Vade retro Satanas

Ces jours-ci, le diable me fait signe par la fenêtre et tente de m’attirer dans son guêpier.

Je lui souhaite bien du plaisir, je suis une tête de mule.

Je ne parlerai pas de la guerre.

Mais je peux toujours raconter de quelle manière elle essaie de se jouer de moi ; ça lui passera l’envie de revenir. J’ai d’autres chats à fouetter.

Quand j’aurai trouvé le bon fouet, j’y réfléchirai peut-être. Et encore, rien n’est moins sûr. C’est un trou sans fond. Et je n’y plongerai pas sans deux ou trois cordes de rappel.

Samedi après-midi, je partais assister à une guerre de la Bretagne contre l’Hispanie dans un petit village de campagne, lorsqu’au détour d’un chemin, une plaque se glissa dans mon champ de vision et manqua me propulser dans les fourrés : rue du 19 mars 1962.

Que c’était mesquin !

La veille au soir, le diable m’avait déjà glissé à l’oreille : va jeter un œil dans le livre de Henri Martinez « Et qu’ils m’accueillent avec des cris de haine – Oran juin 62 » tu vas trouver de quoi faire un article. Hi hi hi

J’y suis allé mais comme l’auteur est d’Eckmühl, j’ai à peine eu le temps d’ouvrir une page que Don Bosco est venu me chuchoter à l’oreille : les Spartiates… les Spartiates… les Spartiates

Et j’ai refermé le livre.

Contre les vilaines choses, les belles gagnent toujours à la fin. (Du moins, je l’espère.)

Une autre ?

Tout à l’heure, je discutais avec Tewfik sur Facebook.

Tu pourrais parler des peintres d’Oran !

C’est vrai, sauf que je n’en connais pas… et lui non plus. Qu’à cela ne tienne, je prends le pari d’aborder les peintres actuels d’Oran pour voir ce que je suis capable d’en faire.

Je comprends assez vite qu’il y a matière à écrire 500 mots.

Je trouve Otmane Mersali, des jeunes comme Lebza sid Ali ou Talbi Abdelhadi, et même une biennale 2010 qui existe encore en 2012.

Otmane Mersali – Son site Internet

Et comme j’ai le défaut d’en vouloir toujours davantage, je me dis qu’un petit dernier pour la route ne fera de mal à personne, et je cherche un invité supplémentaire.

Abdellah Benmansour ? Vieil artiste peintre de 83 ans ?

« En dépit du fait qu’il soit cité dans le livre de Khaled Merzouk sur Messali Hadj en le citant nommément à travers un autre témoin, Lacahachi Mustapha, sur le fait qu’il soit à l’origine de la conception du premier tract de l’ALN en janvier 1955, après avoir été jusqu’à Mostaganem pour chercher la ronéo et les stencils vierges, Hadj Benmansour ne veut rien dire sur ce passé, malgré notre insistance, sauf évoquer son métier et de la couverture que lui procurait cette activité pour son engagement indéfectible à la cause nationale. »

Ben non. Il n’a pas envie d’en parler.

Il doit sentir que c’est foutu depuis le début. Ou alors il a d’autres raisons. Ce qui confirmerait le fait que le champ soit toujours miné 50 ans plus tard. Mon article l’est aussi. Rideau.

Ça me rappelle une réflexion de mon père en janvier 2011.

On avait fait les entretiens en août et octobre 2010, et dans l’euphorie, on s’était dit « allez hop ! on part à Oran à Pâques ! »

C’était sans compter sur le printemps arabe qui commençait à Noël, en Tunisie. Début janvier 2011, ça chauffait pas mal à Oran.

Mon père me dit : « on va laisser passer un peu de temps, j’en ai réchappé en 1962, ce serait bête d’aller me faire tuer là-bas à Pâques. »

J’approuve.

Mais en février ça se calme bien et il est prêt à y retourner.

On attend parce que l’Égypte fait sa révolution. Le ministère déconseille fortement le tourisme. A mon tour, je me dis qu’il vaut mieux attendre de voir comment les choses vont tourner.

Et puis je comprends assez vite que je n’ai pas de cordes de rappel, que je pars dans le vide, la fleur au fusil, et que ça n’a pas de sens.

Je ne suis plus un gamin, j’ai autre chose à faire qu’à risquer ma vie bêtement.

Pour s’engager dans un labyrinthe, il faut un fil d’Ariane, et je ne l’ai pas.

Donc Rideau.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

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