La foi soulève les montagnes, parait-il.

A Santa Cruz, la foi permettait tout juste de gravir le Murdjajo jusqu’à la chapelle, et encore, à genoux.

La plus grande procession avait lieu le jeudi de l’ascension, mais le 15 août avait aussi ses fidèles. Le petit dessin de Santa Cruz que j’ai mis en illustration arrive tout droit d’un témoignage extrêmement pieux et touchant dont je reproduis ici une partie.

« Seigneur, rien n’est hasard et en mettant la main sur le livre qui nous parle d’Oran, comme une fleur couronnée d’épines, j’ai voulu respirer encore une fois le parfum de mon pays, mon enfance, mon adolescence, ma vie de femme. J’ai très mal et ce souvenir ne s’est jamais effacé de mon esprit et, tel un parfum envoûtant, plus je le respire et plus je défaille.

Et plus je défaille et plus je rêve que je suis encore dans ma ville natale avec tous les miens enterrés là-bas, mon père et mes grands-parents. Là-bas où je revois ma Vierge de Santa Cruz, où chaque 15 Août je montais avec mon cher papa les douze stations pieds nus en priant et en chantant. »

La religion a tellement  été malmenée au cours de l’Histoire qu’on finit par oublier qu’elle permet de tourner le regard vers l’intérieur. Elle n’est pas qu’une histoire de vie après la mort et de résurrection, elle est surtout la possibilité de faire taire le monde pour écouter une voix intime.

Je l’écris d’autant plus facilement que j’ai à peine été baptisé, que j’ai enduré une année de catéchisme à mourir d’ennui, et que j’ai du aller trois fois à la messe dans toute ma vie.

Par contre, j’ai lu les Évangiles et je les relis de temps en temps pour le plaisir de retrouver une voix unique. Je me promène aussi dans les églises et je dépose des cierges pour des personnes qui me sont chères. Je pousse même le vice jusqu’à demander au Christ (dont je n’ai ni mangé le corps ni bu le sang) de me donner la force d’affronter certaines difficultés de la vie. Pas tout le temps, mais ça m’est arrivé.

Alors je suis forcément touché par la ferveur de certains Oranais pour la petite Vierge de Santa Cruz, aussi bien à Oran avant 62, qu’à Nîmes à partir de 65. Il y a des renseignements un peu partout sur Internet mais on trouve l’essentiel sur une page aujourd’hui inaccessible du site de JC Pillon qui est une référence absolue dans le monde des rapatriés d’Oran architectes de sites mémoriels.

Le souvenir commun du pèlerinage de Santa Cruz

Ce témoignage de H.G. « l’aimée de Dieu » est probablement plus proche de ce que ressentaient la majorité des oranais le jour de l’Ascension.

« Les souvenirs que j’ai gardés de cette enfance passée à Oran, sont surtout ceux que tout enfant grave en sa mémoire. C’est-à-dire les souvenirs les plus gais et distrayants.

Pour nous, les enfants, c’était SANTA CRUZ ! Pour nous, le nom symbolisait la fête. Nous regardions, les jours avant, nos mamans préparer le repas froid que nous allions emporter. Ma mère très catholique fervente prenait à coeur ce pèlerinage que la tradition voulait que l’on renouvelle chaque année pour l’Ascension. D’ailleurs nous disions c’est « la fête de Santa Cruz ». Nous y montions avec nos parents, c’était la tradition. De pieux pèlerins s’y rendaient.

La basilique de Santa Cruz un jour (d’Ascension ?) de 1950

Une partie de la population commençait à y monter de nuit, la veille, à la lumière vacillante des cierges, par des sentiers choisis. Beaucoup de femmes effectuaient le parcours à genoux en se frappant la poitrine en signe de repentance. Je me souviens encore que ces scènes frappaient mon imagination d’enfant… Les jeunes étaient impressionnés, les vieux étaient animés de la même foi ardente. Tous chantaient « l’Ave Maria » avec chaude dévotion. L’ambiance mystique qui régnait étaient telle que les miracles auraient paru naturels.« 

Les pèlerinages de Santa Cruz reprennent à partir de 1965, lorsque la Vierge est rapatriée à Nîmes. Si j’en crois JC Pillon , il y a plus de 200 000 personnes les premières années. La Vierge s’en va même faire une excursion à Alicante en 1968 parce que les espagnols sont en manque. Ils finiront par se fabriquer une réplique. En 2001, il y a encore 80 000 pèlerins à Nîmes. En 2012, je n’en sais rien, mais si j’en crois cette vidéo, il y a toujours du monde.

Santa Cruz à Lourdes

Et d’autres, vraiment très croyants, vont à Lourdes au 15 août. C’est sur cette page pour l’année 2011.

Plus de détail sur les Oranais à Lourdes dans cet article de la Provence

« Nous étions tous les jours présents au sanctuaire, nos 3 bannières et la pancarte ORANIE, comme oriflamme, toujours en tête de toute messe ou procession.

Comme chaque année, nous avons prié pour nos défunts à l’église paroissiale et au cimetière… où sont enterrés prêtres et fidèles oranais, le Chanoine Caparros, Mlle Clauzel, organisatrice des voyages en provenance d’Oran, elle même miraculée de Lourdes.

Cette année, une innovation. Chaque groupe de pèlerin devait amener une croix qui serait plantée à l’entrée de l’un des accès au sanctuaire. Toutes les paroisses seraient ainsi réunies, c’est Henri Mongrenier qui fût chargé, entre autre mission, pour la Paroisse Oranie, de faire réaliser cette croix qui se devait d’être « la plus belle » !!… Pour ce faire, il s’attacha les services de Manuel Florentino de Marignane.« 

Les Oranais étaient en grande partie espagnols, et les Espagnols en grande partie fervents chrétiens. Je soupçonne que la Vierge les a beaucoup plus soutenus mentalement que n’importe quelle association de rapatriés.

Finalement, ce qui m’étonne le plus dans tout ça, c’est le commentaire final d’un court reportage ci-dessous : « … un passé transmis à leurs enfants (!!!!! sérieusement ????), de plus en plus mobilisés chaque année lors du pèlerinage de Santa Cruz. »

Je pense que c’est juste un problème de lunettes mal réglées.

Je conseille Afflelou.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

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