Quelle belle photo.
Parfois, j’écris de faux articles.
Des articles dans lesquels je fais semblant d’aborder certains sujets pour mieux me promener dans d’autres, qui sinon, ne trouveraient jamais leur place.
C’était le cas de manière très évidente avec l’article sur les cartes postales ou les bains de la reine.
Je me lâche, et du coup, je perds plein de monde parce que je ne parle plus d’Oran. C’est assez logique.
Et c’est trop tard.
C’est ça Internet : on passe une fois. Si c’est bien, on reste ; sinon on s’en va et on ne revient jamais.
On n’a pas vraiment droit à l’erreur.
Donc je vais perdre plein de monde aujourd’hui parce que j’ai davantage envie de parler de la photographie que d’évoquer la ville d’Oran.
Il y a quand même un rapport, je rassure le lecteur : Antoine Martinez est un peintre de la région.
« Antoine Martinez naît le 11 Juillet 1913 à Oran (Algérie) dans le vieux quartier espagnol, d’un père boulanger. Très tôt, il est attiré par la peinture et le dessin :
à 10 ans il couvre les murs de la cour de la boulangerie de grands dessins au charbon de plus de 2 m de haut ;
à 12 ans il fait le portrait à l’huile de sa grand-mère et prend ses premières leçons de peinture.
À 14 ans, il entre aux Beaux-Arts d’Oran où son professeur, étonné par sa précocité picturale, lui conseille d’aller se former à Paris. »
C’est sur le site de l’Association autour du peintre Antoine Martinez.
Et à 36 ans, il se marie avec Alice.
*
Hier je me demandais comment je pourrais aborder la guerre. Parce qu’il faudra bien un jour que je regarde à quoi ressemblait Oran pendant la guerre. Et je me disais qu’il était hors de question que je la regarde par l’œil du 19 mars ou du 5 juillet.
Que ces deux cadres là me donnaient accès à une certaine forme de réalité historique, mais qu’ils m’empêchaient aussi d’accéder à autre chose.
Parce qu’il y a toujours autre chose que la réalité historique.
Il y a ce qui se trouve sur la photo dans le regard d’Antoine Martinez pour sa femme.
Une violence sans fond qui est la violence de l’amour tragique.
Une violence que je n’ai retrouvée qu’une seule fois dans une œuvre : Bodas de sangre, de Carlos Saura.
C’était ma professeur d’espagnol du lycée de Pau, Mme Barré, qui nous avait amenés voir le film.
Il m’a beaucoup marqué.
Je l’ai retrouvé il y a quelques années sur Internet, et je l’ai aujourd’hui en dvd.
C’est l’histoire la plus tragique du monde. La plus éternelle. Et la plus violente.
Et c’est probablement la seule manière pour moi d’aborder Oran pendant la guerre.
Mais je n’ai pas encore ce regard.
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)