La cathédrale d’Oran (aujourd’hui bibliothèque communale) est officiellement bénite le 9 février 1913, la même année que le théâtre des Champs-Elysées à Paris.
Point commun ? Auguste Perret, roi du béton.
S’il a transigé à Paris en rajoutant un peu de marbre là où le béton aurait normalement dû « se suffire à lui-même », il est resté intraitable à Oran où il teste sa toute nouvelle technique des voiles de béton armé.
La cathédrale d’Oran est ainsi le premier édifice religieux construit en béton armé sur le territoire à l’époque français. Il y aura plus tard à Raincy la célèbre église Notre-Dame de la Consolation devenue emblématique de l’architecture moderne, « Ste-Chapelle du béton armé ».
Le grand Le Corbusier lui-même qui n’aimait pas Perret n’a pas réussi à en dire du mal : « Elle possède un masque qui couvre la beauté de la coupe du vaisseau ». Il n’a pas été très clair non plus.
Il n’a rien dit de particulier sur la cathédrale d’Oran (du moins n’en ai-je pas trouvé trace). Peut-être par ignorance, plus probablement par désintérêt.
On l’excusera.
Il n’était pas le seul à considérer que Paris était le centre du monde. Savait-il seulement placer Oran sur une carte ? Oui, j’imagine. Les Corbusiens passionnés du modulor sauront me renseigner.
Toujours est-il que si Perret est aussi l’architecte du Théâtre des Champs-Élysées (ou plus tard de Raincy), il n’est pas celui de la cathédrale d’Oran.
C’est le rôle d’Albert Ballu et on aurait pu s’en douter, du moins par défaut. Rien de commun entre l’édifice d’Oran et celui de Raincy si ce n’est le squelette de ferraille.
Perret adore le monumental bien lourd qui fera des émules en Russie, en Allemagne et en Italie ; Ballu fait dans le romano-byzantin sous l’influence de l’Orientalisme.
L’Orientalisme ?
Une vision occidentale du monde oriental. Quelque chose comme le bain turc d’Ingres. Mais surtout présent en Algérie sous la forme du style Jonnart particulièrement net dans le cas de la gare d’Oran par exemple.
Une scène imaginaire qui n’a pas forcément grand chose à voir avec une spiritualité digne de ce nom mais qu’on prend plaisir à admirer. Et j’ai toujours beaucoup aimé la cathédrale d’Oran.
Probablement parce qu’elle trônait sous un cadre de verre dans le salon de mes grands-parents.
Du béton armé transmué en rêve d’ailleurs.
Mon Orientalisme à moi, c’est la cathédrale d’Oran.
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?).