Emmanuel Robles par Antoine Martinez. Vers 1952. Huile sur toile. 116 x 88,5 cm

Emile est un Montpelliérain oranais d’origine espagnole.

Son père aviateur a profité de son avion militaire pour fuir Franco dans les années 40 et atterrir en Algérie.

Emile n’est pas le seul oranais d’origine espagnole. Mon grand-père maternel qui s’appelait aussi Emile était d’origine catalane. Mais il est arrivé plus tôt à Oran. Il y est même né, en 1916.

Oran a toujours été une ville espagnole.

Les arènes en témoignent. Ce sont des choses qui ne sont pas nouvelles. Mon père me l’a tout de suite dit, dès que j’ai commencé à l’interroger sur Oran. Il se sentait « le seul Français là au milieu » . Il passait ses journées à jouer au foot avec des gamins qui parlaient espagnol et soutenaient le Real Madrid. Pas le Stade de Reims.

Kamel Daoud : « En 1962, 900.000 Pieds-noirs débarquent en France en quelques semaines, constituant une vague migratoire inégalée au 20ème siècle par son intensité. Parmi eux, 400.000 personnes sont originaires d’Espagne (Espagnols ou descendants) et près de 300.000 viennent de la seule Oranie.

L’Oranie, département français de 1848 à 1962, a été une terre de peuplement à majorité hispanique dans l’Algérie coloniale française. »

Plus étonnant par contre, et c’est Emile qui m’a mis sur la piste cette après-midi, les Espagnols sont de retour en force à Oran.

Kamel Daoud, chroniqueur très apprécié à Oran, a écrit un article (en deux parties) particulièrement instructif à ce sujet. A mon avis, tout se résume dans la parole d’un ancien ambassadeur d’Espagne en Algérie :

« Avec nous c’est plus simple de faire des affaires et je le répète souvent à votre gouvernement : l’Espagne est là, à une demi-heure d’avion, nous n’avons pas de passif colonial, ni de problème d’Histoire. »

Voilà. Avec les Espagnols, c’est simple. Pas d’histoire.

Les Français peuvent être jaloux, la colonisation est un passif  qui plombera toujours l’ambiance. L’Espagne a une Histoire avec Oran, ne serait-ce que Santa Cruz, mais elle n’a pas une histoire dramatique. Ou alors si lointaine.

Je lis dans l’article qu’il y a 150 entreprises espagnoles en Algérie. Pierre Lellouche, dans cette vidéo qui relate le forum de partenariat Algérie-France, indique qu’il y a 450 entreprises françaises actuellement implantées en Algérie.

Donc ça va, les Français tiennent encore la route.

Mais plus pour longtemps, les Espagnols sont plus sympas :

Bruyants, sociables, expansifs et amateurs de foot, ils ont fini par conquérir de l’espace dans la ville et chez ses habitants. Contrairement aux Français, généralement des fonctionnaires du consulat, d’anciens expatriés et de rares touristes ou cadres d’entreprise.

Les Espagnols, eux, assurent la main d’œuvre de base en tant qu’ouvriers. Du coup, les comportements sociaux ne sont pas les mêmes : les premiers craignent les réactions post-coloniales ou préfèrent les bunkers de la prudence, les seconds envahissent les rues.

Ce sont des expatriés sans passifs coloniaux et sans histoire commune polémique : ni demandes d’excuses, ni «colonisation positive». Juste des affaires. A cela s’ajoute un peu ces exubérances dites méditerranéennes et le sens de la fiesta.

Dans 50 ans, Oran qui n’a jamais été française sera de nouveau espagnole.

Pepe puso un peso en el piso del pozo. En el piso del pozo Pepe puso un peso.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

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