Depuis quelques jours, je me plonge dans l’Algérie du XIX°S.
J’aurais dû le faire plus tôt.
Il y avait jusqu’ici dans mon esprit deux sortes d’Algérie : Celle de mes parents, qui se trouve quelque part entre 1945 et 1962. Et l’autre que je ne connais pas parce que mes grands-parents ne m’en ont pas parlé, et peut-être plus encore, parce que je ne leur ai pas posé de questions.
Elle doit se situer entre 1830 et 1945.
Mais je la coupe en deux parce que je sais qu’une partie de ma famille est lorraine et arrive plus ou moins en 1872, tandis que l’autre est espagnole et arrive probablement plus tard, en même temps que tous les Caracoles. (Hypothèse malgré tout. Je ne suis sûr de rien.)
Entre 1830 et 1945, il y a cependant une nette rupture : 1872.
Donc si je dois tracer une géographie temporelle et surtout très subjective de l’Algérie, je distingue trois temps forts nettement séparés les uns des autres :
1 – 1830-1872 : Une période bizarre qui se montre surtout par des officiers à cheval. Autant dire que je suis dans la mythologie. Ça ne correspond à rien en ce qui me concerne.
2 – 1872-1945 : L’arrivée de mes ancêtres en Algérie. Un petit peu de moi, en fin de compte, qui pose le pied sur cette terre.
3 – 1945-1962 : Une période durant laquelle mes parents –des personnes proches et qui font partie de ma vie– naissent, grandissent, vont à la plage, vivent leur adolescence et subissent un traumatisme dont ils ne m’ont jamais parlé.
Je pourrais aussi rajouter l’avant 1830 et l’après 1962. J’arriverais à cinq périodes clairement délimitées.
J’ai découvert il y a peu de temps que je pouvais lire beaucoup de récits datant des origines sur Edilivre.
Et j’explore à la fois la grandeur de l’esprit militaire et l’Algérie des premières heures. Sans intermédiaire idéologique. Comme ça, dans mon salon, sur mon canapé.
C’est reposant.
Tout pourrait être prétexte à polémique.
Je pourrais glorifier ces gens pour l’incroyable qualité de leur écriture, pour leur noblesse au combat (on me ressortira les enfumages, bien évidemment), ou pour la grande admiration qu’ils portent tous à Abd-el-Kader ; et je pourrais tout aussi bien les descendre en flèche pour leur incroyable sentiment de supériorité face à tout ce qui ne ressemble pas à de la « civilisation. »
Je n’en vois pas l’intérêt.
Je m’imprègne au contraire de toute la vie qui se trouve dans ces pages. Sans personne qui vient m’expliquer ce que je dois penser de ceci ou cela.
On est même tellement submergé d’idéologie dans cette histoire, et tellement abreuvé de documents de seconde ou troisième main, qu’on souffle enfin quand on arrive à toucher du doigt un texte qui n’est pas un commentaire de texte.
Edilivre m’offre ce privilège.
Ce n’est pas évident de les lire sur l’ordinateur. Ils fatiguent les yeux. Je commence à les convertir pour les lire tranquillement sur une liseuse électronique.
Je n’ai pas le choix. C’est soit ça, soit des commentaires de textes ou des gens qui m’expliquent que ceci ou que cela.
C’est un résultat parmi tant d’autres des batailles sans fin qui se jouent depuis des décennies ; on finit par avoir envie de sauter quelques générations d’un coup pour lire dans le texte des officiers comme le Général Desmichels.
Je vais donc poster ci-dessous un extrait du livre qu’on peut trouver sur edilivre, « Oran sous le commandement du général Desmichels.«
Je le prendrai volontairement non polémique, l’homme découvre Oran.
Mais quelques informations d’abord, prises sur Wikipedia, qui n’est pas un modèle de source. Je m’en méfie comme de la peste pour les informations sensibles. Là, il ne faut pas hésiter à me corriger (mais avec sources à l’appui) si Wikipedia flanche un peu :
« Envoyé en 1833 en Algérie, il est nommé commandant de la province d’Oran. Depuis l’occupation de cette ville, les Garabats, dont les tribus habitaient la vallée de la Sig, à 50 km d’Oran, n’avaient cessé de lutter contre la domination française : le général Desmichels résolut de se débarrasser de ces voisins.
