Comme dit Salinas, les gens ont la mémoire courte, il vaut mieux prendre les devants.
C’est ainsi qu’Auguste Aucour, de nature impatiente, décida un beau matin que son matyre avait suffisamment duré. Il se rendit place Kleber et offrit 500 francs à la commune afin qu’elle prenne ses responsabilités.
On n’est jamais mieux remercié que par soi-même.
C’est ici, sur une page de Salinas. Et c’est aussi sur une page du site de JC Pillon.
« Je veux deux griffons en bronze et mon portrait gravé dans le marbre. » (faites tourner la phrase, que je vois à quelle vitesse une rumeur peut se propager sur Internet et finir par se retrouver en bonne place sur Wikipedia.)
Plus intéressant que la fontaine place de la République, j’apprends chez Salinas le duel Oran/Mers-el-Kebir qui se joua dès 1831, et la manière dont Auguste Aucour permit finalement à la grande ville de l’emporter sur la petite.
« Et pourtant, Oran a failli ne pas devenir cette ville tentaculaire.
Son avenir s’est décidé vers 1857-1858. Un projet inspiré par les militaires (notamment le général Frossard, commandant supérieur du Génie en Algérie) entendait faire de Mers-el-Kebir le plus grand port de commerce et de guerre de la Méditerranée, le concurrent direct de Gibraltar et de Marseille.
Dans cette optique, Oran n’aurait été qu’une annexe et une cité mineure tandis que Mers-el-Kebir aurait accaparé tous les regards et toutes les ressources en crédits et en main d’œuvre. Ce n’était pas tellement une lutte d’hégémonie entre deux cités qui se dessinait.
Oran et Mers-el-Kebir faisaient alors partie de la même commune. C’est le décret du 23 mars 1864 qui les détachera l’une de l’autre avant qu’elles ne soient réunies en février 1942 et à nouveau séparées par décret du 4 octobre 1947. »
Les militaires voulaient que tout se passe à Mers-el-Kebir.
Auguste Aucour avait-il conscience de la situation ?
Il existe une jetée de 42m construite à Oran dès 1736 par les Espagnols, mais laissée à l’abandon par les Turcs ; elle s’effondre en 1834.
C’est au même moment que les militaires de Mers-el-Kebir tentent leur chance avec l’aide de deux civils, Charles Garbé et Théodore Laujoulet, « tous deux gros propriétaires terriens du côté de Mers-el-Kebir » et poussent à la création d’un centre autonome à Mers-el-Kebir.
Salinas ne donne pas la clé. On dirait qu’elle tombe du ciel.
« L’évolution des faits dicta la solution.
Depuis 1850-1855, les opérateurs économiques avaient adopté, dans leurs échanges et tractations, des comportements qui privilégiaient Oran.
Bien que les travaux de construction d’une jetée de 300m, prenant appui sur l’ancien môle espagnol, traînassent en longueur au point que commencés en 1848, ils n’étaient toujours pas achevés en 1860, le trafic ne faisait que s’accroître dans le vieux port au détriment de Mers-el-kebir.
En 1856, 937 navires y jetèrent l’ancre et en 1858, l’administration en recensa 1584 alors qu’au port voisin, il y en avait deux à trois fois moins.
Les pouvoirs publics ne purent que ratifier cette tendance. Un décret du 28 juillet 1860 décida la création à Oran d’un bassin de 24 hectares enserré par deux jetées d’une longueur respective de 900 et 250 mères dont la réalisation, entravée par une gigantesque tempête de quatre jours en 1869, ne fut effective qu’en 1876.
Au niveau de la conception architecturale, elle devait beaucoup aux idées de l’ingénieur aux Ponts et Chaussées Auguste Aucour. »
Ainsi donc, Auguste Aucour mérite peut-être bien d’avoir son portrait gravé dans le marbre sur la place de la République.
On peut cependant rester dubitatif quand on voit à quel point une jetée même ridicule attire malgré tous les bateaux à Oran.
J’ai plutôt tendance à penser qu’Oran avait de toute façon une trop forte personnalité.
Comment espérer que Mers-el-Kebir gagne la partie quand la petite Leoni de Santa-Cruz est tournée vers Oran depuis le choléra de 1849 ?
C’était perdu d’avance pour les militaires de Mers-el-Kebir.
Auguste en avait-il conscience ?
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)