À la fin du Moyen Âge, la bataille de Poitiers est déjà utilisée pour magnifier la royauté française. Bataille de Poitiers, Grandes Chroniques de France, v. 1375-1380, Paris, Bibliothèque nationale de France. © Photo Josse/Leemage

Le nez au milieu de la figure est vraiment la partie du visage la plus difficile à repérer.

Après avoir discuté de Masseube pendant plus de 3h avec Lionel dimanche soir, je viens de passer 1,5h sur un parking avec ma sœur à tenter de mieux comprendre le monde pieds-noirs dans lequel nous avons grandi.

Nous n’en avions pas eu l’occasion depuis plusieurs semaines.

Tout y est passé.

Les Algériens, les Français, les Pieds-Noirs. Et nous. Les enfants de nulle part.

Il y a, dans cette discussion, une petite anecdote qui mérite d’être racontée parce qu’elle montre à quel point les yeux ne cesseront jamais d’être grands fermés.

C’est pathétique. L’humour sauve tout, donc l’humour nous a sauvés. Nous avons bien ri. Mais après tant d’aveuglement, on est en droit de se demander s’il ne vaut mieux pas tout arrêter pour aller faire une bonne partie de ping-pong sous les platanes.

*

Je suis né à Nancy, elle est née à Poitiers.

Je ne suis resté que 3 mois à Nancy, le temps de commencer à faire mes nuits. Ma sœur plaisante alors et me demande ce qui m’a pris d’aller naître là-bas, que vraiment, ça n’a aucun sens dans le chemin biscornu de nos racines.

Je lui fais remarquer qu’une partie de la famille paternelle arrive de Château-Salins d’où elle émigrera vers l’Algérie  en 1871. Que je suis donc retourné naître sur les lieux des mes ancêtres. Rien que ça.

Le nombre d’Alsaciens Lorrains ayant émigré en Algérie serait, d’après les statistiques, de plus de 34.000 pour la période de 1830 jusqu’au début du 20e siècle. Ce chiffre approche celui donné par Fabienne Fischer qui note également que l’Algérie a de tout temps attiré les populations alsaciennes et très secondairement celles de la Lorraine. Le rapport entre les deux régions est d’environ un quart-trois quarts. (voir l’article détaillé du CDHA)

Et bêtement, je lui fais remarquer à mon tour qu’elle est née à Poitiers et que ça n’a pas grand chose à voir avec notre histoire. Détrompe-toi, me répond-elle, Charles Martel a arrêté les « Arabes » à Poitiers.

J’en reste bouche bée. Et puis j’éclate de rire.

C’est plus profond que ça n’en a l’air. Mes parents sont allés s’installer sur une « ville frontière », à la limite entre le monde arabe et le royaume des Francs. Là où les habitants ne sont ni l’un ni l’autre, ou à la fois l’un et l’autre.

Comme dans n’importe quelle ville de l’Algérie française ; à la fois française et algérienne, mais ni tout à fait française ni tout à fait algérienne.

Ça laisse rêveur :

  • Partir à Nancy pour faire le premier enfant ;
  • Rejoindre Poitiers pour y concevoir le second ;
  • Ne pas voir que son frère est né à deux pas de Château-Salins ;
  • Ne pas voir que sa sœur est née dans une ville hautement symbolique ;

Il y a de quoi se poser des questions sur l’inconscient de chacun et sur l’aveuglement de tous.

Il y a surtout de quoi avoir envie de faire une bonne partie de ping-pong.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

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