Le grand-père d’Olivier Py – Enfermé dans le silence

Né en France d’une famille pied noir, comme il le raconte dans son court-métrage Méditerranées, documentaire autobiographique réalisé à partir de vieux films de super 8 qu’il a retrouvés et fait restaurer, il vit une enfance heureuse. (Source Wikipedia)

Voilà. Il a vécu une enfance heureuse.

Comme tous les enfants de pieds-noirs qui ont vu leurs parents et grands-parents souffrir le martyre sous leurs yeux en silence (et ne pas comprendre pourquoi ils souffraient autant, alors qu’en vérité, ils étaient heureux mais ne le savaient pas) Olivier Py est un garçon qui a vécu une enfance heureuse dans un pays en pleine croissance économique.

Qui a fait la bio de Wikipedia ? Il a regardé le court-métrage ?

C’est terrible terrible terrible comme les petites choses révèlent les grandes. Je préférerais être aveugle.

Il n’y a qu’une personne non concernée par 1962 qui peut écrire sans prendre la peine de regarder le court-métrage d’Olivier Py : « il vit une enfance heureuse. »

Notre auteur Wikipedien se fiche  royalement du court-métrage d’Olivier Py et plus encore du monde qui lui a donné naissance.

Ce qui l’impressionne, c’est toute la suite : hypokhâgne et khâgne au Lycée Fénelon, ENSATT, Conservatoire national supérieur d’art dramatique en 1987, sans compter la philosophie et la théologie.

Il a rajouté les infos sur Méditerranées vite fait bien fait il y a quelques semaines, histoire de se mettre à la page. Parce que l’important, dans ce monde-là, c’est d’être le biographe officiel d’Olivier Py, sur Wikipedia.

Je le sais, j’en ai aussi éprouvé une certaine griserie il y a quelques années, en modifiant la bio d’une écrivain critique sur France Culture dont j’étais tombé amoureux. On se crée un compte sur Wiki, on rajoute deux phrases à un article, et hop, on repart fier de soi, on a fait œuvre commune.

Wikipedia n’est pas encore un cauchemar absolu, mais d’ici la fin de siècle, ce sera devenu le grand n’importe quoi.

La mère d’Olivier Py – Lumineuse

Extrait du court-métrage d’Olivier Py, 15’33 » : « En moi, quelque chose exige de toujours amuser, faire rire. Compenser un chagrin indicible qui est comme une nature. Toujours travestir une inquiétude obscure. Faire le clown me semble un destin exaltant. Au fond, quelque chose souffre dès l’enfance qui ne peut être rien d’autre que l’héritage d’une guerre et le désarroi de mon père. »

Voilà pour l’enfance heureuse d’Olivier Py.

Je rectifie donc la bio : « Né en France d’une famille pieds-noirs, comme il le raconte dans son court-métrage Méditerranées, documentaire autobiographique réalisé à partir de vieux films tournés en format 8 – Ce n’est pas du super 8 mais du 8, un format plus ancien – qu’il a retrouvés et fait restaurer, il vit une enfance confuse à laquelle il ne comprend rien, comme beaucoup d’enfants de pieds-noirs. » (Source Paul Souleyre et un entretien de Olivier Py avec Mickociné en date du 15 novembre 2011)

Le film dure 32 minutes. J’en mets 4 minutes même si je n’ai pas le droit. Tant pis. De toute façon, qui va venir ?

Cette histoire-là, tout le monde s’en fiche depuis les origines.

Jeanne Cheula : « C’est nous les Africains, qui revenons de loin ! » Cruelle dérision du chant patriotique qui nous a galvanisés si souvent ! Nous revenons de loin en effet, et dans quel état ! Quinze cent mille étrangers dans notre pays !

Et nous, ce triste matin de juillet 1962, sur le quai de Port-Vendres avec nos bagages, épuisés, au milieu de tous ceux qui arrivaient… pour repartir ils ne savaient trop où !

La fatigue et une immense pitié creusaient les visages de ceux qui, depuis des semaines, couraient des ports aux aérodromes pour adoucir par un mot, un regard, la chaleur d’un accueil fraternel l’immense détresse des arrivants, aider les touts-petits, les moins valides. Mais la plus grande partie des Français ne soupçonnaient même pas le drame qui se jouait si près d’eux ou voulait l’ignorer. Et puis « à qui la faute ? ». Ne leur avait-on pas dit, aussi, « que le repli des Français d’Algérie s’accomplissait sans heurts, sans larmes et sans douleurs » ?

Écrasés de fatigue et de chagrin, nous n’avons été, pendant cet été 1962, qu’un troupeau misérable d’hommes, de femmes blessés jusqu’au plus profond d’eux-mêmes, croisant sur une route qui allait vers l’inconnu tous ceux qui, avec une tranquille indifférence et la seule joie de vivre, partaient sans la crainte de perdre leur famille, leurs amis, leur maison : c’était les vacances. Vive les vacances ! » (« Hier est proche d’aujourd’hui » – p237)

Olivier Py a raison : « Au fond, quelque chose souffre dès l’enfance qui ne peut être rien d’autre que l’héritage d’une guerre et le désarroi de mon père. »

Et l’héritage d’un indicible mépris de ses parents.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)

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Le film d’Olivier Py : « Méditerranées » (se procurer le DVD  sur Amazon)

 



 

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