Il dirigea contre eux (8 mai) 2 000 hommes de toutes armes, et enleva quatre de leurs camps. 300 Arabes furent tués, les douars détruits, les femmes, les enfants faits prisonniers, les troupeaux enlevés. »
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)
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J’ai déjà donné quelques notions précises sur les villes de Tlemcen, Mascara, Arzew, Mostaganem et Mazagram, je dois consacrer quelques détails à celle d’Oran. Elle est située sur le revers de deux montagnes que sépare un ravin vert et ombragé, arrosé par des sources abondantes, formant un cours d’eau dont la pente jusqu’à la mer offrirait autant de chutes qu’on pourrait le désirer, pour l’établissement d’un grand nombre d’usines et de moulins.
Cette ville fortifiée à très-grands frais par les Espagnols, qui s’en emparèrent en 1509, sous la conduite de don Pèdre de Navarre et en présence du cardinal Ximenès, est entourée de fossés et couverte par de beaux remparts.
A l’est, le front d’attaque est défendu par la citadelle ou Château-Neuf, par les forts Saint- André et Saint-Philippe ; les lunettes qui protègent ces ouvrages ont été rasées par les Arabes, excepté celle du fort Saint-André qui est susceptible par son bon état d’une longue défense.
Au sud, le ravin est gardé par cinq grosses tours crénelées et par le fort Saint-Philippe. A l’ouest, sa force est dans la montagne de Santa-Cruz, couronnée par un fort du même nom, la vieille Casbah; la lunette Saint-Louis et le fort Saint-Grégoire, bâtis sur les flancs de cette montagne, concourent par leur élévation à la défense de la ville.
Au nord, le fort de Sainte-Thérèse, celui de la Mouna et quelques’batteries basses, appuyés par les feux du Château-Neuf, du fort Saint-Grégoire et de Santa-Cruz,protègent la ville du côtéde la mer.
Tous les forts de cette place,excepté le Château Neuf, Sainte-Thérèse, la Mouna et Saint-Grégoire, ont besoin de grandes réparations.
L’enceinte est fermée par les trois portes, du marché à l’est, du ravin au sud, et de Mers-el-Kébir à l’ouest.
La ville est divisée en trois quartiers, la marine, la ville maure et la ville neuve.
Les bâtiments marchands ne peuvent mouiller devant Oran que pendant un calme plat, où seulement lorsque règnent les vents du sud, et encore les capitaines prudents ne s’y exposent pas.
Une assez grande darse destinée à mettre à l’abri de petites embarcations, a été comblée par un éboulement considérable qui a eu lieu dans le mois de novembre dernier.
Les magasins de Sainte-Marie, situés sur le quai, ont été construits avec une grande magnificence par les Espagnols, et peuvent contenir des approvisionnements immenses.
Les rues de cette ville, depuis la paix, sont larges et ornées d’assez jolies maisons construites à l’européenne.
(Je donnerai à la suite de cette description la notice des travaux qui ont été exécutés pendant mon commandement, tant dans l’intérieur de la ville que hors de son enceinte.)
Le nombre des habitants d’Oran avant l’arrivée des Français était d’environ vingt-cinq mille; l’émigration des Maures et des Arabes qui eut lieu immédiatement après la réduisit à trois mille cinq cents Juifs, deux cents Maures et autant de Nègres ; total, trois mille neuf cents âmes. La population européenne pendant la guerre n’était que de sept à huit cents, aujourd’hui elle s’élève à plus de trois mille individus.
Depuis la paix, j’ai fait entourer la place d’une ceinture de blockaus et de postes qui nous rendent maîtres de la plaine, et qui en cas de rupture éloigneraient les Arabes et protégeraient les arrivages de l’intérieur.
Ces ouvrages font le plus grand honneur à MM. les officiers du génie qui ont dirigé les travaux sous les ordres de M. le commandant Savart.
La vaste plaine d’Oran n’est point cultivée, mais il ne faut pas l’attribuer à la stérilité du sol, très-propre à la culture des céréales et autres plantes qui n’ont pas besoin d’une irrigation artificielle , mais seulement au manque de capitalistes pour faire les frais de première exploitation.
Un défrichement facile suffirait pour convertir, dès la première année, en riches moissons, les buissons de palmiers nains qui couvrent presque toute la surface du sol.
La rade de Mers-el-Kébir est défendue par un fort dont le mauvais état figerait de grandes et promptes réparations.
Cette rade est considérée comme le port d’Oran , bien qu’elle en soit éloignée de deux lieues ; elle offre un mouillage sûr aux plus gros bâtiments de l’état.
Une magnifique route de communication, percée à travers les flancs de la montagne de Santa Cruz, joindra, à la fin de cette année, Mers-el-Kebir à Oran, et offrira au commerce toutes les facilités possibles pour le transport des marchandises, lorsque l’état de la mer ne permettra pas d’employer la voix plus économique des embarcations.
1835 – Oran sous le commandement du Général Desmichels – p205 à 209
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