Il y a quelques mois, j’en ai beaucoup voulu à Château-Carcasse de me boucher la vue d’Oran.
Il amputait le paysage que pouvaient contempler mes grands-parents et me privait d’une partie de ma mémoire.
C’est un raisonnement idiot.
Avec le temps, je me suis pris d’affection pour ce monstre de la nature comme je me prends d’affection pour tout ce qui sort de l’ordinaire, à commencer par les astronautes sur les portails de cathédrale.
Il n’en faut pas trop ; un par ville est une bonne proportion. Une chance à vrai dire. Quelque chose comme le bouffon du roi. La nécessité de se rappeler non pas la mémoire mais l’oubli.
Le bouffon rappelle au roi qu’il n’est qu’un homme. Et l’homme oublie le roi.
Château-Carcasse rappelle à Château-Neuf qu’il n’est qu’un tas de pierre bien ordonné. Peu d’êtres ont ce privilège. Chacun se prend pour une merveille de la nature. Plus ou moins réussie, mais une merveille tout de même.
Château-Neuf a l’insigne honneur d’avoir un jour reçu en greffe Château-Carcasse. Il sait depuis 30 ans qu’il est un monument du patrimoine mais sa verrue moderne lui rappelle tous les jours qu’il n’est qu’un tas de pierre bien ordonné. Et que les tas de pierre n’ont pas priorité.
La priorité, c’est l’Homme.
Château-Carcasse rappelle à Chateau-Neuf que ces dernières années ont été dures pour l’Homme d’Oran.
Château-Carcasse rappelle à Chateau-Neuf que l’Homme d’Oran émerge à peine de ses malheurs.
Château-Carcasse rappelle à Château-Neuf qu’il faut prendre soin de l’Homme d’Oran.
Château-Carcasse est laid ;
Château-Carcasse est grand.
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)