Vicente Galiana Botella padre (source : Carlos Galiana)

Carlos Galiana est passé me dire bonjour sur le blog.

Pour le cas où certains auraient totalement perdu la mémoire, l’ancêtre Galiana est le grand prêtre de l’anisette à Oran, dans les années 50.

Il y a eu d’autres anisettes dans les années 20, avant le Super-Anis, si je lis bien ce qu’écrit Salinas dans son livre Quand Franco réclamait Oran : l’Opération Cisneros.

Il s’agissait de Brillant Anis («la première marque du monde» dixit la société Alfonso et fils), Paloma Anis et Joffrette de la rue de Mostaganem («reines des anisettes»), l’Anisette du Phénix de l’agence Albert Latil, et l’Andalouse (encore une «reine des anisettes»…)

Mais les Galiana jouissaient de la sympathie générale et avaient la faveur du Consulat d’Espagne :

« Le Consulat espagnol faisait appel aux services de Vicente pour produire les imprimés qui sous le nom très administratif de « sauf-conduits », vendus quatre-vingts pesetas chaque, servirent de titre de voyage et d’hébergement en hôtel pendant une semaine à des centaines de touristes oranais débarquant à Alicante pour assister aux festivités des Hogueras.«

On trouvera tout, absolument tout, sur le site de Jean-Claude Pillon, pour ce qui concerne les détails de l’anisette des Galiana. Je ne vais pas jouer le perroquet.

J’ai déjà un peu écrit sur le Super Anis Galiana au mois d’août, il faisait chaud, j’avais besoin d’une anisette. Et j’ai aussi parlé d’Alicante, la ville jumelle, où se trouve actuellement Carlos Galiana, descendant de Vicente.

Carlos Galiana est donc passé me dire bonjour sur le blog, très gentiment, histoire de me fournir davantage de précisions sur la famille Galiana.

J’étais vraiment content (et pas peu fier) lorsque je me suis rendu compte que ces informations se trouvaient un peu partout sur tous les sites. Normal. Il n’y a aucune raison de me les offrir en primeur, 50 ans après le départ, moi qui suis né en 69.

Carlos Galiana assure les relations publiques chez Galiana.

C’est sur son profil du site Oran des années 50, où l’on remarque que l’homme vivait du côté de Miramar, carrément sur le boulevard Front de mer, et que ses activités actuelles de préretraité (ou de retraité) sont innombrables : traductions ; lectures ; écriture ; musique ; relations publiques « Super Anis – Galiana » ; internet; photographie.

On le voit aussi donner son avis sur le Super-Anis et le trouver très bon : 5/5. C’est le minimum syndical quand on s’appelle Galiana et qu’on est chargé des relations publiques de la marque.

Etiquette Super Anis (Monforte del cid – Site interdit aux moins de 18 ans…)

C’est donc probablement la raison qui explique sa visite.

L’excitation retombe.

Mon ego surdimensionné en prend un coup, et puis après un carré de chocolat, je réfléchis et je me dis que tout va bien, l’avenir des Galiana est assuré, je ne vois pas pourquoi j’écrirais dessus, et surtout, je ne vois pas ce que je pourrais dire de plus que ce qui a déjà été écrit et sauvé pour l’éternité.

Tout le monde s’est penché sur Vicente, je vais donc plutôt me pencher sur Carlos.

C’est ma façon de faire, je suis enfant de pieds-noirs, ce qui m’intéresse, c’est la vie avant et après 1962.

Et notamment une certaine transmission.

Dès les années 60, Une partie de l’Oran des années 50 a cherché à survivre à travers des associations, d’abord pour améliorer les conditions de vie des repliés d’Algérie, ensuite pour ne pas perdre la mémoire d’une culture désormais sans terre, avec notamment la création assez rapide de l’Echo de l’Oranie dans les années 60, puis du Cercle Algérianiste en novembre 1973.

Je serais bien incapable de reconstruire la généalogie des associations pieds-noirs entre 1962 et 2000, mais ce dont je suis sûr, c’est que l’Internet du XXI° siècle a révolutionné le paysage mémoriel de la communauté.

Et la mémoire d’Oran sous sa forme française s’est retrouvée embarquée dans un second tourbillon.

Une personne du CDHA m’a confirmé il n’y a pas si longtemps que les Oranais étaient de très loin les pieds-noirs les plus actifs dans la mémoire de l’Algérie. Ça ne m’étonne pas. Peut-être que je cherche mal, mais je n’ai pas l’impression qu’il y ait l’équivalent de Edgard Attias, Jean-Claude Pillon ou Danmarlou à Alger, Constantine ou Philippeville.

Internet a boosté la mémoire oranaise. Peut-être est-ce la raison qui permet à un blog comme celui-ci d’exister sur Oran plutôt que sur Alger. On a tout ce qu’on veut depuis son salon.

Alors je suis allé voir le coin de Carlos Galiana sur Oran des années 50.

Couverture du guide de tourisme en Oranie édité par le Syndicat d’Initiative d’Oran en 1920. (source photo)

Très naïvement, je pensais qu’il y aurait surtout du Galiana ; j’ai rapidement constaté mon erreur : 27 images seulement sur 153 sont consacrées à ses ancêtres.

Carlos ne fait donc pas tant que ça dans les relations publiques (ou alors c’est vraiment très subtil et je lui tire mon chapeau).

Il est aussi poète (ou plus exactement, traducteur), mélomane, amateur de Simca et de billets de banques (moi aussi), d’Histoire, et de tourisme en Oranie.

Il y a d’excellents documents, notamment un guide du Syndicat d’Initiative d’Oran (vert avec un magnifique Belvédère en illustration) qui fait 37 pages et qui mérite le détour. On y apprend énormément de choses.

Carlos Galiana donne ce qu’il trouve dans les tiroirs de ses ancêtres, non pas pour la mémoire de l’illustre Galiana, mais pour celle d’une époque, d’un lieu, d’une ville, comme beaucoup d’autres l’ont fait dans cet incroyable coffre à trésor qu’est le site de Danmarlou.

Je me demande s’il existe une seule ville en France,  quelque part sur la Toile, qui possède autant d’archives particulières que ce site, en accès libre. Un travail identique sur Bordeaux serait juste impossible.

Carlos Galiana aurait pu en faire des tonnes sur l’anisette des ses ancêtres. C’est Jean-Claude Pillon qui s’en est chargé à sa place.

Dans son coin chez Danmarlou, Carlos Galiana s’est juste contenté de contribuer à une meilleure connaissance de l’Oranie française.

Carlos Galiana n’est pas qu’un commercial. Il a aussi une mémoire. C’est une vraie chance.

Il faut bien qu’il y ait un peu de chance quelque part.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?).

*

NB : je remercie bien sûr Carlos Galiana d’être passé sur ce blog pour y laisser un commentaire. Je le remercie aussi d’avoir permis la publication de ce texte. Je rajoute pour finir, et avec son autorisation, quelques paroles fortes et significatives extraites d’un de ses mails évoquant l’importance des archives du site de Danmarlou, Oran des années 50.

« Ces archives se doivent d’appartenir à notre patrimoine commun, pour s’y fondre et être consultées par les générations successives. Dans notre malheur historique, nous avons tissé des liens pour mieux nous connaître et nous reconnaître. Soyons certains que le Vent de l’Histoire ne pourra jamais balayer tant et tant de témoignages en tous genres. Et quelle meilleure façon de rendre hommage à nos courageux et dévoués ancêtres qu’en les inscrivant dans l’écorce mémorielle du XXIème siècle ? » (Carlos Galiana)



 

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