Je crois que je viens de trouver une porte d’entrée dans le monde pieds-noirs tel que je veux le découvrir.
Jusqu’ici, il y avait la cuisine, les batailles pour se rappeler des douleurs et les photos anciennes. J’ai traversé ces trois substances en les respectant mais sans jamais y trouver mon compte.
Aujourd’hui, je sais que j’ai une porte d’entrée. Et comme toujours, elle arrive de Luc.
Luc est une perle rare.
Un jour de janvier, je crois, je cherchais où avait été rapatrié le monument aux morts d’Oran et je cherchais depuis suffisamment longtemps dans Lyon pour finir par en être exaspéré.
Soudain, une petite lueur d’intelligence me traversa l’esprit : pourquoi ne pas écrire au Cercle Algérianiste de Lyon et demander des renseignements ? C’est comme ça que je suis tombé sur Luc qui tient un blog sur le quartier de Belcourt à Alger.
J’ai tout de suite beaucoup aimé son écriture.
Et puis j’ai compris qu’il y avait quelqu’un derrière l’écriture. Quelqu’un qui avait beaucoup de recul alors qu’il n’avait pas moins souffert que les autres. Quelqu’un qui devait résoudre la quadrature du cercle : « comment rejeter le colonialisme sans rejeter sa famille ? «
Je lui ai envoyé un mail hier pour lui signaler l’article que j’avais fait sur Jame. Je voulais avoir son regard là-dessus. Et il m’a redirigé vers ce film.
Il a aussi écrit ces mots dans lesquels beaucoup de pieds-noirs de ma génération se reconnaîtront ; ces mots tout en douceur, sans rancœur. Quand on maîtrise la langue, on possède les mots pour exprimer la nuance, donc la douceur.
Il commence par commenter la belle réponse de Jame puis généralise sa réflexion aux enfants de pieds-noirs et me renvoie finalement au film d’Olivier Py :
[…] Malgré le demi siècle qui nous sépare de notre Histoire, il est intéressant et émouvant de voir, de lire, combien ce « quelque chose de nos origines » a franchi le mur des ans. C’est très inattendu de la part de cette génération à laquelle tu appartiens, qui n’a jamais connu l’Algérie, mais qui l’a reçue comme un héritage difficile et troublant.
Je pense que Jame et toi vous ne serez pas les seuls à devoir gérer ce passé qui n’est pas tout à fait le vôtre, pourtant combien omniprésent. D’autres viendront vous rejoindre. Le plus difficile, (pour moi c’est pareil…) c’est de se « frayer un passage » qui permet à la fois, de respecter nos familles, de ne les condamner en rien car elles ne sont pas coupables, mais par contre d’accepter de condamner la colonisation dans son concept, dans son essence même, car on ne peut faire autrement.
Dans tes premiers messages tu as parfaitement exprimé ta volonté de résoudre cette « quadrature du cercle ».
Il y a quelques mois, Canal+ a diffusé un court métrage d’Olivier Py, connu dans le milieu du théâtre. Il a intitulé son film « Méditerranées ». La famille d’Olivier Py est d’Algérie. Il a retrouvé des films de famille en 8mm et en choisissant certains extraits, il a réalisé un petit chef d’œuvre.
Voici un court extrait, il me bouleverse, tant par le fond musical choisi, que par le timbre de la voix du narrateur, et aussi par ces images muettes qui ressemblent à mon enfance là bas…
L’auteur termine son court métrage en exprimant une origine, non pas spécialement Pieds-Noirs, ni Algérienne, mais Méditerranéenne. Il a trouvé par là l’issue qui le mène à l’équilibre, à l’apaisement intérieur.
Les dernières images de l’extrait : une entrée dans cette eau si transparente de l’Algérie d’alors (que je reconnais bien…). Ce n’est pas un simple bain de mer, mais un Baptême Méditerranéen…
Merci pour tout ça, Luc.
Merci pour tout.
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?).
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PS : Sur YouTube (pour combien de temps ?) le film d’Olivier Py en entier
Le film d’Olivier Py : « Méditerranées » (se procurer le DVD sur Amazon)