Anisette Galiana (source : le coin de Carlos Galiana sur le site Oran des années 50)

Je n’ai plus bu l’anisette depuis une éternité.

Il y a des choses comme ça qui reviennent par hasard, dans des discussions ou des commentaires d’articles, et qui font signe.

La dernière fois, c’était Alicante. Aujourd’hui, c’est l’anisette.

Quand on prononce « anisette » devant moi, mon grand-père maternel surgit comme un fantôme. Je le vois autour de la petite table du salon ; il a le sourire. Un pâle ersatz de sa joie d’antan, je le sais.

Je ne vois pas d’anisette ailleurs dans la famille.

Aucun souvenir d’anisette chez mes grands-parents paternels, par exemple, mais je me trompe peut-être.

Partout ailleurs, l’anisette a disparu de la circulation. Comme la kemia, la soubressade ou les makroudes.

Pour la kemia, d’ailleurs, mon grand-père lui-même n’employait pas ce terme (ou alors je n’y ai jamais prêté attention). Soubressade et longanisse par contre, c’est lui.

Vicente Galiana Botella padre (source Carlos Galiana)

Je le revois même me traîner au marché de Perpignan, dans des espèces de halles en plein coeur de la ville pour désigner du doigt, chez un charcutier, la soubressade et la longanisse (le correcteur orthographique me fait pitié, il souligne en rouge tous ces mots barbares. Les traitements de texte ont encore beaucoup de choses à apprendre…)

Makroude, c’est ma grand-mère.

Un jour, un algérien m’a demandé ce que je ferai quand j’arriverai à Oran. Je lui ai simplement répondu : je partirai à la recherche des makroudes de ma grand-mère.

Dès que je vois un makroude qui se promène dans la rue, je l’arrête et je le goûte, dans l’espoir de retrouver celui de mon enfance. Sans succès. J’ai comme l’intuition que ce sera ma récompense oranaise.

Une anisette Gras ou Galiana ?

Mais revenons à l’anisette :

« Un apéritif à base de badiane titrant en général plus de 40 % vol. d’alcool, qui se boit allongé d’eau à l’instar du pastis ou de l’ouzo. C’est l’apéritif emblématique des pieds noirs. Les marques les plus connues sont l’anisette Gras, l´anisette Phénix, l’anisette Cristal Limiñana et le Super Anis – Galiana. Le plus souvent incolore, il est généralement plus sucré (jusqu’à 100 g/L) que le pastis. » (Source Wikipedia)

Bouteille ancienne Anisette Floranis Gras Export

L’anisette Galiana plus d’Oran est un apéritif comme le pastis ou le ricard, mais blanc.

J’ai cherché ce que pouvait bien boire mon grand-père : l’anisette Gras ? l’anisette Phénix ? l’anisette Cristal Limiñana ? ou le Super Anis Galiana ? 

En toute logique, c’est le Super Anis Galiana puisque Monsieur Galiana est d’Oran.

« C’est aux alentours de 1900 que l’on trouve la branche Galiana au complet établie à Oran, autour du Grand Café du Luxembourg (20, rue d’Orléans) tenu par mon grand-oncle Blaise (dit Blayet). Presque tous ses frères et soeurs ont acquis la nationalité française (Carlos, commandant de sous-marin, Marianne, institutrice, etc.) excepté mon grand-père Vicente qui crée sa première distillerie à Saint-Denis-du-Sig : « Anisados Galiana – Distillerie Sigoise ».« 

C’est sur le site de JC Pillon, comme d’habitude.

Étiquette de l’anisette Galiana actuelle (le coin de Carlos Galiana sur Oran des années 50)
Emplacement des usines Galiana à Oran Eckmühl (détail)

J’ai bien cherché dans ma mémoire avant d’aller sur Internet pour une confirmation. La première image qui s’est présentée était teintée de bleu et blanc.

Pourtant j’étais gêné parce qu’il y avait aussi du rouge. Mais où ? Sur l’étiquette ? En haut ? En bas ?… sur le bouchon ?

Oui ! Sur le bouchon.

Confirmation sur Internet : à Perpignan, mon grand-père buvait (probablement) de l’anisette Gras.

Et à Oran ? Je ne sais pas. Mais je doute. L’anisette Gras était d’Alger, non ? Peut-être n’y avait-il pas d’anisette Galiana à Perpignan. Il faut dire que les Galiana sont de la région d’Alicante.

Retour sur JC Pillon, je descend encore la page et je tombe… sur la photo du livre de Ramon Roca légendée « Anisado Galiana » St-Denis-du-Sig 1900.

Vicente Galiana à gauche – St Denis-du-Sig – Autour de 1900 (et d’une anisette Galiana…) – Photographie que l’on peut retrouver dans le coin de Carlos Galiana sur Oran des années 50

Décidément, le monde est petit. Encore Alicante. On n’en sort pas. Le Super Anis Galiana d’Oran arrive d’Alicante.

On dirait l’ouverture d’un océan, Oran qui se décroche d’Alicante et dérive sur la côte algérienne.

En géologie, on retrouve les mêmes espèces de dinosaures en Afrique et en Amérique du Sud parce qu’il y a 250 millions d’années, les deux continents n’en formaient qu’un.

Comme Oran et Alicante. Fut un temps, il n’y avait qu’une ville :

Alicanoran ou Oranicante.

Au choix.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?).

*

NB : En février 2013, Carlos Galiana, descendant de Vicente Galiana, est passé sur le blog pour me donner davantage de détails sur la famille Galiana. En fin de compte, étant donné que toutes les informations se trouvent déjà sur le site de Jean-Claude Pillon, j’ai préféré faire un article sur Carlos Galiana (qui vit à Alicante) et la mémoire oranaise, plutôt que sur l’anisette de son illustre ascendant. A noter que les bouteilles Galiana étaient fabriquées dans les Verreries d’Afrique du Nord, à La Sénia. Le père de Jean-Claude Pillon en était le comptable.



 

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