Je me suis trompé.
Le square Cayla a changé de place.
Il n’est plus au bout de l’avenue Loubet depuis longtemps, il se trouve du côté du Boulevard de Metz, à l’extrémité du Boulevard d’Alsace-Lorraine.
Et il ne porte plus le même nom mais s’appelle aujourd’hui square du Docteur Camille Larribère.
Sans commentaire, comme dirait cette page, qui se promène longuement parmi les rues d’Oran. Quelques explications p 283 du livre de Alfred Salinas.
J’ai été trompé par deux images que j’ai souvent vu revenir et sur lesquelles je n’ai jamais réfléchi.
Et j’ai fait deux erreurs.
La première étant de croire que cette place n’avait pas changé de nom au cours du temps. La seconde d’imaginer que les deux coupoles de l’immeuble étaient toujours présentes.
Apparemment, elles n’y sont plus ; il reste seulement au 19 angle Larbi Tebessi (ex. av Émile Loubet) un restaurant « La Coupole » qui rappelle la partie supérieure disparue.
Le square Cayla va donc devenir le square du Souvenir le 26 mai 1927, jour d’inauguration, parce qu’au début de l’année 1924, la municipalité organise un concours, ouvert de mars jusqu’au 1er juillet, en vue d’attribuer la commande d’un monument dédié à tous les morts de l’Oranie.
Et voilà donc le square Cayla qui migre au niveau de la patte d’oie Boulevard de Metz – Boulevard d’Alsace-Lorraine – Rue de la vieille Mosquée, accolée au Jardin de la Roseraie, ancien parc d’artillerie.
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Cette histoire de parc d’artillerie, de parc à fourrage, de caserne de cavalerie et j’en passe, m’a toujours beaucoup gêné dans mon appréhension de la ville, parce qu’elle m’oblige à me représenter une époque que je n’arrive pas à me représenter, la fin du XIX°.
Contrairement aux apparences, je n’ai pas tant de goût que ça pour l’Histoire, et je maîtrise donc très mal des notions comme le Caravansérail ou le Fondouk.
Alors forcément, quand je tombe sur des documents qui m’aident à y voir plus clair, je pousse un ouf de soulagement.
Émile Cayla fait partie de ces quelques rares personnes (comme René Lespès ou Robert Tinthoin) qui me permettent d’acquérir peu à peu une vue dynamique des transformations de la ville à travers le temps.
Il y a par exemple un document particulièrement intéressant publié par Émile Cayla en 1891 qui permet de se faire une idée précise de ce qu’était la ville au XIX° siècle et des problématiques qui se présentaient aux urbanistes. Il fait une quarantaine de pages et se trouve sur Gallica :
« Avant-projet de déplacement et de reconstruction du parc aux fourrages et des quartiers de cavalerie, percement du boulevard du Nord, prolongement du boulevard Malakoff : embellissements d’Oran : mémoire descriptif / par Emile Cayla«
Je ne vais pas rentrer dans les détails mais il est évident qu’il faut le tirer à l’imprimante et le regarder une heure tous les soirs avant de s’endormir.
On y découvre une Oran déjà moderne, mais en gestation, présente dans la tête d’Émile Cayla et nulle part ailleurs.
Parce qu’en 1891, Oran ressemble surtout à un plan que j’ai téléchargé il y a quelques mois, et dont je suis incapable de retrouver la source aujourd’hui. Que les auteurs me pardonnent.
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Il est fort probable qu’il date du XIX° siècle, Gambetta n’existe quasiment pas, la ville est entourée de fortifications trouées par les portes de Tlemcen ou de Mascara, et la mairie se trouve encore sur la Place Kleber.
Voici quelques lignes extraites de l’avant-projet d’Émile Cayla (pages 14-15) dans lesquelles se dessine déjà, semble-t-il et sauf erreur de ma part, le Boulevard Front de mer :
« Nous avons appliqué l’idée émise par M. Laurent Fouque, Maire d’Oran, de créer un boulevard partant de la Cannebière au front du Chateau-Neuf avec la Rue Philippe élargie à l’alignement de l’Ecole Bastrana.
La rampe ne pouvant être modifiée, puisqu’il faut suivre la Rue Philippe et la laisser se continuer, de la Rue de la Mosquée à la Place d’Armes, il n’y a qu’à franchir l’espace qui sépare la Cannebière de la Route du Port, en nivelant ces deux points ;
Combler le ravin jusqu’à l’angle du Lycée, prendre la Rue Paixhans élargie, la Rue de la Vieille-Mosquée, couper le Quartier des Chasseurs pour aller rejoindre le Boulevard du Nord existant à Miramar (ce qui nous a fait conserver ce nom, n’ayant pas la prétention de baptiser des artères que nos édiles sauront dénommer plus spécialement), au moyen d’un nouveau remblai, sur le Ravin de la Cressonnière.
Ensuite, traverser le rempart pour suivre en terrasse sur la mer, jusqu’à l’ancien hippodrome, en comblant le Ravin Blanc et en franchissant le chemin de fer au moyen d’un pont. L’achèvement de cette artère constituerait une belle promenade pour les cavaliers et les voitures, qui, partant du centre de la ville, se rendent à Gambetta, fréquenté toute l’année et faciliterait surtout l’accès du Lycée par un raccourci de plus de 500 mètres, de chaque extrémité.
Il améliorerait considérablement la viabilité des bas quartiers vers les quartiers moyens et mettrait la Vieille Mosquée et Miramar en communication directe avec la ville, tout en soulageant les carrefours de la Place d’Armes, du Boulevard Seguin et la Rue d’Arzew, d’une affluence encombrante et dangereuse.
Enfin, par suite de la mise en valeur des terrains du parc aux fourrages et des Casernes, le Boulevard du Nord est appelé à un grand avenir et ne saurait être mieux comparé qu’au Boulevard de la République à Alger ou à la promenade des Anglais à Nice. »
En effet, le Boulevard du Nord fut appelé à un grand avenir, même si le Boulevard Front de mer aura mis du temps à voir le jour.
Émile Cayla voyait loin.
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)
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NB : Les photos récentes sont de Abdelbaki Fellouah. Sauf celle du Boulevard Front de mer ci-dessous qui est extraite du blog de Catherine Pinoteau.