masseube (juin2012)

La question de l’identité Pieds-Noirs s’est posée à moi de manière inattendue ce week-end au colloque de Masseube.

C’est le matin, au petit-déjeuner, je ne suis pas très frais même si j’ai bien dormi, je remarque à quelques pas de la table où je suis installé quelqu’un qui a la lourde tâche de devoir gonfler une bonne centaine de ballons.

Je suis toujours attiré par les petites choses totalement inintéressantes.

Donc je regarde avec passion le bonhomme et sa machine à gonfler des ballons. Il est accompagné d’une assez belle dame qui s’occupe ensuite de les rassembler pour en faire des sortes de bouquets multicolores.

Je cesse de regarder l’homme et la femme et mon regard se porte sur les ballons. Je scrute ces deux pieds noirs sur lesquels sont inscrits les dates du cinquantenaire : 1962 sur le pied gauche, 2012 sur le pied droit.

Et la question se pose à moi : vas-tu en ramener à tes filles ?

La réponse arrive en même temps que la question : non.

A partir de là, je suis très troublé. Je plonge dans mon bol de café. Puis je tourne mon regard vers la vieille dame en face de moi. Une vieille dame d’une délicatesse inouïe. Je lui souris mais je ne peux plus lui parler. Je viens juste de comprendre que je ne peux pas transmettre l’identité pieds-noirs.

Toute l’année, j’ai dit à mes collègues que mes parents étaient pieds-noirs. Mais l’ai-je dit à mon propos ? Ai-je dit me concernant : je suis pieds-noirs. Je n’en suis pas sûr. Mais ce n’est pas impossible parce que ça ne me pose pas de problème. Tout le monde le sait. Et tout le monde s’en fiche. Ceux qui m’entourent sont à des années-lumière du problème pieds-noirs. Ils ont d’autres soucis en tête.

Le problème n’est pas là. C’est sûr. Il est ailleurs.

Et je sais où il est parce que je l’ai entraperçu, très fugitivement. Il peut se résumer en une phrase :

je ne vais pas imposer ça à mes enfants.

Je ne vais pas imposer toute cette lourdeur, toute cette souffrance, toute cette nostalgie, à mes enfants. Ce n’est pas possible.

Et je comprends tout à coup pourquoi mes parents ne m’en ont pas parlé.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

Articles recommandés

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *