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Le 5 juillet 1962 est un jour très spécial à Oran. Le 5 juillet 2012 le sera pour moi, 50 ans plus tard.

Le hasard porte à comparer l’incomparable donc il ne s’agira pas de comparer mais de faire signe.

Je dis aujourd’hui  au revoir à ma communauté pour en rejoindre une autre tout aussi complexe, la communauté des gens qui ont des parents pieds-noirs et qui n’en comprennent pas l’histoire.

Je salue ici les gens avec qui j’ai travaillé quotidiennement pendant plus de dix ans. Je vous aime.

Et je salue ceux qui m’accueillent pour mettre au jour ce qui se cache. Je vous aime aussi.

Mais je sais déjà que ce ne sera pas simple.

Je voudrais tant pouvoir nommer les uns et les autres. Mais cela m’obligerait à mettre côte à côte des personnes qui n’ont pas forcément envie de l’être. Ainsi va la vie – la mienne en tout cas – toujours à vouloir rassembler ce qui ne veut pas l’être.

Je suis marqué par la philosophie et ce qui fait son coeur : la contradiction. Tout ce qui ne prend pas l’apparence d’une contradiction me semble faux ; tout ce qui accole deux termes contradictoires me parait vrai.

 

Les pieds-noirs / Les Algériens

Une histoire d’amour-haine qui ne s’arrêtera guère qu’à la mort des premiers. Et on s’en approche à grand pas.

Cette contradiction-là constitue pourtant mes racines. En disparaissant, c’est tout un monde qui disparait : le mien. Et pourtant, je ne suis ni pieds-noirs, ni algérien.

Alors qui suis-je ?

Je suis la barre de travers, « / » , le slash.

Je suis un « alboran » . Quelqu’un qui doit veiller à l’équilibre des termes sans quoi sa vie n’a plus de sens.

Lionel me reprochait de ne pas m’identifier à l’Algérie française. C’est vrai que je ne m’identifie pas à l’Algérie française quand il ne reste plus que des pieds-noirs. L’Algérie française, c’était un mixte fort contestable de pieds-noirs et d’algériens, mais c’était un mixte. Ce n’était pas un pays univoque.

A tous ceux qui me reprochent aujourd’hui de vouloir me rapprocher des Algériens (et j’ai cru comprendre qu’il y en avait quelques-uns), je leur dis simplement que je reconstitue une Algérie française dans laquelle les uns et les autres sont cette fois-ci sur le même pied d’égalité en terme de considération.

Cette Algérie française imaginaire, elle est en moi, je m’y sens bien. Je parle quotidiennement avec des Algériens. J’ai des contacts avec des tas de pieds-noirs. Ce pays-là qui ne sera jamais inscrit dans le droit international, c’est le pays de mes racines, le seul qui ait du sens pour moi aujourd’hui, le seul endroit du monde qui peut m’offrir une chance de retrouver le mixte de mes ancêtres, et de me ramener chez moi.

Le chant des Africains que je respecte n’a plus d’effet dans le présent.

Les pieds-noirs ne le comprendront peut-être pas.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

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