L’été dernier, je suis allé passer une semaine à Salamanque.
J’ai pas mal dormi parce que j’étais épuisé. J’ai parfois surgi de ma léthargie pour errer quelques heures dans la ville, mais pas tant que ça.
Le dernier jour, enfin reposé, je me suis lancé dans une longue promenade et j’ai atterri devant la vitrine d’un magasin de souvenirs où se trouvait la photo ci-contre.
J’en suis resté bouche bée pendant 10 minutes.
J’ai fini par aller voir le bonhomme à l’intérieur pour lui demander si c’était une blague ou si ça existait vraiment. Son regard s’est illuminé, il est sorti sur le pas de la porte et m’a montré la cathédrale. « En haut à gauche, presque au niveau de la grande porte d’entrée. » (En espagnol évidemment… et pas très compréhensible).
Je l’ai remercié et je suis parti à la rencontre de ce mystère, fortement intrigué.
Il y avait donc un astronaute sculpté sur le portail de la cathédrale ? Je n’arrivais pas du tout à comprendre cette incongruité. (A noter que la mésaventure a dû arriver à beaucoup de monde. Elle est racontée sur cette page dans des termes quasiment identiques)
Il a fallu que je le vois de mes propres yeux pour me persuader qu’un truc pareil pouvait exister. Je confirme donc : il y a un astronaute sculpté sur le portail de la cathédrale de Salamanque.
Il faut bien comprendre ce que cela implique : soit les sculpteurs de la fin du Moyen-Age avait des connaissances visionnaires, soit des restaurateurs actuels se sont amusés avec leur patrimoine. Il n’y a pas trop le choix.
Pour dire à quel point je suis formaté, je n’imaginais pas un seul instant qu’un restaurateur puisse se permettre ce genre de blague. Donc j’optais pour le mystère absolu de la prémonition. Après tout, il m’est déjà arrivé de faire un rêve prémonitoire, ma mère devinait parfois deux ou trois jours à l’avance la mort de certaines personnes célèbres, et ma grand-mère recevait souvent des messages de l’au-delà en provenance de sa grand-mère enterrée dans le cimetière juif de Tlemcen.
Il me paraissait donc plus sage d’opter pour l’hypothèse d’un sculpteur visionnaire que pour celle d’un restaurateur facétieux.
Jusqu’à ce que j’apprenne qu’on n’avait pas de photographies de cet astronaute avant la restauration de la cathédrale en 1993. Donc l’hypothèse du sculpteur visionnaire tombait à l’eau et je devais maintenant envisager le cas tout à fait troublant d’un restaurateur iconoclaste.
Ce n’est pas banal.
Il faut s’imaginer un type planqué derrière les plastiques de son échafaudage et secoué de petits rires à l’idée de la blague monumentale qu’il est en train d’adresser à la Terre entière : Sculpter un astronaute sur le portail de la cathédrale de Salamanque.
J’ai fini par éclater de rire.
Il faut faire très attention avec la restauration. Il y a le danger de la muséification. L’Egypte pharaonique derrière les vitrines, c’est beau, mais c’est mort. Un petit astronaute de rien du tout sur le portail de la cathédrale de Salamanque, ce n’est pas rien, c’est une parole joyeuse qui signifie :
je suis bien vivante, mon peuple s’amuse avec moi.
J’espère qu’Oran saura s’amuser avec son église Saint Louis.
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?).