Dans son remarquable livre « Oran, histoire d’une ville », Houari Chaila est d’une grande honnêteté avec le théâtre municipal.
Glorifié sur tous les sites qui vantent les charmes de la ville, Il l’est parfois en dépit du bon sens.
« Sur la Place du 1er novembre 54, on voit un monument. Son style fait aujourd’hui sourire ; pourtant, sa façade, nullement changée, ses deux coquets clochetons à jour, son balcon à colonnades, offrent encore au regard quelque grâce, sans doute surannée mais qui vaut bien les surfaces plates et les grands cubes de style impersonnel reproduits maintenant à des millions d’exemplaires, dans toutes les villes du monde ».
Tout est dit dans cette longue phrase. Il y a d’abord et avant tout la remarque préliminaire : ce théâtre fait sourire. En effet, je crois que c’est le premier monument (après la cathédrale) qui me soit resté gravé dans les yeux par son côté rococo complètement incongru dans le paysage.
On se demande vraiment ce qu’un tel monument vient faire à Oran. Ça n’a aucun sens. C’est un peu comme le style romano-byzantin de la cathédrale. Si un jour, ce théâtre est transformé en bibliothèque, il l’aura bien cherché.
Là où Houari Chaila n’a pas tout à fait tort, c’est qu’il vaut mieux ça que la Cité Perret. Mais de là à construire un monument romain du XVIII°S, il y a une marge que les colons français auraient peut-être pu se dispenser de franchir. Il ne manque plus que la fontaine de Trévi, Marcello et le plongeon d’Anita.
Fermons les yeux cependant et offrons-lui une chance de s’en sortir : ce qui donne tout son charme à la bâtisse, c’est qu’elle a décidé d’être coquette devant les lions de la mairie. Voilà qui est dit.
Mais c’est encore Houari Chaila qui sauve le mieux notre théâtre ; il cite tellement d’artistes algériens qui foulèrent les planches depuis l’inauguration du 10 décembre 1907, qu’il nous rend finalement sympathique un bâtiment totalement anachronique.
« Dès les années 40, les troupes musulmanes s’y produisirent, à la grande satisfaction des algériens où ils apprécieront Bachtarzi, Touri, Rouiched et de nombreux autres artistes de talent. Après l’indépendance du pays, le théâtre continua pendant au moins deux décennies d’être le temple de la culture, avec Abderrahmane Kaki, Abdelkader Alloula et Sirat Boumédiène. »
Je ne me sens pas très fier subitement. Je ne connais personne. Il va très vite falloir que je me mette à la page.
Ça m’apprendra à dire des méchancetés sur un théâtre qui ne le mérite pas.
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?).
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PS : Voir l’article de Hafid Boualem sur le théâtre d’Oran pour un descriptif plus détaillé en vidéo – Charles Brouty a aussi dessiné le grand théâtre, mais il y avait, me semble-t-il, un regard critique derrière chaque dessin.