J’ai très vite entendu parler des Sénéclauze.
Sans savoir que j’en avais dans le coin, vers Bordeaux.
A Oran, les Sénéclauze, c’était place Hoche et surtout rue Kimburn. Beaucoup de bruit et des odeurs.
C’est Tarambana qui raconte, sinon je n’y aurais pas pensé. A force de regarder des photos, je perds le sens de l’odorat.
« Cette rue empestait le pinard. Les fois où je retournais à mon immeuble de naissance, où résidait un oncle maternel, je m’efforçais de longer rapidement les rives des Caves en retenant mon souffle. »
J’aime beaucoup le blog de Tarambana.
Toujours très personnel, beaucoup de remarques fines et drôles, une grande sensibilité. Les informations objectives passent toujours par le filtre des cinq sens. Peu de nostalgie nocive. On est tiré vers le haut.
La preuve ? Un magnifique dessin de Brouty sur la place Hoche qu’il préfère à la carte postale. En n’oubliant pas de mettre sa maman en premier. Parce que c’est par là que tout commence.
Il n’y a que les photos qui clochent. Problème de définition. Je ne sais pas pourquoi parce qu’elles arrivent d’ailleurs et ne devraient pas être à ce point abîmées.
Donc pour le dessin de Brouty, il faudra voir JC Pillon, toujours impeccable (mais moins sensible que Tarambana) qui n’est pas de St-Pierre mais de la rue Lamartine, près de la vieille mosquée, de l’autre côté de la rue d’Arzew.
A force de regarder les photos, je perds aussi le sens auditif. La rue Kimburn faisait pas mal de bruit, semble-t-il.
« Mais surtout, rue Kimburn, il y avait de grands entrepôts appartenant à l’entreprise Sénéclauze qui fabriquait des fûts à vin. A longueur de journée nous entendions les ouvriers cercler ces fûts à grand coups de marteaux. C’était tellement habituel que cela ne nous gênait pas. » (Marcel Sevilla sur la page de Villedoran.com)
Les Sénéclauze faisaient partie du décors. Ils puaient et faisaient un bruit pas possible, mais tout le monde en garde un merveilleux souvenir.
Et pendant que les enfants jouaient avec les pignols, Pierre Sénéclauze voyait loin et grand.
« La crise de 1929 sonne le glas financier des Feuillerat qui sont contraints de mettre le Château en vente. Il est acquis en 1935 par Pierre Sénéclauze, le père des propriétaires actuels.
Dynamique et respectueuse de la tradition, la famille Sénéclauze, déjà investie dans l’exportation de vins d’Algérie de grande qualité, saura faire les bons choix en confiant les rênes du domaine à leurs directeurs qui se comptent au nombre de trois à ce jour : Alexandre Tolo, Jean-Pierre Hugon de 1974 à 2008 et Ludovic David depuis le 1er janvier 2009. »
C’est la plaquette familiale du Château Marquis de Terme, Grand cru classé. Commune de Margaux. Ça ne plaisante pas.
Ils se sont même inscrits sur Facebook le 14 septembre 2012.
Attention les yeux : 41 « J’aime » en trois mois, quand ils vont sortir l’artillerie marketing, on ne va plus les arrêter.
575€ les 12 bouteilles, ce n’est pas pour moi, et je ne sais même pas si leurs clients connaissent Facebook.
Clairement, c’est un autre monde.
C’était déjà sûrement un autre monde en 1935 dans la rue Kimburn, mais l’autre monde se situait derrière les carricos et les pignols, dans les effluves écœurantes et les cerclages de fûts.
Il y avait malgré tout une présence physique des Sénéclauze, qui fait que 50 ans plus tard, tout le monde en a la nostalgie .
Ce qui me parait juste incroyable quand je vois le Château Margaux. Sans parler des domaines de Provence.
Ils s’en sont bien sortis.
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)
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