Le car de la S.O.T.A.C. arrive pour la sortie scolaire. En toile de fond, le Murdjajo et Santa-Cruz.

L’école Delmonte n’était pas loin de la gare.

Donc pas bien loin du pont Saint-Charles où habitait ma mère.

Et pas bien loin de l’école Lamoricière où mon grand-père était instituteur.

Comme François Salvador.

Sauf que François Salvador devait être un instituteur très spécial ; je ne peux pas mettre le pied sur un site consacré à Delmonte et à son école sans avoir instantanément des détails biographiques sur l’homme, détails souvent très précis, en net décalage avec les autres instituteurs.

Pour quelle raison ?

Peut-être était-il un instituteur exceptionnel, je ne sais pas, ou alors a-t-il gardé des contacts. Il s’est établi à Perpignan après 1962, et de nombreux élèves sont venus lui rendre visite, l’un d’eux devenant même son médecin personnel.

A bien y regarder cependant, le personnage semble dépasser le cadre de l’école primaire, pour s’étendre à tout le quartier.

Je ne connais pas vraiment Delmonte donc je suis parti à la pêche aux renseignements. Et je n’ai pas mis longtemps avant de tomber sur une page dédiée aux « Grands personnages de mon quartier Delmonte. »

On y croise le Général Antoine Roch Albaladejo et son Épouse Dany ; Roger Combel, Conseiller-Maître honoraire de la cour des comptes ; le directeur de l’école de garçon Delmonte M. Juan ; et pas mal de personnalités diverses et variées comme des champions cyclistes, des footballeurs ou une très jolie Miss pieds-noirs.

Et on y croise bien sûr François Salvador, très haut dans la liste, au même niveau que le Général ou le Conseiller-Maître de la Cour des Comptes.

Il est évident qu’on dépasse les frontières de l’École Delmonte. On se trouve face à une personnalité hors du commun, un regard sur le monde, une éthique.

le petit film qu’il a tourné n’est pas banal.

Rien à voir avec un film amateur, malgré les apparences. Aucun plan n’est tourné au hasard, François Salvador cadre tout, et donne du sens. Je serais curieux de connaître la date de ces images. On se demande s’il n’a pas conscience qu’il est en train de filmer la fin d’un monde.

Mais je m’avance peut-être.

Je mets le film ci-dessous. Âmes sensibles, s’abstenir, il y a un vrai risque d’épanchement. C’est poignant pour moi qui ne l’ai pas vécu, alors pour ceux qui s’y trouvaient, j’ose à peine imaginer.

Je me garderai bien d’interpréter ces images, elles sont trop belles, je pointerai seulement du doigt quelques instants magiques.

→ Les murs de l’école Delmonte.
→ L’arrivée du bus sur fond de Santa-Cruz.
→ Des wagons qui se raccrochent en contrebas, très loin.
→ Des escaliers de pierre sans rampe de protection.
→ Des bérets sur les têtes.
→ Des enfants qui marchent en direction de la caméra. La guerre des boutons.
→ Des pêcheurs perplexes devant la caméra ; les mains qui continuent de travailler.
→ Un enfant avec un casque colonial sur la plage.
→ La mer seule durant de longues secondes.
→ Le numéro 82 à l’aller ; le 84 au retour. S.O.T.A.C. en gros sur le côté du car.
→ Des enfants qui fixent la caméra sans sourire.
→ Le kiosque avec du monde. Puis le kiosque seul. Filmé de haut en bas.

Et puis la musique bien sûr (l’Adieu de Ernesto Cortazar), qui n’est pas d’époque mais du monteur, peut-être le fils de François Salvador, Marc, qui a transmis les images mises en ligne le 24 juillet 2011 par Danmarlou.

Une transmission exemplaire.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

Articles recommandés

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *