Quel étonnement lorsque j’apprends hier qu’il existe une collectivité territoriale pieds-noirs.
Il y a deux ou trois semaines, je découvre déjà avec une certaine surprise l’existence de Carnoux-en-Provence suite à un message d’Hubert Ripoll qui annonce sa présence dans la ville le 29 septembre, accompagné de Jean-Jacques Jordi.
C’est un ami qui me fait passer le mail en rajoutant deux phrases « Pour info au cas où tu ne l’aurais pas reçu. Dans l’emblématique ville PN de Carnoux ! »
Emblématique de quoi ?
Honte sur moi, je ne connais pas l’emblématique Carnoux-en-Provence.
« …avril 1957, MMr Prophète et Cabanieu entrepreneurs venant du Maroc découvrent 270 ha de vignes et garrigues au cœur du triangle Aubagne, La Bédoule, Cassis et initient le processus qui aboutit à la création d’une 119° commune dans le département des Bouches du Rhône : Carnoux-en-Provence.
[…] En effet à la suite des évènements ayant bouleversé la situation des Français au Maroc, une poignée de pionniers avait pour idée de bâtir une ville nouvelle sous le soleil de la Provence avec déjà une vision de ce que serait à terme l’emplacement géographiquement stratégique de Carnoux en regard des liaisons autoroutières vers Marseille. «
C’est sur le site officiel de la ville. Une ville de rapatriés.
Et c’est le grand retour des pionniers.
Bien sûr. J’aurais dû m’en douter.
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De son côté, la Collectivité territoriale des pieds-noirs se trouve sur le domaine des Julhans, 13380 Roquefort-la-Bedoule, dans les Bouches du Rhône.
Son histoire est plus cocasse.
« Au temps de l’Algérie Française, des caisses d’allocations familiales ou de sécurité sociale avaient acheté des propriétés en France afin d’envoyer en colonies de vacances les enfants des assurés Français d’Algérie. Lors de l’indépendance, toutes ces propriétés ont été dévolues à l’Etat algérien. Il existe ainsi en France plus de 500 propriétés appartenant à l’Etat algérien.
La propriété du « Chateau de Julhans » à Roquefort-la-Bedoule (13830) avait été achetée par une caisse de sécurité sociale ou d’ A.F. de Constantine. Après l’indépendance, cette propriété n’a jamais été occupée par les Algériens, à l’exception d’un gardien algérien vivant sur place. L’Etat algérien ne paie ni eau, ni électricité, ni aucun impôt. »
Je n’ai pas du tout l’intention de lancer une polémique sur ce blog, donc j’invite tout le monde à se déplacer sur le site et surtout à lire les commentaires. Je préciserai juste que le terme « squatté » utilisé entre guillemets un peu partout signifie défendre bec et ongles (et un peu plus) ce territoire. Un article plus documenté se trouve sur cette page. A lire.
Un article du Nouvel Observateur impossible à retrouver s’intitulait : « ces pieds-noirs pour qui la guerre n’est pas finie » parce que les pieds-noirs défendaient ce lieu de manière particulièrement spectaculaire.
Mais le spectaculaire n’a qu’une importance très limité. Chacun tirera ce qu’il voudra de cette histoire.
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Et puis subitement, j’ai pensé à San Ramón de la Nueva Orán, en Argentine.
Voilà un Espagnol (Ramón Garcia de Leon y Pizarro) qui a fondé cette ville l’année 1794 en apprenant que l’Espagne venait de céder Oran au dey d’Alger deux ans plus tôt. La perte d’un territoire entraîne parfois le besoin de sa refondation, ailleurs.
C’est l’effet pionnier. On perd un territoire d’une manière ou d’une autre, poussé dehors par la misère comme les Caracoles ou par la guerre comme les pieds-noirs, et on s’en va en fabriquer un autre un peu plus loin.
Tant que ça va vers l’avant, tant que les personnes se défendent bec et ongles, tant que Carnoux organise des voyages au Brésil, c’est qu’il y a de la vie.
C’est toute la différence avec d’autres pieds-noirs sur lesquels je suis tombé en cherchant « gouvernement pieds-noirs » sur Google.
3ème résultat en partant du haut : « réserve indienne des pieds-noirs ».
Pour eux, c’est fichu.
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)