Deux événements marquent l’année 1985.
Le premier concerne la sortie du très beau film de Michel Deville, Péril en la demeure, le second sonne l’ouverture du premier festival de Raï à Oran.
A l’époque, je ne me préoccupe pas de cette ville fantôme.
J’ai 15 ans et peu de goût pour le passé de mes ancêtres. Je découvre les jolies filles.
Et Nicole Garcia est particulièrement troublante dans le rôle d’une voisine nymphomane.
Il faut revoir la scène pour se rendre compte de la puissance érotique de cette grande dame. (NB : je m’aperçois, fin août, que Gaumont a interdit la diffusion de cette scène qui avait été mise en ligne par je ne sais qui.)
A quarante ans, j’en reste encore tourneboulé.
Elle vire autour du pauvre musicien jusqu’à le rendre idiot. Il est incapable de la regarder dans les yeux. Elle le frôle, se poste à la fenêtre, l’interpelle, se joue de lui, s’allonge sur le lit, se lève à nouveau, l’apostrophe, se recouche. On ne sait plus où donner de la tête.
La mise en scène de Michel Deville est virtuose.
Nicole Garcia est née à Oran le 22 avril 1946.
Elle a sorti l’année dernière un film, Un balcon sur la mer, que je suis allé voir et que j’aurais voulu aimer ; elle y fait référence à sa ville natale. Il m’a laissé indifférent, mais il est vrai que le passé m’avait déjà rejoint. J’avais une longueur d’avance sur le scénario.
Je me suis longtemps demandé pourquoi j’avais acheté un billet pour ce film. Je sentais bien qu’on ne s’entendrait pas. Je sais maintenant que je n’allais pas voir un film sur Oran, mais le film d’une Oranaise qui m’avait beaucoup troublé 25 ans plus tôt.
Nicole Garcia tourne et vire autour de Christophe Malavoy comme Oran tourne et vire autour de ceux qui l’aiment. « Le Raï est né à Oran, cité portuaire du Nord ouest algérien, réputée dans tout le pays pour la liberté de ses moeurs, même au plus fort des évènements ».
Mais c’est une dominatrice. On pose la main sur son histoire quand elle décide qu’on en est digne. « Vous savez pourquoi vous êtes séduisant ?… parce que vous ne cherchez pas à séduire ». Oran n’aime pas les hommes qui cherchent à la séduire.
Il faut s’abandonner à sa mainmise et se laisser aller.
Il faut la trouver belle.
1987, Djénia : « Rah igaber »
J’aime les baisers dans le cou
qui descendent dans la poitrine ;
Il enlace il embrasse
Il drague c’est la pagaille
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?).
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NB : depuis cet article, j’ai retrouvé dans mes archives, un témoignage de Nicole Garcia qui relate brièvement sur France Culture son départ d’Oran et son arrivée en France.
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