Oran – Plaque du Fort de Santa-Cruz (photo credit :  Josihen)

Les coiffeurs sont des malins.

Celui d’hier m’a dit « entrez, je vous en prie ! » et je suis entré.

Je croyais que c’était pour tout de suite. Pas du tout ! Il y avait un type caché derrière moi.

J’ai attendu une demi-heure là où je croyais passer dans la foulée.

Heureusement, je suis plus malin que les coiffeurs, dans une intuition fulgurante et prémonitoire, j’avais rapidement pu glisser dans mon sac Oran et Mers el Kebir avant de fermer ma porte.

Et c’est ainsi que j’ai appris que le Fort de Santa Cruz était en fait très mal fichu sur le plan militaire. Comme d’habitude, j’ai ouvert le livre au hasard et je suis tombé sur une note de bas de page (qui fait quand même les 3/4 de la page, mais passons) et qui révèle le profond désarroi d’un certain Général Vallejo devant le Fort construit par son peuple à la fin du XVI°S.

Oran – Fort de Santa Cruz (vue orientée vers Mers el-Kebir) – Crédit photographie : Amazighland

Je cite, ça vaut le coup : « Il est construit au sommet de la montagne qui domine totalement la ville sur une éminence étroite ; aussi son enceinte est très réduite et sa forme très irrégulière ; il ne possède pas de flancs pour sa défense ». Déjà, on sent que quelque chose cloche.

Je continue. « On le croit imprenable, à cause de l’élévation du rocher qui lui sert de base ; mais on ne considère point qu’il est en contrebas de la Meseta voisine qui se trouve à portée de fusil et contre laquelle il ne peut braquer ses batteries pour résister au tir de l’ennemi. Il est facile de ruiner ses murailles, comme on l’a vu il y a deux ans, en 1732. »

Le pire est à venir. On a essayé d’arranger la catastrophe ; on n’a fait qu’accentuer le désastre : « Pour remédier aux défauts constatés à cette époque, les ingénieurs ont projeté de construire un ravelin en face de la Meseta et de creuser un profond ravin dans le roc vif.

Ces défenses cependant seront peu efficaces et n’auront d’autre effet que de réduire l’enceinte de ce fort qui, après l’exécution des travaux projetés, ne pourra plus guère contenir plus de 200 hommes (son ordinaire garnison en temps de paix) avec des magasins de vivres, d’armes et de munitions.« 

Le fiasco total, en somme. La note continue mais je m’arrête là, par compassion. On ne tire pas sur une ambulance.

Il servait à quoi en fin de compte, ce Fort ? A avoir une vue imprenable sur la baie d’Oran, sur celle de Mers El Kebir et même sur l’intérieur des terres. A profiter du paysage, au fond, parce que les ennemis n’attaquaient pas tous les quatre matins.

Les plantons devaient sérieusement s’ennuyer, mais ils s’ennuyaient devant la baie d’Oran.

Il y a pire destin.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?).

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NB : En novembre 2012, je découvrais qu’un de mes ancêtres, Edmond Souleyre, jeune frère de ma grand-mère, était mort dans le Fort de Santa Cruz lors du débarquement américain du 8 novembre 1942. Voir l’article sur les Américains à Oran. Et à propos du débarquement des Américains à Oran et de leur présence en Algérie pendant trois ans, voir le très beau livre de Alfred Salinas,Les Américains en Algérie 1942-1945, sans oublier de faire un détour par la très coquine rue de l’Aqueduc, interdite aux G.I.

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