Caminico la muerte

Je me rappelle très bien la photographie du Caminico la muerte.

Je l’avais mise en contre-point d’un article sur le téléphérique que je n’arrivais pas à faire et que je considère toujours comme un article manqué.

La photographie était là pour m’aider à trouver un angle que je n’ai jamais réussi à trouver, malgré mes efforts. Elle était plus forte que le sujet et l’absorbait entièrement.

Je l’ai remise ici parce qu’en fin de compte, c’est le Caminico qui m’intéresse, et non le téléphérique.

Le Caminico était un sentier de chèvre allant rejoindre les anciens bains de la Reine, et qui serpentait aux flancs de la falaise de Santa-Cruz, sans rambarde, au-dessus du vide. On l’appelait aussi, le Caminico la muerte, le chemin de la mort, peut-être à cause de l’angoisse qui saisissait le promeneur quand il regardait vers le bas.

C’est dans le film de Pierre Machot sur Oran, juste après l’intervention de Kouider Metaïr, vers la fin.

Le commentaire correspond à l’idée que cherche à faire passer la photographie mais celle-ci va plus loin : elle pose du fragile sur le chemin et par le mouvement de tête de l’enfant qui détourne le regard vers le bas, nous force à considérer la puissance du vide, mais aussi sa grandeur.

Le Caminico, c’est la puissance d’attraction de la mort, sentiment familier des individus sujets au vertige. C’est aussi la grandeur des éléments, l’immensité de la mer, la protection du port, le développement de la ville, et le petit chemin compliqué qui mène l’homme et l’âne aux Bains de la Reine.

C’est beaucoup trop symbolique.

Donc je ne sais pas quoi en faire. Il faudrait que j’arrive à le déshabiller de ses symboles pour le rendre palpable, réel. Mais comment faire ?

Peut-être en revenant au film.

Le film de Pierre Machot déshabille Oran de ses symboles.

On voit la ville dans sa réalité quotidienne. Il n’y a aucun effort esthétique. Tout est filmé sur le mode du reportage télévisé, et la diction des commentaires elle-même, de type journalistique, participe du réalisme général de l’œuvre.

Je ne suis pas sûr que les choix soit conscients.

Mais le film est là, sous cette forme, et cette forme permet d’être au présent. Tant et si bien qu’il faut parfois intercaler des images du passé pour se rappeler qu’on parle d’un retour à Oran.

C’est parfait.

Je ne conçois pas un film autrement que dans le présent. A la recherche du passé, mais dans le présent, parce que nous ne sommes pas ailleurs.

Je ne conçois pas une recherche de mes ancêtres qui commencerait par le passé. Elle serait fausse.

Je la conçois par le présent d’une ville dont je déroulerais peu à peu le fil d’Ariane pour rejoindre lentement, très lentement, la rue du minotaure où habitait mon père, ma mère, mon grand-père, ma grand-mère, mon arrière-grand-mère, mon arrière-grand-père, mon arrière-arrière-grand-mère…

Ça demande de sortir des photos.

Et des jolies images du Caminico la muerte.

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

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