Oran et son Sheraton en 2005 – La photo est extraite du voyage de Laurent Saez en 2005 (sur le site Oran des années 50)

Avoir grandi avec la célèbre photo de Santa Cruz et se retrouver confronté en 2012 avec l’hôtel Sheraton d’Oran en point de mire est une expérience qui remet très vite les choses à leur place.

Quand j’ai commencé à plonger dans les dédales de la mémoire, je ne pensais pas que j’allais me retrouver confronté à ce genre de bâtisses.

On sait que les choses ont changé depuis 50 ans, mais on les imagine identiques malgré tout.

On imagine de la croissance. Pas de la métamorphose.

On imagine une grosse chenille au lieu d’imaginer un papillon. Et c’est logique. Le papillon est inimaginable depuis la chenille.

L’imagination, quoi qu’elle en dise, n’est pas capable de fabriquer une image neuve. Mon Oran imaginaire n’était pas très différent de la ville clouée au mur chez mes grands-parents, je lui avais seulement adjoint quelques ordinateurs dans des cybercafés, du monde dans les rues et une langue inconnue.

Or je fus frappé par deux éléments très discordants dans le paysage :

L’Hôtel Château-Neuf à l’état de carcasse plantée sur le site historique de Rosalcazar. J’en ai déjà parlé.
L’Hôtel Sheraton d’Oran, à l’est de la ville.

Je n’en ai pas encore parlé.

Pourtant, je le considère comme faisant partie de la ville. D’ailleurs, si j’en crois les « j’aime » sur Facebook, je ne suis pas le seul.

J’imagine que tout le monde n’a pas la même affection pour cet hôtel planté comme un ovni sur le rebord de la falaise. D’un certain point de vue, il est une insulte à Sidi El Houari qui se débat pour survivre.

Mais de l’autre, il fait partie de la ville.

Il n’est pas qu’un hôtel, il organise des événements et des soirées.

Destinées à qui ? Je ne sais pas. Je doute que tout le monde y soit admis sans contrôle. La plaquette est clairement ciblée :

« Surplombant l’une des plus belles baies d’Algérie, le Sheraton Oran Hôtel & Towers est prêt à établir de nouveaux standards de confort à Oran. Immergez-vous dans une véritable oasis de luxe au design unique et profitez d’un emplacement idéal à proximité de tout, dans le quartier résidentiel de Canastel près du centre-ville, à seulement 10 minutes de l’aéroport international et à moins de 30 minutes d’Arzew, important pôle pétrolier. »

Si on regarde Oran de l’ouest vers l’est (sens naturel du développement de la ville) on voit bien qu’on avance du plus désastreux au plus opulent. Oran a commencé dans le ravin, puis s’est déplacée sur le plateau de Kargentah, puis s’est encore étendue vers l’est. Vers l’ouest, ce n’est pas possible, il y a le Murdjajo.

Actuellement, la limite est plus ou moins marquée par l’hôtel Sheraton d’Oran à l’Est.

Il est intéressant de pouvoir suivre l’évolution d’une ville selon son gradient ouest-est. Quand on se placera tout en haut de Santa Cruz en 2112 par exemple, on pourra dire :

→ Tu vois tout en bas, dans le ravin, sur le flanc du Murdjajo, c’est le XVII°S des espagnols autour de la Casbah.
→ Tu vois un peu plus haut, sur le plateau de Kargentah, c’est le XX°S des français et des algériens autour de la Place d’Armes.
→ Tu vois là-bas, un peu plus loin, c’est le XXI°S des promoteurs autour de l’hôtel Sheraton d’Oran.

Le Sheraton est emblématique de son époque de la même manière que le théâtre rococo peut l’être de la sienne. Il ne me gêne pas où il se trouve.

Ce serait plus gênant qu’il vienne s’installer sur Sidi El Houari.

Chaque chose a une place.

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

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