Je suis très ennuyé, j’ai deux Jean-Claude Martinez sous la main et je ne sais pas s’ils sont le même.

Afin d’éviter les paroles maladroites, je partirai du principe qu’ils sont deux. L’un a écrit Histoires d’Algérie , un roman en deux tomes, l’autre a filmé son retour à Oran.

Je n’ai jamais évoqué le premier et j’ai à peine effleuré le second, même si j’ai déjà mis « l’arrivée à Oran » sur cette page.

Il y a pourtant une petite phrase à l’intérieur de l’extrait qui vaut le coup d’être entendue à  7’22 » :

« – Il y a un côté Alicante, c’est marrant, hein ? 
– Ben oui, ça ressemble beaucoup à Alicante.
– J’imagine le Socorro, là-bas.
– Pourquoi tu crois qu’on est allé habiter à Alicante ? Parce que ça ressemble trop à Oran ».

La première personne est plus jeune. La seconde est Jean-Claude Martinez.

Alicante la sœur jumelle.

Jean-Claude Martinez transmet Oran

Je n’ai reçu que le tome 2 du livre de Jean-Claude Martinez. Il m’est arrivé la même mésaventure avec Amédée Moreno. C’est terrible, je ne reçois que les tomes 2. C’était en février dernier, je crois. Le tome 1 était en rupture de stock. Il allait être réédité.

Et puis je l’ai oublié dans un coin. Je suis passé à autre chose.

C’est en repensant au film que je me suis subitement fait la remarque que j’avais un livre dont l’auteur portait ce nom-là.

*

Le livre est très différent du film. Il est extrêmement vivant dans l’écriture. Beaucoup de dialogues.

J’avais essayé de le lire à l’époque mais je connaissais mal la ville et… je n’avais que le tome 2. Donc je n’avais pas insisté. D’autant plus qu’il se déroule entre 1960 et 1962 et que je voulais d’abord sentir la ville en temps de paix.

Il y a des films qui ont pris le parti d’être extrêmement nostalgiques lorsqu’ils racontent Oran. Je peux comprendre, mais je n’arrive pas à les regarder.

Le film de Jean-Claude Martinez n’est pas nostalgique.

Parfois un chouilla quand même, bien sûr, mais la tonalité générale ne l’est pas. On voit au contraire qu’il a les yeux grand ouverts, et que son fils, à côté de lui, filme tout ce qu’il peut. Ils parlent beaucoup ensemble et avec le chauffeur de taxi.

On est dans le présent.

C’est une forme de transmission qui n’est pas évidente pour le père, j’imagine, mais je crois qu’elle est essentielle pour l’enfant. Tenter de transmettre autre chose que la douleur ou la nostalgie en retournant sur place et en montrant les lieux.

Même si les lieux ont tellement changé que les enfants des années 50 ne reconnaissent plus leurs quartiers.

Jean-Claude Martinez avait besoin d’écrire deux tomes pour extraire sa douleur et lui donner une forme. Il avait l’écriture pour le faire. Mon père aussi a écrit 80 pages tout seul dans son coin pour que rien ne se perde.

Les anciens adolescents d’Oran doivent être nombreux à écrire des textes tous seuls dans leur coin, et peut-être tout aussi nombreux à désirer revoir au moins une fois leur ville.

  *

Dernière page du livre de Jean-Claude Martinez :

19 juillet 2007

J’ai revu Oran. J’ai marché dans les rues de mon enfance et j’ai eu le privilège de montrer à un de mes enfants les lieux où j’ai grandi, où j’ai vécu les merveilleux moments de mon adolescence. Au bout de 45 ans j’ai pu dire à l’un des miens : « Vois, c’est ici que je vivais, c’est ici que j’allais à l’école, c’est à cet endroit, qu’un jour j’ai connu celle qui allait devenir ta mère. »

Mon fils cadet est près de moi. Je suis fier de lui avoir présenté ma ville. J’ai le coeur en paix. J’ai la poitrine gonflée d’un bonheur indicible et mes yeux sont remplis de toutes ces images qui sont redevenues réalité !

Le ferry a largué les amarres. Accoudé au bastingage du « Fantassia » , je regarde une dernière fois la colline de Santa Cruz et le vieux fort espagnol témoins toujours présents de cette ville qui fut et qui demeurera toujours la mienne.

Je distingue sur ma gauche, le Cap de Canastel et la pointe de l’Aiguille.

Le quai de l’horloge s’éloigne. Un long coup de sirène effraie les mouettes de la digue. Je lève les yeux au ciel pour me noyer encore une fois dans cet azur incomparable.

« Et du bord du bateau qui s’écartait du quai
Une chaîne dans l’eau a claqué comme un fouet… »
(E. Macias)

Encore une fois, j’ai quitté mon pays !

Saint-Paul-Trois-Châteaux, juin 2009

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)

*

La biographie Amazon de Jean-Claude Martinez : « Né à Oran, au quartier Saint-Pierre, J-C Martinez, après avoir exercé le métier de dessinateur dans un bureau d’architecture, du centre-ville, s’engage dans le corps des instructeurs en 1958 et part enseigner dans le bled au sud d’Aïn-Témouchent, puis au Télagh.
En 1962, chassé par le vent de l’histoire, comme bon nombre de ses compatriotes et collègues, il est envoyé dans le Pas-de-Calais avec son épouse Astrid Pérez de Rio Salado. En 1977, il obtiendra sa mutation dans le sud de la Drôme où il exercera comme professeur des écoles jusqu’en 1994.
«

Jean-Claude Martinez de retour dans son quartier Saint-Pierre

NB : Les deux Jean-Claude Martinez n’en sont qu’un. On retrouve Laurent et Larbi dans le livre, comme dans le film, au générique. Malheureusement, il semblerait que la vidéo ait été supprimée ou le compte clôturé…



 

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