La rue d’Arzew depuis le Bd Clémenceau

Lorsque ma grand-mère maternelle est morte, j’ai retrouvé dans ses affaires une enveloppe kraft sur laquelle étaient écrits deux mots : « Oran d’aujourd’hui »

Ces deux mots m’ont à peine intrigué à l’époque et je les ai laissés de côté.

Mais l’autre jour, en préparant mes affaires pour quelques jours de vacances, je suis retombé dessus et je me suis dit qu’il allait quand même falloir que je jette un œil sur l’intérieur de cette enveloppe.

Et je l’ai prise avec moi, au milieu de pas mal d’autres choses.

De quoi s’agit-il ?

Ce sont cinq articles du journal local de Perpignan, l’Indépendant, qui s’étalent du lundi 19 mars au vendredi 23 mars 1979. Le titre général repris chaque jour s’intitule l’Algérie de Chadli, les articles sont signés d’un certain A. Vasal, et les cinq épisodes portent les titres suivants :

1 – La Marine d’Oran en ruines
2 – Oran d’aujourd’hui
3 – La crise du logement
4 – Le drame des nationalisations
5 – Une nouvelle orientation politique ?

Quand on y regarde de plus près, c’est un mélange de nostalgie et de regard critique sur la ville d’Oran telle qu’elle apparait en 1979, un œil orienté vers le passé colonial et l’autre vers l’avenir algérien d’après Boumediene dont l’immense portrait flotte encore sur la façade du théâtre de la Place d’Armes.

Je reviendrai peut-être sur ces articles de temps en temps parce qu’ils me donnent un aperçu de la ville intermédiaire entre 1962 et 2012.

Je vais par exemple citer un paragraphe du premier article qui ne se limite pas à la Marine mais qui se promène plus loin, jusqu’à la rue d’Arzew.

 

« Et voici la rue d’Arzew, que des milliers d’Oranais ont empruntée, de long en large, pour « faire le boulevard ». Demandez la rue Larbi Ben Medhi à un algérien et il vous regardera avec des yeux tous ronds. Il la connait mieux sous le nom de rue d’Arzew.

D’ailleurs, bien avant l’Indépendance, les autorités françaises l’avaient rebaptisée rue Général Leclerc. En pure perte ; elle est et restera toujours la rue d’Arzew pour les algériens comme pour les « Pieds noirs ».

Dès la sortie du lycée ou du travail, tout le monde se retrouvait sur cette artère commerçante, véritable poumon de la ville. Les « snobs » se donnaient rendez-vous au « Clichy », dont le propriétaire, M. Bory, est toujours là-bas ; ses deux filles se sont illustrées dans la natation française.

C’est là aussi que l’on pouvait apercevoir les gloires sportives locales comme Alain Gotvalès. Il est vrai que le Clichy se trouvait très exactement au « confluent » du lycée de garçons Lamoricière, du lycée de filles Stéphane Gsell, de l’école Jeanne d’Arc et du cours privé Descartes.

Les « Trois Nymphes » occupent toujours la façade de l’école Jules Renard. Les cinémas « Le Régent », et à deux pas de là, « Le Colisée » sont plus florissants que jamais. Ils font pratiquement salle comble à chaque séance.

Bien sûr, on y donne des films égyptiens, parfois sous-titrés, mais la plupart du temps ce sont des films occidentaux et même américains, parlant français. »

 

Ma mère est retournée à Oran en 1982, mon père en 1983. Rien n’avait vraiment changé.

Mon père y est retourné en 2010. La ville était devenue méconnaissable.

1979 est encore proche de 1962. Je ne suis pas sûr que pour un Algérien d’aujourd’hui, la différence entre une description de 1962 ou 1979 soit flagrante.

Hormis le portrait de Boumediene sur la façade du Théâtre de la Place d’Armes.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)

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