Ces derniers jours, Alicante est revenue à moi de manière assez inattendue.

Par la Vierge de Santa Cruz, par ma mère, par la sœur de mon père et par Juan Ramon Roca.

Commençons par la Vierge, ce sera le plus simple.

C’était lundi dernier, j’évoquais le voyage de La « Petite Murillo » à Alicante en 1968. Je me suis alors vaguement rappelé que la ville avait fait son apparition dans mes souvenirs les jours précédents mais je n’arrivais plus à savoir sous quelle forme.

Et puis je me suis souvenu de Juan Ramon Roca… et de ma déception.

J’étais tout content d’avoir trouvé un livre inconnu, venu d’ailleurs, mais racontant la même histoire que celle des mes ancêtres. J’étais encore plus content de voir qu’il en existait une version française, parce que si je baragouine un peu l’espagnol, je le lis très mal.

J’arrive même à trouver la librairie espagnole par laquelle je peux le commander sur Internet. J’envoie un mail en espagnol (pas peu fier !) et j’attends le retour.

Je n’ai pas attendu très longtemps. A peu près 18 secondes.

« Google tried to deliver your message, but it was rejected by the recipient domain. We recommend contacting the other email provider for further information about the cause of this error. The error that the other server returned was: 550 550 5.1.1 raices@telefonica.net recipient rejected (state 13)«

Je déteste cette prose profondément humiliante : raices@telefonica.net n’existe plus, allez voir ailleurs si vous pouvez trouver votre livre. Signé Google.

C’était déjà un miracle que je le trouve dans cette librairie espagnole. J’ai laissé tomber. Tant pis.

Mais c’est dommage parce que je sentais qu’il y avait une communauté de destins et j’avais envie de découvrir comment les Espagnols avaient vécu la chose. Ce sera pour une autre fois.

Je me pose avec un café, et je finis par me demander pourquoi j’ai tant fantasmé sur Alicante pendant une demi-heure, à la recherche du livre de Juan Ramon Roca.

Ce n’est pas normal. Il y a là aussi quelque chose qui se joue. Que signifie pour moi Alicante ?

Le port d’Alicante – Un petit air de Santa Cruz – Photographie Carlos Galiana

Je revois alors la lettre de ma mère. Celle que j’ai publiée il y a une quinzaine de jours et où elle raconte son départ pour Oran, en avion. Elle passe les Pyrénées, puis survole l’Espagne.

Et elle remarque à quel point Alicante est particulièrement bien visible.

Ce que je ne comprends pas alors (et que je comprends seulement maintenant, en l’écrivant, d’où l’importance de l’écriture) c’est qu’en survolant Alicante, elle vient d’entrer dans la région d’Oran. Si elle éprouve le besoin de dire « on voit particulièrement bien Alicante » c’est qu’Alicante fait partie d’Oran. Elle ne dit pas on voit particulièrement bien Saragosse. Ça n’aurait aucun sens. Elle dit à ses parents, « j’arrive bientôt, je suis à Alicante » .

Alicante : l’Oran espagnole

Je ne crois pas exagérer en intercalant ce titre. Alicante était oranaise. Oran était d’Alicante :

« L´ « Ipanéma » a ainsi déversé de nombreux touristes de descendance espagnole, de seconde ou même de troisième génération d’émigrés, issus des provinces de Valence, Alicante, Murcie et Alméria.

Au départ d´Oran, ces nouveaux français manifestaient leur désir de connaître enfin leur terre d’origine, et ce voyage fournit l’occasion d’aller faire un semblant de pèlerinage du côté du village de leurs aïeux.

Ainsi les agglomérations les plus proches comme Denia, Callosa de Ensarriá, La Nucía, Aspe, Monforte del Cid, Santa Pola, Orihuela, etc, pourront faire l’objet de visites aussi brèves qu’émouvantes, indépendemment du résultat obtenu dans les recherches d’un nom de famille, d’un quartier, d’une rue ou d’une maison qui n’a peut-être pas survécu. »

Ces traditions de « jumelages » ont l’air d’avoir cessé en 1936. Elles ont repris en 2007 :

« Tradition et beaucoup d’attentes. Le feu place de la Galice a pris hier un aspect de distinction lors des célébrations des Hogueras avec la reprise du défilé de la délégation d’Oran.

« Hoguera » d´Oran 1934 (2ème prix)

La présence du comité Algérien à l’offrande de fleurs a marqué le retour d’un acte signalé dans le calendrier des fêtes qui pour la première fois depuis 46 années est revenu faire partie des festivités de la ville.

Des centaines d’habitants d’Alicante ont assisté hier à ce défilé qui est parti depuis l’avenue Alfonso El Sabio jusqu’à la Cathédrale de San Nicolas pour y apporter son offrande particulière.

Avec cet acte Alicante a repris hier les relations étroites qui l’ont liée pendant des années avec la ville nord-africaine d’Oran dans la célébration de ses festivités traditionnelles.«

Belleza de la Foguera de Oran 1933 (Reine d’Oran) : Francine Figueredo – Damas de honor : Angela Alamo y Thérèse Ruiz
La Reine d’Oran et ses dames d’honneur défilent dans les arènes d’Alicante le 24 juin 1933

La sœur de mon père habite en Bretagne depuis les années 70. Je me rappelle très bien qu’au mois d’août, pendant bien 30 ans, elle n’avait qu’une idée en tête, descendre à Alicante pour y passer un mois. Elle disait toujours, là-bas, je suis sûre qu’il fera beau. C’est les vacances, je veux un endroit où il fait beau. Je pensais que c’était à cause de la Bretagne réputée pour ses précipitations.

30 ans plus tard. Je me pose quelques questions…

Pourquoi ce besoin absolu de passer tous les ans un mois à Alicante ?

Pour le beau temps ?

Tout à coup, j’ai comme un doute.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

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