el-Hamri, juillet 2018 ©Malika Rahal – Voir son remarquable article : « Oran 1962. Des trois dimensions du souvenir »

J’aimerais bien pouvoir parler des quartiers arabes comme celui d’El-Hamri par exemple, mais je me rends compte que je ne vois pas comment les aborder.

Si je vais sur Wikipedia, je vois que El-Hamri correspond au 5ème arrondissement d’Oran : Medioni, Lyautey, Lamur, Saint-Hubert.

Et je reste perplexe devant ces noms. Je ne sais pas quoi en faire.

Je peux parler de la rue d’Arzew, de la Place Kleber, de la Marine ou de la Calère, mais Medioni ? Lyautey ? Lamur ?

Quand je discutais avec mon père, il me disait, « là, c’était des quartiers arabes. » Aucun dédain dans cette affirmation, juste un aveu d’ignorance. Là, je ne peux pas t’aider, c’était des quartiers arabes, je ne connais pas.

Si je cherche une image d’El-Hamri sur Google, je tombe par exemple sur le parc d’attraction, qui est plus la marque d’une américanisation du monde qu’autre chose.

Je tombe aussi sur d’assez belles photos comme celle qui fait partie d’une galerie plus générale dénommée « Algérie, état des lieux. » El-Hamri se trouve en haut à droite.

J’ai pensé mettre cette photo-là en haut à gauche, et puis j’ai fini par y glisser le parc d’attraction. El-Hamri m’est étranger. Si je mets la photo du quartier, j’ai l’impression de jouer au touriste, de me promener avec mon petit sac-à-dos, et de trouver tout ça fort pittoresque.

Je peux trouver des renseignements sur El-Hamri. Houari Chaila, dans « Oran, Histoire d’une ville » en parle p184. Et le titre qu’il en donne est peut-être la raison pour laquelle il m’est compliqué d’évoquer tout ça de manière détachée, en touriste : El-Hamri ou les premières leçons de patriotisme.

Comment me situer par rapport à ça ? Il est évident que je ne suis pas près de sentir ce qui fait vraiment l’âme de El-Hamri.

el-Hamri, juillet 2018 ©Malika Rahal – Voir son remarquable article : « Oran 1962. Des trois dimensions du souvenir »

El-Hamri dans la partie sombre

Moi qui veut connaître Oran, comment avoir accès à l’autre moitié de la ville, et plus encore, comment en parler ?

Je pourrais assez facilement parler de Medina Djida. Tewfik y habite, je discutais encore avec lui il y a quelques jours. Je pourrais très bien lui dire, Tewfik, décris-moi Medina Djida. Il le ferait sans problème. Et j’aurais du contenu.

Mais je ne pourrais pas en parler parce que je serais à la place du français qui regarde ça en touriste, or je ne peux pas me permettre de regarder Oran en touriste. Par égard pour les miens.

Et parce que c’est mon histoire, et qu’on ne peut pas regarder son histoire en touriste.

Et pourtant, je dois y aller. C’est essentiel.

La ville que j’ai dans la tête est très exactement la ville coloniale : il y a les quartiers européens que je connais un peu, et puis les autres que je ne connais pas. De grandes formes géométriques blanches avec des noms de rues familières, et de grandes formes géométriques sombres totalement inconnues.

Je ne peux pas rester coincé en 1962.

Ça n’a pas de sens.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

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