Mausolée Saint-Remy

En allant faire un tour ce matin sur le forum Wahr Ifry Nost qui discute du patrimoine d’Oran, je suis tombé sur cette photo qui mérite le détour.

Ce n’est pas la première fois que je me trouve confronté à ce genre de décalage tout à fait étonnant, cet anachronisme brut.

Kamel a posté la photo vers minuit, quelques minutes plus tard, quelqu’un du forum écrivait : à démolir immédiatement.

S’ensuivait un échange verbal assez musclé puisque sur un forum qui défend la sauvegarde du patrimoine, le commentaire était pour le moins provocateur. Mais passons. La présence d’un mausolée en plein milieu du trottoir ne peut évidemment laisser personne indifférent, sauf peut-être ceux qui passent là tous les matins pour aller travailler.

Défendre une ville, c’est aussi la transformer, et la transformer, c’est la détruire. Tout le paradoxe de la restauration se trouve là : sauvegarder, c’est détruire.

Ce qui rend ce mausolée incroyablement présent, c’est qu’il n’a pas été restauré.

Ce mausolée est tout sauf mort ; il est là, au milieu du trottoir, et il existe. Il n’a pas encore été transformé en musée. Si bien qu’on peut proposer de le raser.

Un musée, c’est déjà plus compliqué. C’est comme une tombe. On ne la rase pas.

A Oran, il y a plusieurs endroits où des monuments sont posés comme ça, hors du temps.

J’ai en tête une photo de la vieille mosquée du Bey coincée entre quatre immeubles et qui m’a beaucoup choqué la première fois que je l’ai vue. En même temps, je me rappelle avoir éclaté de rire parce que, dans mon monde à moi, un tel arrangement urbain est juste surréaliste.

Oran – Vieille mosquée du Bey (crédit photo : Toufik Gh. 2012)

Sidi Snoussi, c’est peut-être encore possible puisqu’il est bien arrangé. Sidi Bachir, pas loin de la caserne des pompiers, c’est plus improbable.

En vérité, tous les monuments posés au bord de la route ou sur des coins de trottoir sont des monuments vivants. C’est parce qu’ils sont posés au milieu de la route ou sur des coins de trottoirs qu’ils sont vivants.

Le jour où l’on installera autour d’eux une petite clôture pour les protéger des vicissitudes de la vie, on pourra dire qu’ils sont morts.

Lorsqu’on commence à protéger un monument, c’est qu’il est mort et qu’on prend soin de sa dépouille. Tant qu’il est capable de tenir debout pour vivre au milieu de la rue sans déranger personne, c’est qu’il est toujours vivant. Et il ne faut surtout pas s’occuper de lui.

Il faut le laisser vivre.

Le mausolée de St-Remy en est un merveilleux exemple. Nul doute que j’irai lui rendre visite le jour où je poserai le pied sur la terre d’Oran.

En espérant qu’il soit toujours là.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

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