C’est en prenant le livre de Amédée Moreno pour y chercher l’anecdote de Polinar et La Concha que je me suis arrêté sur la couverture.

Je n’avais pas remarqué qu’elle était imaginaire.

C’est une manière de représenter le monde à la fois très ancienne et très moderne. En résumé, on casse la perspective pour mettre côte à côte des éléments destinés à se répondre.

Je précise que la peinture est réalisée par l’auteur lui-même et porte le nom de Memoran.

C’est drôle parce que c’est le nom que j’ai failli donné à ce blog lorsque je lui cherchais une appellation. Heureusement que j’ai changé d’avis, on m’aurait peut-être condamné pour plagiat.

Mais si je ne me suis pas tout de suite rendu compte qu’il y avait un problème, c’est aussi parce qu’une apparence de perspective est conservée dans la peinture : Le lion de la mairie se trouve devant, le théâtre plus loin, et la montagne de Santa-Cruz au fond.

Je suis quand même allé vérifier si l’alignement était possible dans la réalité parce qu’il me paraissait suspect.

En effet, au vu de l’image capturée de Google Earth, Santa Cruz est plus à droite et ne peut pas se trouver dans le prolongement des lions observés de profil.

Je commence alors à me poser quelques questions.

Et je regarde les éléments figurés plus attentivement.

Amédée Moreno déforme la réalité

Le Lion et le Fort ont une taille légèrement déformée mais encore acceptable. Le Théâtre n’est pas réaliste.

Memoran – Couverture du livre de Amédée Moreno

C’est un théâtre en miniature. Le palmier qui lui fait ombrage en est une preuve flagrante. Dans la réalité de l’époque, il y avait bien deux palmiers de chaque côté de l’Opéra, mais plus petits que les clochetons.

Amédée Moreno n’essaie pas de reproduire une ville exacte d’après ses souvenirs, il prend le parti de peindre les images de la mémoire telles qu’elles se présentent à lui. Il a conscience que ce dont il va parler date de 50 ans et qu’il n’y a plus que la mémoire pour l’évoquer. Donc il peint la mémoire avant tout.

Et il assume parfaitement ce qu’est cette mémoire : un fragment de réalité qui revient à la surface, déformé, et pourtant si réel. C’est aussi l’histoire de Polinar et La Concha, réelle et fantasmée.

Par sa peinture, Amédée Moreno annonce que l’intérieur du livre n’est guère que de la mémoire ; tout y sera à la fois réel et déformé.

Rien ne sera conforme au temps passé puisque tout a disparu.

Retour une dernière fois sur la couverture du livre : Il faut toujours se poser la question de ce qui n’est pas représenté. On y apprend davantage encore qu’en regardant ce qui se montre.

Ce qui n’est pas représenté sur Memoran, c’est la Place d’Armes, et toute la ville autour.

Il n’y a plus rien.

Amédée Moreno a peint le manque, la disparition, la perte.

Il a peint à la fois l’exil et la mémoire.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

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