En Algérie, le 1er novembre est une date importante. A Oran, elle l’est doublement.
Le 1er novembre 1869 « un raz de marée épouvantable a détruit la jetée du nouveau port d’Oran et causé la perte de bâtiments en ce moment dans le port. Les dégâts causés par cette tempête sont considérables. » relate le « journal d’Annonay » en 1870. Je ne sais pas du tout d’où sort ce journal d’Annonay. J’ai un peu cherché, sans succès.
Edgard Attias m’en dit davantage dans son livre déjà cité « Oran de tous les jours – 1830-1962 » tiré d’articles de « l’Echo d’Oran » et « Oran Républicain » :
« L’année 1869 devait cependant être marquée par un raz de marée particulièrement terrible. le 1er novembre, toute la population d’Oran s’était portée vers les bas quartiers pour assister impuissante à la destruction de la jetée -elle avait déjà près d’un kilomètre de longueur- et des quelques 300m de quais qu’elle abritait alors.
Un Brick-goëlette français, le « Marie-Angélique » coula en plein port, n’ayant pu être remorqué dans la darse en temps voulu. L’imprudence des spectateurs faillit même être fatale à des enfants qu’une lame emporta à la mer, pendant le « spectacle ».
Mais les Zouaves, que l’autorité militaire avait envoyés sur les lieux, réussirent, en jouant leur vie, à sauver tous les bambins qui surnageaient au milieu des débris de chalands et de barques que la tempête avait réduits en miettes.
Les sinistres maritimes étaient fréquents, mais malgré sa méchanceté, la mer gardait pour les oranais un irrésistible attrait.«
Il faut comprendre ce qu’est un raz de marée. D’ailleurs le terme est probablement mal employé mais c’est qu’on est au XIX°S et que la géologie en est encore à sa préhistoire. Même Adgard Attias en 1962 en est encore à la préhistoire de la révolution que sera la tectonique des plaques.
Un raz de marée est employé pour tout phénomène météorologique qui va provoquer des débordements de la mer (comme des tempêtes par exemple) alors qu’un tsunami est un évènement géologique ; ce n’est rien d’autre qu’un tremblement de terre sous-marin qui provoque une ou deux vagues de 10m de hauteur. C’est ce qui s’est passé en 2005 sur les côtes de la Thaïlande ou en 2011 au Japon.
Les tsunamis ne se produisent pas n’importe où mais seulement dans les endroits où il y a des tremblements de terre.
Le 1er novembre 1869, je ne sais pas s’il s’agit d’un raz de marée ou d’un tsunami, mais je penche plutôt pour un tsunami. Oran est une zone sismique. Les espagnols ont perdu Oran suite à un séisme qui a détruit leurs fortifications dans la nuit du 8 au 9 octobre 1790. La Calère a été en partie détruite parce qu’elle se situait sur des failles sismiques et Oran continue d’être régulièrement soumise à des secousses :
Le 21 mars 2012, « une secousse tellurique d’une magnitude de 4,2 degrés sur l’échelle de Richter a été enregistrée mercredi matin à Oran (Ouest algérien), indique le Centre national de recherche en astronomie astrophysique et géophysique (Craag). L’épicentre du séisme, qui s’est produit à 06h41 (GMT) a été localisé en mer, à 13 km au Nord d’Oran, précise le Craag. » 13 km au nord d’Oran, ça pourrait très bien provoquer un tsunami.
Enfant, j’ai grandi à Pau, dans les Pyrénées Atlantiques. C’est aussi une zone de séismes.
Une fois, le séisme a eu lieu vers 9h du soir. J’étais presque endormi lorsque subitement, j’ai cru que quelqu’un se trouvait sous mon lit et le secouait. Très vite, nous sommes descendus dans la rue. Il y avait beaucoup de monde. Le séisme avait été violent dans les étages les plus hauts des grandes tours du quartier. Les gens devaient s’accrocher aux murs pour ne pas tomber. Je ne me rappelle pas vraiment d’autre chose. Mais ça me suffit.
J’aime trouver des points communs aux villes, des hasards heureux, des liens souterrains.
Evidemment, on en pense ce qu’on en veut -et ça ne veut rien dire du tout- mais l’esprit aime s’accrocher à la valeur du hasard. L’esprit aime faire des liens. Alors quand il voit que deux villes qui lui sont chères sont toutes deux touchées par des séismes, il a l’impression que c’est un signe du destin (un signe de quoi d’ailleurs ?) et il fait un lien entre les deux villes. Il a tort et pourtant ça lui fait du bien.
C’est comme si on lui parlait au creux de l’oreille pour lui dire les endroits importants pour toi sont marqués par des séismes, c’est comme ça que tu les reconnaîtras si tu fais attention désormais.
Parfois, une coïncidence apporte davantage de réconfort que n’importe quelle vérité objective.
On aurait tort de s’en priver.
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)