Il ne s’agit pas de l’étoile de notre système solaire.
Mais d’un trésor disparu.
Que Alfred Salinas recherche désespérément depuis son enfance.
Au lycée Ardaillon, son professeur d’Espagnol qui le trouve particulièrement doué lui offre un livre sur Oran en guise de distribution de prix de fin d’année.
Un livre de 200 pages avec des dessins partout et de belles histoires.
Il y a longtemps que je pense que la pédagogie la plus adaptée pour commencer à aimer le passé est de raconter des histoires, mais il n’y a plus grand monde pour être de mon avis. Désormais, on découvre des problématiques.
Heureusement que je n’ai plus 10 ans et que je fais comme bon me semble ; j’apprends Oran par ses histoires.
L’une d’elles m’était inconnue, il s’agit de ce fameux soleil d’Oran, dérobé il y a longtemps et perdu à jamais.
Au XVIII° siècle, la ville est espagnole, et les Espagnols tellement croyants, que les églises regorgent de trésors inestimables.
Mais la ville, qui reçoit aussi les bagnards et les exilés de la péninsule, danse et chante toutes les nuits quand les églises cessent de prier.
Il y a quelque chose de l’Oran éternelle dans la cohabitation d’une ferveur catholique avec les vies libertines des rebuts de l’Europe.
Mais le tremblement de terre de 1790 fragilise tout.
Les voleurs se réjouissent, les bâtiments s’effondrent, et chacun pille ce qui lui plait. Les autorités ecclésiastiques comprennent assez vite qu’il faut sauver les meubles et finissent par embarquer leurs trésors vers Carthagène en janvier 1792.
Excepté le Soleil d’Oran.
Qui part vers l’Espagne le 8 février, à bord du navire de guerre « El Conquistador ».
« Parce que sa forme rappelait l’astre incandescent, cet ostensoir en argent doré était connu sous le nom du « Soleil d’Oran ».
Il pesait 1.580 grammes, sans compter son socle de 1.460 grammes. Sa taille dépassait la normale. Avec la croix pectorale qui le surmontait, il mesurait 56 centimètres.
L’objet sacré ressemblait à un arbre soutenu par des têtes de séraphins, fondues avant d’être taillées au burin. Sur les côtés, il y avait de petites sculptures, finement façonnées, de la Vierge Marie et de saint Jean.
On y discernait aussi quatre angelots volants réalisés avec encore plus de soin.
Une nuée de pierres précieuses ornait l’ostensoir : 333 au total dont 55 diamants, 79 rubis, 50 émeraudes, 31 saphirs, 44 grenats, 15 améthystes, 9 topazes et 4 jacinthes.
Le regard saisissait avec ravissement la variété des couleurs : vert, bleu-vert, bleu ciel, carmin, blanc, jaune…
Il est très probable que cette œuvre d’art fût fabriquée à partir d’un crucifix qu’on délesta de sa croix et dont on appliqua à la base quelques sarments en bronze avec feuilles et rameaux.
« Le Soleil d’Oran » trônait depuis le 23 juillet 1782 dans l’unique nef de l’église Notre Dame de la Victoire en remplacement d’une custode de 2.780 grammes, de moindre attrait, qui avait été affectée cinq mois auparavant à la chapelle Saint-Michel de Mers-el-Kébir tenue par le chapelain Diego Moralès.
Le roi Charles III l’avait offert aux Oranais, suite à une sollicitation de leur vicaire Angel Celedonio Prieto faite le 7 juin. » (Alfred Salinas)
Ce Soleil d’Oran, perdu à jamais, c’est aussi bien celui de l’exil que celui d’une enfance qui n’est rien d’autre que notre petit exil secret.
Le Soleil d’Oran est perdu.
Il reste Oran.
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)
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NB : Ce texte est basé sur l’article de Alfred Salinas publié sur le site d’Edgard Attias.