Hier, je publiais la première partie d’un article de Henri Lorin, géographe du début du XX°S qui faisait part, dans la Revue Universelle, des festivités organisées pour le millénaire d’Oran.

Il y était surtout question de la ville d’Oran.

Aujourd’hui, la fin de l’article est davantage consacrée à quelques considérations sur la politique coloniale de la France en Afrique du nord.

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 Et cependant, tout en goûtant les séductions des banquets, des illuminations, des cavalcades, des concerts, des fantasias et des couscous, les congressistes travaillaient ;

Ils ont même tenu des séances forts importantes, et les vœux formulés par le congrès, après débats approfondis, mériteront aussi bien que ceux des sessions moins tourmentées de ne pas dormir un sommeil administratif dans le cimetière des bureaux.

Il ne nous est pas possible, dans ce court article, de résumer toutes les communications faites au congrès ; je ne signalerai que les plus importantes. Les questions purement géographiques ont cédé le pas aux questions d’ethnographie et de politique coloniale.

J’ai entendu d’éminents professeurs regretter que nos congrès s’orientent dans ce sens ; il ne faut pas, me semble-t-il, s’en alarmer ; car c’est là le sens des préoccupations contemporaines ; mais il appartient à ceux qui étudient d’introduire dans ces discussions sur des sujets nouveaux encore toujours plus de science et de méthode : la politique coloniale ne sera féconde qu’au prix d’une connaissance diffuse de la géographie, qui enseigne les différences des conditions de la nature et déconseille par là même l’usage des formules et des théories.

Combien de temps ne s’est pas écoulé avant que les géographes pussent faire passer dans la législation algérienne cette vérité que les kabyles et les arabes, étant de races distinctes, ne sauraient s’accommoder du même régime administratif ?

Le congrès de 1902 a longuement délibéré sur l’assimilation des indigènes musulmans ; avec une unanimité remarquable, il en a condamné le principe, trop longtemps érigé en dogme par des coloniaux de cabinets.

Nous avons entendu à ce sujet les déclarations les plus catégoriques et les mieux motivées d’un notable indigène qui est resté musulman convaincu, tout en professant pour la France un sincère attachement : l’assimilation n’est qu’une chimère, parce que le musulman est irréductible ; il faut le rapprocher du Français, mais sans prétendre le dépouiller d’un statut personnel inséparable  de sa religion ; que les français soient bons et justes, ce qui veut dire fermes et prompts à la répression, et les indigènes vivront en paix, en collaboration volontaire avec eux.

Quant à l’instruction, la même ne convient pas à tous : le Kabyle envoie volontiers ses filles à l’école, ce que l’arabe de grande tente ne fera jamais ; nous procèderons donc avec prudence, en tenant compte des milieux divers et partant toujours non de nos coutumes françaises, mais des coutumes locales, en qui s’exprime toute la force d’inéluctables faits accomplis.

Voisine du Maroc, dont elle commande la porte naturelle, l’Oranie suit avec une attention passionnée les péripéties des relations de la France avec l’empire des chérifs.

Le congrès d’Oran a beaucoup parlé du Maroc ; les entrepôts francs de Figuig sont un organe de pénétration économique non dans le Maroc, mais dans le Sahara occidental, région qu’il importe d’en distinguer formellement ; si la question a été discutée sous la rubrique « Maroc », c’est que le traité de 1845 attribue nommément Figuig au sultan de Fez et que nous voulons, fidèles à la lettre des conventions, protéger ce souverain, non le spolier.

La découverte du Maroc , terre encore à demi inconnue, se poursuit sous nos yeux, et des français tiennent ici la meilleure place, dont plusieurs furent parmi les congressistes d’Oran les plus justement écoutés et applaudis. MM. Le comte de Castries, de Segonzac, Mouliéras, Doutté sont de ces éclaireurs d’avant-garde ; et déjà par Lalla-Marnia, par le Kiss, nouveau port créé à l’est de Nemours par un ancien officier de notre marine de guerre, des rapports amicaux sont noués avec les tribus de la frontière.

Le congrès a proclamé cette vérité géographique, qu’il faut propager partout en France, que la plaine oranaise de Sidi-bel-Abbès, Tlemcen, Marnia était la même qui porte, en territoire marocain, Oujdja, Taza, Kasba-bou-Ismaïl et Fez.

Retenons tout au moins, de la session et des fêtes d’Oran, ces quelques idées ;

quittant la ville, les congressistes se sont dispersés pour plusieurs excursions en Oranie d’abord, puis dans le reste de l’Algérie ; partout ils ont constaté la puissance de l’effort français sur cette terre d’Afrique, que Prévost-Paradol marquait naguère comme une de nos réserves les plus précieuses ;

traversant l’Algérie en pleine période électorale, ils ont pu se convaincre que le politicien n’a pas encore tout gangrené, comme le feraient croire les télégrammes des agences qui ne retentissent que des bruits et laissent ignorer tous les bienfaits du labeur silencieux.

Après les joies de ces fêtes, l’Oranie a repris sa vie de vaillance ; confiante en la vertu du travail, tous les jours mieux instruite par l’expérience, cette province, dont les larges espaces sont ouverts très loin vers l’ouest, sera quelque jour un centre de l’action française dans l’Afrique du nord.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

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