Le nez au milieu de la figure est vraiment la partie du visage la plus difficile à repérer.
Après avoir discuté de Masseube pendant plus de 3h avec Lionel dimanche soir, je viens de passer 1,5h sur un parking avec ma sœur à tenter de mieux comprendre le monde pieds-noirs dans lequel nous avons grandi.
Nous n’en avions pas eu l’occasion depuis plusieurs semaines.
Tout y est passé.
Les Algériens, les Français, les Pieds-Noirs. Et nous. Les enfants de nulle part.
Il y a, dans cette discussion, une petite anecdote qui mérite d’être racontée parce qu’elle montre à quel point les yeux ne cesseront jamais d’être grands fermés.
C’est pathétique. L’humour sauve tout, donc l’humour nous a sauvés. Nous avons bien ri. Mais après tant d’aveuglement, on est en droit de se demander s’il ne vaut mieux pas tout arrêter pour aller faire une bonne partie de ping-pong sous les platanes.
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Je suis né à Nancy, elle est née à Poitiers.
Je ne suis resté que 3 mois à Nancy, le temps de commencer à faire mes nuits. Ma sœur plaisante alors et me demande ce qui m’a pris d’aller naître là-bas, que vraiment, ça n’a aucun sens dans le chemin biscornu de nos racines.
Je lui fais remarquer qu’une partie de la famille paternelle arrive de Château-Salins d’où elle émigrera vers l’Algérie en 1871. Que je suis donc retourné naître sur les lieux des mes ancêtres. Rien que ça.
Et bêtement, je lui fais remarquer à mon tour qu’elle est née à Poitiers et que ça n’a pas grand chose à voir avec notre histoire. Détrompe-toi, me répond-elle, Charles Martel a arrêté les « Arabes » à Poitiers.
J’en reste bouche bée. Et puis j’éclate de rire.
C’est plus profond que ça n’en a l’air. Mes parents sont allés s’installer sur une « ville frontière », à la limite entre le monde arabe et le royaume des Francs. Là où les habitants ne sont ni l’un ni l’autre, ou à la fois l’un et l’autre.
Comme dans n’importe quelle ville de l’Algérie française ; à la fois française et algérienne, mais ni tout à fait française ni tout à fait algérienne.
Ça laisse rêveur :
- Partir à Nancy pour faire le premier enfant ;
- Rejoindre Poitiers pour y concevoir le second ;
- Ne pas voir que son frère est né à deux pas de Château-Salins ;
- Ne pas voir que sa sœur est née dans une ville hautement symbolique ;
Il y a de quoi se poser des questions sur l’inconscient de chacun et sur l’aveuglement de tous.
Il y a surtout de quoi avoir envie de faire une bonne partie de ping-pong.
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)