Je me suis demandé comment traiter cette période.
J’avais le choix entre la manière sérieuse, la petite histoire, ou la très petite histoire, en décalage total.
La manière sérieuse est la plus largement traitée sur tous les sites, je m’imagine mal faire de la concurrence. Il faudrait que j’y passe un temps fou… pour proposer la même chose. Aucun intérêt.
La question était plutôt : la petite histoire ou la très petite histoire ?
Parce que j’ai matière à assurer les deux.
Rappel des faits : le 8 novembre 1942
Autant recopier les quatre premières lignes des préliminaires du livre d’Edgard Attias, elles ont le mérite d’être claires :
« Le dimanche 8 novembre 1942 aux premières heures de l’aube, une force anglo-américaine de 107 000 hommes à bord de 650 navires déferlait sur la côte algéro-marocaine. C’était l’opération « Torch ».
Il vous suffit maintenant de taper « opération torch + oran » dans Google et vous aurez tous les renseignements historiques voulus. Un conseil : allez plutôt dans Google Images que dans Google Recherche. Vous tomberez sur des choses beaucoup plus intéressantes, qui de toute façon, vous renverront sur des articles.
Il y a par exemple un plan très intéressant dont la légende tout aussi intéressante permet de se faire une idée de ce qui a pu se passer au niveau du port d’Oran. A noter que le débarquement des Américains, le 8 novembre aux aurores, ne se limite pas au port d’Oran (voir carte U.S.), puisque c’est aussi et surtout à Marsa-Bouzedjar, aux Andalouses, et sur la plage St-Leu (du côté d’Arzew) que les opérations se déroulent. Le but étant de débarquer l’infanterie qui doit se déployer et prendre Oran par le Sud.
Pour plus de détails voir les plans, les sites Internet, et Edgard Attias dans son livre.
Voilà pour la grande Histoire, les américains mettent quand même trois jours pour prendre Oran, du 8 au 10 novembre 1942.
La petite Histoire du Grand Débarquement
La petite Histoire, c’est toujours la Grande Histoire, mais vue par l’œil du pauvre gars pris dans les contradictions de la vie.
La petite Histoire, je la raconte, mais elle est triste. Comme tout ce qui peut se rapporter à la guerre.
Mon arrière-grand-mère Souleyre avait un fils, Edmond, mort le 9 novembre 1942, et qui a défendu Oran côté vichyste contre le débarquement américain. Il se trouvait au niveau de la batterie du Santon, dans le Fort de Santa Cruz.
Ce n’est pas simple, parce que sur la carte U.S. (à gauche) le Fort du Santon se trouve à Mers el-Kébir (et c’est le cas général en ce qui concerne cette dénomination sur Internet) tandis que sur la carte du port d’Oran (image de droite) on voit très nettement, au niveau de Santa Cruz, la « batterie du Santon ». Et ce n’est pas tout à fait illogique puisqu’en effet, on n’est pas loin de la porte du Santon, assez connue par ailleurs, et inscrite elle aussi sur la carte.
Peu importe. Edmond se trouvait dans le Fort de Santa Cruz et tirait sur les Américains pour tenter vainement d’empêcher le débarquement.
Le 10 novembre, c’était fini. Débandade totale. Plus personne dans le Fort Santa Cruz, à part les blessés et les morts. Seuls.
C’est mon arrière-grand-mère Souleyre qui dut monter au Fort pour retrouver son fils au milieu des morts et le redescendre afin de l’enterrer dignement. Meriem Souleyre, juive originaire de Tlemcen, était veuve de l’auvergnat Paul Souleyre, décédé le 16 avril 1940. Elle avait deux fils et trois filles.
Edmond Souleyre, 20 ans, de mère juive, défendait Vichy contre le débarquement américain.
Et puis la très petite Histoire
Edgard Attias a mon admiration pour cette qualité si peu partagée : l’amour des petites choses.
Son livre sur les Américains à Oran est à la fois un résumé documenté de la Grande Histoire et une collection éparse de petits témoignages divers et variés.
J’ai hésité à en reproduire plusieurs, mais il faut toujours savoir se freiner, et je me limiterai donc à une seule anecdote, courte, choisie de la manière la plus subjective qui soit : c’est ma préférée.
Elle est titrée : le match impromptu de Marcel Cerdan.
« Marcel Cerdan était à Oran pour combattre l’Américain Larry Cisneros, le 10 octobre 1943. Omar Kouidri avait été le 12 septembre précédent son adversaire à Alger et était venu lui rendre visite. Les juges du combat étant américains, Kouidri dit à Cerdan que s’il ne gagnait pas nettement, les juges auraient tendance à favoriser leur compatriote. (Il gagna par K.O. au 6ème round)
Après son match, il allait prendre le train pour repartir avec sa femme. Sur le quai, il s’absenta un court moment pour aller chercher quelque chose, et alors sept Américains cherchèrent à molester sa femme. A son retour, il les aperçut, fonça dans le tas et les mit K.O. tous les sept, les envoyant tous à l’hôpital.
Après cela, les Américains apprenant qu’ils avaient été vaincus par Marcel Cerdan, en tirèrent une espèce de fierté. (de Guy le Pommelet, Besançon) »
Le plaisir inégalable des anecdotes.
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)