Sahara : Période bovidienne (3500 à 1500 av. J.C.). Abri de Tissoukaï dans le Tassili

Le Minotaure est un animal légendaire qui vit au centre du labyrinthe construit par Dédale.

Je ne ferai l’insulte à personne de rappeler le mythe, Internet s’en chargera très bien à ma place.

Parfois, il vaut mieux se coucher tard parce que tout arrive en rafale vers minuit.

Quel plaisir d’inventer un monde à partir de planètes aussi disparates que Camus, le Minotaure ou Kargentah.

Il faut au moins deux éléments qui se répondent pour qu’un texte commence à exister.

L’autre jour, je suis tombé sur un article mis en partage par Al Gérianie.

Un article très intéressant sur une tradition festive qui commémore la fin de l’esclavage domestique des noirs et rend hommage à Sidi Blel, le premier esclave affranchi dans l’Islam, muezzin du prophète Mahomet, et saint patron des noirs d’Afrique du Nord.

Mais je ne voyais pas du tout quoi faire avec cet article si ce n’est le réécrire à ma sauce. Aucun intérêt.

Donc j’ai laissé filer.

Et puis aujourd’hui (ou hier, je finis par ne plus trop savoir où j’en suis dans ce défilé d’images sans fin et sans sources qu’est un mur Facebook…) je suis tombé sur la très belle image en haut à gauche.

Elle est belle mais elle arrive de nulle part : aucune source, rien du tout.

Et plein de commentaires dessous pour que chacun exprime son ressenti. C’est d’ailleurs le seul avantage de ne pas mettre de sources, chacun y va de ses émotions.

Je donne quand même une technique pour retrouver la source d’une image :

1 – Enregistrer l’image sur un coin de son ordinateur. Disons le bureau.
2 – Ouvrir « Google Images »
3 – Tirer l’image enregistrée sur le bureau et la glisser dans « Google Images ».
4 – Boire un coup. Et lire le résultat annoncé par Google.

L’image en haut arrive de ce site.

Égyptologie ancienne : Ankh, la croix de vie égyptienne. C’est devenu un bijou très à la mode, galvaudé de partout, difficile de ne pas connaître.

Dans l’image du haut qu’Émile a mis en partage depuis le mur de Mouelhi Chaker (mur tout rempli de préhistoire africaine), on peut admirer « la vie des anciens Sahariens dont on peut affirmer l’appartenance raciale et culturelle à l’Afrique noire. [Babacar Sall] met en évidence leurs liens étroits avec la vallée du Nil. »

Il y a un bon moment qu’on sait que les premiers pharaons sont noirs.

Mais ce qui m’a davantage frappé, ce sont les taureaux. Parce que les taureaux, pour moi, ce sont vraiment les origines. Et notamment, les jeux de Cnossos en Crète où des jeunes gens sautent par-dessus les taureaux.

Le taureau est toujours lié aux origines du monde :

  1. C’est du combat contre le taureau que le pharaon devient pharaon, divin.
  2. C’est du combat contre le Minotaure que Thésée libère les jeunes gens esclaves du labyrinthe.
  3. C’est du combat contre le taureau que le torero s’extrait du piège que constitue l’arène.

Sous l’image  « Abri de Tissoukaï dans le Tassili » (en haut à gauche de cet article) les commentaires sont allés bon train jusqu’à ce qu’apparaisse de manière assez inattendue un questionnement sur les origines du terme Kargentah.

Comme souvent, chacun y va de ses interprétations, mais sans pour autant monter sur ses grands chevaux.

Je finirai par tendre vers celle-ci (et je changerai peut-être d’avis un jour) : Kargentah = « kheng ennetah »

« ennetah » = s’emploie au sens propre pour un animal donneur de coups de cornes et au sens figuré pour un humain qui ne se laisse pas faire.

« kheng » = semble être un lieu, un détroit.

Toutes les personnes calmes et raisonnables qui voudraient apporter une pierre à ce modeste édifice sont les bienvenus.

« La fête du taureau de Mdine Jdida, je m’en rappelle, c’était la procession des noirs en hommage à leur marabout Sidi Moussa dont le mausolée se trouve à Kristel. C’était là où le taureau était tué pour faire le repas de la wa3da. 

Avant 1830, il y avait 3 carrés au cimetière Sidi el Bachir d’Oran : le carré des sunnites, le carré des mozabites et le carré des noirs, ce qui dénote l’importance de la population noire d’Oran. Après 1830, Sidi el Hasni est venu du Maroc ouvrir une zaouia, les noirs du Gourara lui prêtèrent serment. » (Brahim Zeddour)

Lutter contre le taureau, depuis toujours, c’est se libérer des chaînes du monde labyrinthique pour s’en aller vers un ailleurs plus libre.

En 1939, Camus écrit « Le Minotaure ou la halte d’Oran »

Il est Thésée qui découvre le labyrinthe d’Oran, et tous les labyrinthes sont des cauchemars. A chaque coin de rue, il croise son monstre :

« On peut trouver à Oran :

  1. Des cafés au comptoir verni de crasse, saupoudré de pattes et d’ailes de mouches, le patron toujours souriant, malgré la salle toujours déserte. Le « petit noir » y coûtait douze sous et le grand, dix-huit ;
  2. Des boutiques de photographes où la technique n’a pas progressé depuis l’invention du papier sensible. Elles exposent une faune singulière, impossible à rencontrer dans les rues, depuis le pseudo-marin qui s’appuie du coude sur une console, jusqu’à la jeune-fille à marier, taille fagotée, bras ballant devant un fond sylvestre. On peut supposer qu’il ne s’agit pas de portraits d’après nature : ce sont des créations ;
  3. Une édifiante abondance de magasins funéraires. Ce n’est pas qu’à Oran on meure plus qu’ailleurs, mais j’imagine seulement qu’on en fait plus d’histoires. »

En 1953, il est sorti du labyrinthe, et se prend à l’aimer.

Épigraphe du Minotaure :

« Cet essai date de 1939. Le lecteur devra s’en souvenir pour juger de ce que pourrait être l’Oran d’aujourd’hui. Des protestations passionnées venues de cette belle ville m’assurent en effet qu’il a été (ou sera) porté remède à toutes les imperfections. Les beautés que cet essai exalte, au contraire, ont été jalousement protégées.

Cité heureuse et réaliste, Oran désormais n’a plus besoin d’écrivains : elle attend des touristes. »

Camus est sorti du labyrinthe d’Oran. Il va mieux.

En son temps, Ibn Khaldoun avait pourtant prévenu le philosophe :

« Oran est supérieure à toutes les autres villes par son commerce. C’est le paradis des malheureux. Celui qui arrive pauvre dans ses murs en repart riche ».

Plus tard, certains y ont gagné la liberté. C’est vrai.

Mais d’autres sont repartis sans rien.

Et que dire de ceux

qui n’ont pas survécu

au Minotaure.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

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